Téléphérique de Jérusalem : le ministère des Transports « n’est pas impliqué »
Le projet est soutenu par le ministre du Tourisme et le maire de Jérusalem ; l'Autorité du développement de Jérusalem affirme que le ministère des Transports est partenaire
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Dans un curieux revirement à une proposition controversée du gouvernement pour un téléphérique qui fait l’objet d’une promotion dans le cadre d’un plan de transport en commun pour Jérusalem, le Times of Israel a appris que le ministère des Transports n’est pas impliqué dans ce projet.
Le projet porté par le ministère du Tourisme, et pour lequel le gouvernement a déjà prévu un budget de 200 millions de shekels (50 millions d’euros), a pour objectif de transporter jusqu’à 3 000 personnes par heure aux heures de pointe dans 72 cabines de 10 personnes entre le complexe commercial de l’Ancienne gare au sud-ouest de Jérusalem et la porte des Maghrébins de la Vieille Ville, près du mur Occidental.
Le parcours de 1,5 kilomètre, dont la durée de parcours prévue est inférieure à cinq minutes, traversera la vallée historique de Hinnom et fera escale au mont Sion, avant de continuer vers le village palestinien de Silwan jusqu’à sa destination finale – le centre Kedem encore à construire – un grand complexe de plusieurs étages que la fondation de droite Cité de David prévoit de construire sur le parking Givati, près de la porte des Maghrébins, juste derrière les murailles de la Vieille Ville.
Le projet est fortement soutenu par le ministre du Tourisme Yariv Levin (Likud) et le maire de Jérusalem Moshe Lion et planifié par la l’Autorité du développement de Jérusalem (JDA), un organisme conjoint du gouvernement et de la municipalité de Jérusalem.

Ils affirment que le projet apportera une solution respectueuse de l’environnement aux embouteillages et à la pollution autour des remparts de la Vieille Ville et qu’il s’intégrera au système de transport en commun des autobus et des tramways de Jérusalem, en pleine évolution.
Ces évaluations ont été soumises au Conseil national de planification en octobre, qui a approuvé le projet fin janvier et qui donnera ou non son approbation finale après avoir examiné les commentaires du public dans les prochains mois.
La meilleure solution ?
Les avantages du projet en termes de trafic ont été réitérés lors de réunions publiques, où le responsable de la JDA, Aner Ozeri, a déclaré qu’en l’absence d’alternatives réalistes et immédiates pour réduire la congestion autour des murs de la Vieille Ville, le téléphérique est la meilleure solution, nécessitant peu de terrain et capable de relever les défis du relief escarpé.
Les opposants au projet, dont certains travaillent sur des propositions avant la fin de la période d’opposition publique de 60 jours prévue le 2 avril, affirment qu’il s’agit d’un projet « à la Disney » et mal conçu, qui entaillera la vallée pittoresque de 15 pylônes massifs et souillera la vue unique de la Vieille Ville et ses remparts, site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Une grande partie des débats tourne toutefois autour de questions pratiques et de circulation – les niveaux de congestion de la ville sont déjà élevés aux heures de pointe et les habitants du sud de la ville craignent que le projet ne fasse que déplacer tous les autobus et les voitures du bassin de la Vieille Ville vers l’Ancienne Gare, qui est située à proximité de la route de Hébron (déjà saturée), la principale entrée de la ville par le sud.
Un porte-parole de la JDA a déclaré que tandis que le ministère du Tourisme fait la promotion du projet, « le ministère des Transports est un partenaire dans la planification, et le programme de téléphérique est synchronisé avec le reste des transports et des infrastructures de la ville ».
Ministère des Transports : « Nous n’avons aucune information ».
Cependant, lorsque l’avocat Eitay Mack, représentant l’ONG de gauche Emek Shaveh, a écrit mi-février au responsable du ministère en charge de la liberté d’information pour lui demander des détails sur les alternatives de désengorgement qui auraient pu être discutées, la responsable, Ayala Danino, a répondu : « Nous n’avons aucune information sur le projet du téléphérique. C’est un projet touristique, pas un projet de moyen de transport ».
Contacté par le Times of Israel mercredi, un porte-parole du ministère des Transports a confirmé : « Il s’agit d’un téléphérique touristique, et le ministère des Transports n’est donc pas impliqué dans le projet ».

« Cela nous a laissés en état de choc », a dit Mack. « Qu’est-ce qui se passe ici ? »
Une présentation de la JDA en hébreu, montrée lors de rassemblements publics, contient des photos de diverses alternatives de transport qui ont été exclues mais ne précise pas pourquoi.
Ozeri a indiqué que les alternatives sous la forme d’un train ou d’un tramway prendraient trop de temps.
Mack a insisté cette semaine sur le fait que le public avait le droit d’être informé d’un projet qui aurait des ramifications majeures, non seulement pour le transport dans des zones telles que la Vieille Ville, la colonie allemande et le centre-ville, mais aussi pour le projet de tramway, qui est à différents stades de réalisation dans la ville, les lignes de bus Egged, la desserte en taxi et la circulation des voitures particulières.
Dans une annexe soumise au Conseil national de planification l’année dernière, les consultants en trafic de Tel Aviv engagés par la JDA ont fait remarquer qu’un service de navette gratuit déjà en service entre l’Ancienne gare et le mur Occidental n’est guère utilisé, mais n’ont pas dit pourquoi.
Le tramway « quatre fois plus cher » que le téléphérique
La seule autre option mentionnée par les experts était la construction d’une ligne spéciale de tramway, en partie souterraine, dont le principal avantage serait « visuel » mais qui coûterait près de quatre fois plus cher qu’un téléphérique – 800 millions de shekels (200 millions d’euros) – et prendrait deux fois plus de temps (trois ans) pour être construite, en perturbant les autres lignes déjà opérationnelles du tramway.

Le même document indiquait que six aires de stationnement pour les autobus affrétés seraient créées le long de l’étroite rue David Remez, où se trouvent l’Ancienne gare et le théâtre Khan, pouvant accueillir environ sept à onze autobus par heure, dont chacun serait limité à un stationnement de 8 minutes.
Pour les voitures, les experts comptaient beaucoup sur « quelques centaines » de places de stationnement mises à la disposition du public dans un grand parking situé derrière l’Ancienne gare et destiné à un développement résidentiel haut de gamme.
Les besoins en stationnement public « seront examinés »
Un porte-parole de la municipalité de Jérusalem n’a pu donner aucun détail sur les places de stationnement public à l’Ancienne gare à long terme. La planification de trois projets – le téléphérique, une nouvelle ligne de tramway et le parking – n’en était encore qu’à ses débuts, et le stationnement public devait encore être examiné, a déclaré le porte-parole.

Mack a accusé le ministère du Tourisme et el JDA de dépenser des « millions » pour un projet qui « n’a pas été réfléchi » et de baser ses calculs sur une étude de trafic « superficielle » qui a soulevé des problèmes mais n’a pas apporté de solutions.
Mack dit avoir essayé d’obtenir plus d’informations sur le téléphérique depuis août.
Une longue correspondance, d’abord avec le ministère du Tourisme, puis avec la JDA, s’est terminée le 2 janvier par une réponse de ce dernier, disant qu’il en avait trop demandé, et lui réclamant d’être plus précis, avant d’aborder la liste de ses demandes en disant que l’autorité n’était pas tenue de divulguer des informations.
La publication d’un rapport de faisabilité économique pourrait « perturber l’avancement du projet »
La JDA a renvoyé Mack à des informations publiques qu’il avait déjà vues et a refusé de publier une étude de faisabilité économique au motif qu’elle contenait des données commerciales et que sa publication pouvait « perturber l’avancement du projet ».
Interrogé à ce sujet, un porte-parole du JDA a déclaré cette semaine au Times of Israel que la publication de l’étude pourrait « nuire » au processus de soumission.
Dans une impasse, Mack a présenté une requête au tribunal de district de Jérusalem au nom d’Emek Shaveh et de plusieurs personnes concernées accusant le ministère du Tourisme, la JDA et les responsables de l’accès à l’information au sein des deux organismes qui refusent déraisonnablement de communiquer des renseignements.
Mais la cour a fixé une date limite pour les réponses – ce qui, selon Mack, risque d’arriver trop tard.
« Le public n’a accès ni à un plan de transport ni à un plan économique », a dit M. Mack. « C’est un projet populiste, qui n’a pas été réfléchi et qui s’avère plus coûteux que bénéfique, et dont l’exploitation ou l’entretien sera un fardeau financier ».
Guide touristique : commencez par appliquer les règles de stationnement existantes
Amos Garbatski, un guide touristique expérimenté et accrédité qui est aussi actif à Moreshet Derech – l’Association des guides touristiques pour le tourisme réceptif – a accusé ceux qui sont derrière le projet de téléphérique « de n’avoir aucune idée du tourisme ».

Plutôt que de « déplacer le problème ailleurs », la façon la plus simple de régler la congestion autour des remparts de la Vieille Ville et de fluidifier la circulation consistait à appliquer les règles actuelles de stationnement interdit à l’aide d’agents de la circulation, infliger des amendes et utiliser des navettes.
Les navettes avaient été utilisées avec succès il y a des années pendant les périodes de pointe de Hol Hamoed (demi-fetes) de Pessah et Souccot.
« Les lundis et jeudis [lorsque les cérémonies de bar-mitsva ont lieu au mur Occidental], vous voyez des voitures privées garées près de la porte des Maghrébins et pas un policier à l’horizon », dit-il.
« Allez au Jardin de Gethsémani, il y a des emplacements pour trois ou quatre autocars pour laisser descendre ou monter les touristes. Entre les deux, ils sont censés aller ailleurs, mais ils restent là, garés. Une amende de 500 shekels (125 €) résoudrait ce problème ».
M. Garbatsky a ajouté qu’il était « absurde » de penser que les guides de groupe allaient affronter les embouteillages du matin pour amener un autobus rempli de touristes à l’Ancienne gare.
Il n’envisageait même pas de diviser les groupes dans les cabines de téléphérique, a-t-il ajouté, de peur de ne pas les retrouver à l’autre bout.
Les Karaites s’opposent au téléphérique pour des motifs religieux
Le journal Haaretz a révélé le mois dernier que les opposants au projet de téléphérique incluaient l’ancienne communauté karaïte, qui vit selon les préceptes de la Bible hébraïque, mais pas de la loi orale codifiée dans le Talmud, ce qui constitue un autre aspect de la saga du téléphérique. Le téléphérique doit traverser la vallée de Hinnom, où se trouve un cimetière karaïte.

Les Karaïtes s’y opposent parce que selon leur interprétation de la loi juive, il est interdit de se tenir sous un toit où les morts sont enterrés et par conséquent, un téléphérique est équivalent à un toit.
Shlomo Gaver, directeur général de la communauté karaïte, a déclaré au Times of Israel que le cimetière possédait des centaines de tombes, dont certaines remontent à la période du Second Temple, ainsi qu’une ancienne nécropole, et que toutes sont inscrites au cadastre comme étant propriété karaite.
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