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Trump et Harris affirment leur soutien à Israël mais se gardent bien de se dire « sionistes »

Interrogés sur le positionnement des candidats à la présidence vis-à-vis du "sionisme", les directeurs de campagne des deux bords répondent longuement mais sans dire le mot

Cette combinaison d'images montre l'ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump (à gauche) et la vice-présidente américaine et candidate démocrate à la présidence Kamala Harris participant à un débat présidentiel au National Constitution Center à Philadelphie, en Pennsylvanie, le 10 septembre 2024. (Crédit : Saul Loeb/AFP)
Cette combinaison d'images montre l'ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump (à gauche) et la vice-présidente américaine et candidate démocrate à la présidence Kamala Harris participant à un débat présidentiel au National Constitution Center à Philadelphie, en Pennsylvanie, le 10 septembre 2024. (Crédit : Saul Loeb/AFP)

WASHINGTON (JTA) – Pendant des décennies, le président américain Joe Biden s’est lui-même qualifié de « sioniste ». Mais dans les tout derniers jours de sa campagne, cette année, il s’est demandé à voix haute si quelqu’un savait encore ce que voulait bien dire ce terme.

Speedy Morman, un podcasteur, avait en effet demandé à Biden, le 12 juillet, s’il était sioniste. Biden avait répondu oui, qu’il l’était.

« Cela va faire parler parce que les gens ne savent pas vraiment ce qu’est un sioniste », avait commenté Biden.

Neuf jours plus tard, Biden se retirait de la course à la présidence – mais il a peut-être mis le doigt sur quelque chose d’important lors de cette interview avec Morman, l’une des dernières de sa campagne. En effet, ni l’une ni l’autre des personnes qui se proposent de lui succéder – toutes deux partisanes déclarées d’Israël – ne se disent ouvertement sionistes.

Interrogée par la Jewish Telegraphic Agency avec la question « dans quelle mesure la vice-présidente Kamala Harris se considère sioniste », une de ses assistantes de campagne répond :

« La vice-présidente et le gouverneur [Tim] Walz sont depuis longtemps de fervents partisans d’Israël, en tant que patrie sûre et démocratique du peuple juif. Ils veilleront toujours à ce qu’Israël ait la capacité de se défendre contre les menaces, y compris celles de l’Iran et des terroristes soutenus par l’Iran, tels que le Hamas et le Hezbollah. »

Lorsqu’on lui fait remarquer que la première phrase de sa réponse correspond assez bien à la définition la plus courante du terme « sioniste », l’assistante ajoute « ne rien avoir de plus à dire ».

Illustration : La vice-présidente américaine Kamala Harris, à gauche, et son époux, le second gentleman Doug Emhoff, assistant à la réception organisée par l’ambassade d’Israël pour célébrer le 75e anniversaire de la fondation de l’État d’Israël, au National Building Museum, à Washington, le 6 juin 2023. (Crédit : Saul Loeb/AFP)

Karoline Leavitt, la porte-parole de Trump, répond elle aussi longuement, sans jamais employer le mot « sioniste » :

« Le président Trump a fait plus pour Israël que n’importe quel autre président américain dans l’histoire », affirme-t-elle, avant de dresser le bilan présidentiel de Trump envers Israël, de la négociation d’accords de normalisation entre Israël et plusieurs de ses voisins au transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem en passant par le retrait unilatéral de l’accord nucléaire iranien.

« Tous les progrès accomplis par le président Trump dans la région ont été anéantis par la faiblesse de Kamala Harris et les mesures prises au nom d’America Last », poursuit Leavitt. « Lorsque le président Trump sera à nouveau dans le Bureau ovale, alors Israël sera à nouveau protégé, l’Iran redeviendra pauvre, les terroristes seront pourchassés et toutes ces effusions de sang prendront fin. »

Elle ne donne pas suite à une question complémentaire relevant que ces actions relèvent de celles d’un président sioniste et lui demandant si Trump se qualifierait en utilisant ce terme.

Le candidat républicain à la présidence et ancien président Donald Trump s’exprimant lors d’une réunion annuelle de leadership de la Republican Jewish Coalition, à Las Vegas, le 28 octobre 2023. (Crédit : John Locher/AP)

L’idéologie moderne du sionisme est née au XIXe siècle, dans le but d’établir une politique juive sur la Terre d’Israël. Depuis que ce projet est devenu réalité avec la création d’Israël en 1948, son sens n’a cessé d’être contesté, mais le sionisme est généralement relié à un soutien à Israël en tant qu’État juif et à ses citoyens. De nombreux Juifs s’identifient comme sionistes, et les organisations de lutte contre l’antisémitisme soulignent que les xénophobes utilisent souvent le mot « sioniste » pour s’en prendre aux Juifs.

Lors de son entretien avec Morman, Biden avait proposé sa propre définition du terme, en répondant à la question tenant aux raisons de son soutien à Israël. (Morman, dont les podcasts sont pour l’essentiel consacrés au sport, au divertissement et à la politique, a consacré quatre minutes à Israël sur les vingt de son interview.)

« S’il n’y avait pas d’Israël, tous les Juifs du monde seraient en danger », a assuré Biden. « Il est nécessaire qu’il soit fort, et qu’Israël puisse offrir, après la Seconde Guerre mondiale, aux Juifs un endroit à eux. Pas besoin d’être Juif pour être sioniste. Être sioniste, ça tient à la question de savoir si Israël est oui ou non un refuge pour les Juifs, au vu de leur histoire et de la façon dont ils ont été persécutés. »

Après avoir dit être sioniste, Biden s’est tourné vers Morman : « Savez-vous ce qu’est un sioniste ? », lui a-t-il demandé.

Morman a alors botté en touche. « Je me borne à poser des questions, je n’y réponds pas. » Aussi gênant qu’ait pu être ce moment, il était suffisamment puissant pour que Morman utilise l’extrait sur les réseaux sociaux pour faire la promotion de l’interview.

Le président américain Joe Biden à Tel Aviv, le 18 octobre 2023. (Crédit : Brendan Smialowski / AFP)

Jonathan Sarna, professeur d’histoire juive à l’Université Brandeis, n’est pas surpris qu’aucun des deux candidats à la présidence ne se dise sioniste. Il ajoute que Biden est le dernier de son espèce.

« Biden est le dernier président, le dernier que nous aurons jamais, à vraiment connaître l’histoire de la Shoah. Cela l’a profondément affecté », commente Sarna. « Le mot ‘sionisme’ a été redéfini par les ennemis d’Israël entre l’enfance de Joe Biden et celle de Kamala Harris, c’est le point d’inflexion en la matière. »

Sarna met en exergue la façon – péjorative – dont les manifestants anti-Israël utilisent le mot « sioniste ». Lors de manifestations pro-palestinienneses, on a entendu des slogans contre les sionistes. Des listes noires de prétendus « sionistes » – parfois simplement des Juifs qui n’ont jamais pris la moindre position envers Israël – ont circulé dans les milieux littéraires et d’ailleurs. Une cidrerie de l’Utah a même décrété : « Interdit aux sionistes. »

Des étudiants juifs disent avoir été exclus de groupes ou d’endroits parce que qualifiés de « sionistes ». Autre exemple plus extrême encore, un étudiant de l’Université de Columbia a été filmé en train de dire que les sionistes « ne méritent pas de vivre ».

« Vous savez, la jeune génération a grandi en s’entendant dire que le sionisme était une forme de colonialisme », souligne Sarna. En parlant de Harris et Trump, il ajoute : « Je crois que c’est justement parce qu’ils comprennent ce que c’est ou ont entendu autre chose sur le sionisme, qu’ils ne veulent pas s’y engager. Il est plus facile pour eux de dire : ‘Nous soutenons Israël’ que de s’embarquer dans un ‘isme’. »

Les messages « Gloire à nos martyrs » et « Boycott du génocide sioniste maintenant » – et d’autres messages anti-Israël sont projetés sur la façade d’un bâtiment du campus de l’Université George Washington, à Washington, le 24 octobre 2023. (Crédit : StopAntisemitism/X)

Utiliser ce terme pourrait avoir des coûts politiques pour les deux candidats. Harris tente d’endiguer la dérive des Démocrates au sein de son électorat pro-palestinien – les communautés arabo-américaines et les jeunes communautés. Elle le fait en critiquant plus ouvertement que Biden la situation à Gaza et en appelant à la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël.

Trump met pour sa part l’accent sur son bilan de président envers Israël, avec par ailleurs une campagne de sensibilisation de la communauté arabo-américaine du Michigan.

Ces postures ont joué un rôle important dans le débat de cette semaine, lorsque Harris a appelé à un cessez-le-feu « immédiat » et Trump déclaré que Harris causerait du tort à la fois aux Arabes et aux Juifs.

Emily Tamkin, auteure d’essais sur les Juifs et la façon dont ils sont perçus dans la politique américaine, explique que le terme « sioniste » a beaucoup plus d’acceptions que du temps de l’enfance de Biden.

« Biden a fait ses débuts en politique à une époque où peu de gens, au sein de la classe politique américaine dominante, s’interrogeaient sur le terme ou la façon dont il pourrait être compris par différents publics, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », explique-t-elle à la JTA.

Aujourd’hui, ajoute-t-elle, ce terme est ambigu.

« Certains entendent le mot ‘sioniste’ et pensent ‘décennies de déplacement et de dépossession des Palestiniens’ », poursuit-elle. « Pour d’autres – et je pense surtout aux Juifs – cela peut aller de ‘l’autodétermination juive et palestinienne’ à ‘Je soutiens la vision de l’actuel gouvernement Netanyahu’.

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