Un an après, des signes de progrès sur l’enquête sur la mort de Nisman
Nouveau témoignage et question sur la gestion passée de l’affaire donnent de l’impulsion à la thèse de l’assassinat du procureur de l’attentat contre le centre juif

BUENOS AIRES, Argentine (JTA) – Une série extraordinaire de rebondissements amène de nouveaux espoirs – et de nouvelles peines – à la famille et aux collègues d’Alberto Nisman, le procureur fédéral argentin qui a été retrouvé mort l’année dernière, quelques jours après avoir accusé la présidente d’alors, Cristina Fernandez de Kirchner, d’avoir couvert le rôle de l’Iran dans l’explosion en 1994 du centre juif de l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA).
Quatorze mois après que Nisman a été retrouvé mort dans son appartement avec une seule balle dans la tête, aucun résultat d’autopsie n’a été publié et aucune cause officielle de la mort n’a été donnée.
Mais le 29 février, Antonio ‘Jaime’ Stiuso, l’ancien directeur des opérations de renseignement de l’Argentine, qui a vécu en exil aux Etats-Unis l’année dernière, a délivré un témoignage explosif, accusant Kirchner d’avoir ordonné une frappe sur Nisman et cherché à maquiller sa mort en suicide.
« Ils ont tué Nisman à cause du travail qu’il faisait », a déclaré Stiuso dans un témoignage de 17 heures ininterrompues, selon de nombreux articles de journaux.
« L’auteur de toute cette folie était cette femme, Cristina Fernandez de Kirchner, a-t-il déclaré. Quand la folie de l’ancienne présidente est devenue évidente, j’ai dû emmener ma famille et déménager. »
Stiuso n’avait pas terminé. Faisait référence à l’Iran, il a déclaré : « Quand vous avez ces personnes comme ennemies, il n’y a pas d’utilité à avoir des gardes du corps. »

Au moment de sa mort, Nisman, 51 ans, était protégé par un contingent d’officiers de la police fédérale argentine. Leur absence la nuit du 18 janvier 2015 doit toujours être expliquée.
Quelques heures après que Stiuso a fini de témoigner, la juge présidente, Fabiana Palmaghini, qui a pris en charge l’enquête en décembre, s’est excusée de la gestion de l’affaire.
Dans un document de 30 pages qu’elle a réussi à produire en quelques heures, Palmaghini a accusé Viviana Fein, l’enquêteur sur la mort de Nisman, d’avoir ignoré le témoignage de Stiuso fourni en 2015 et dans lequel il aurait déclaré que Nisman avait été tué. Quelques heures après la découverte de la mort de Nisman, et sans aucune raison, Fein avait annoncé qu’elle considérait la mort comme un suicide.
Ce rebondissement intervient exactement 100 jours après le début du mandat de Mauricio Macri en tant que président, et certains le voient comme faisant partie de la campagne pour convaincre le monde qu’il peut restaurer la position de l’Argentine à l’échelle du monde. Depuis qu’il a pris la présidence en décembre, les dirigeants de la France et de l’Italie lui ont rendu visite à Buenos Aires. Mercredi, le président Barack Obama arrivera, accompagné de 400 dirigeants commerciaux américains, pour la première visite d’Etat d’un président américain en Argentine en 27 ans.
Lundi, pendant une conférence de presse précédant la visite d’Obama, la ministre des Affaires étrangères Susana Malcorra a décrit la tâche du gouvernement comme « l’insertion de l’Argentine dans le monde » – comme si les années Kirchner l’avaient eclipsée de la planète.
La présidence de Macri a commencé en beauté, annulant ce qui restait du pacte de Kirchner avec l’Iran pour enquêter sur l’explosion de l’AMIA. Nisman avait accusé Téhéran d’être le responsable de l’attaque et avait montré des preuves qui avaient conduit Interpol à délivrer un mandat d’extradition contre de hauts fonctionnaires iraniens, y compris un ancien ministre des Affaires étrangères.
La semaine dernière, devant le public de la première réunion du Congrès juif mondial à se tenir en Amérique latine, Macri a promis de faire avancer l’enquête et a déploré le mal fait à la réputation internationale de l’Argentine par le manque de progrès sur l’enquête de l’AMIA et le scandale entourant la mort de Nisman.
« Mais nous sommes à présent déterminés à faire la lumière sur ce qui est arrivé », a déclaré Macri à Associated Press.
Nisman avait dédié la dernière décennie de sa vie à enquêter sur l’attentat de l’AMIA, qui a fait 85 morts et des centaines de blessés. Quatre jours avant sa mort, il avait accusé Kirchner d’avoir tenté de couvrir le rôle de Téhéran.

La semaine dernière, Daniel Berliner, le directeur du service Argentine de Jewish news, Agencia Judía de Noticias, a publié ce qu’il a affirmé être le dernier enregistrement de la voix de Nisman. Dans un appel téléphonique mené deux jours avant d’être retrouvé mort, Nisman parlait avec une clarté à faire frémir.
« Je sais que peu importe [ce qu’il va arriver], je dois faire ça, disait Nisman. Je ne pouvais pas garder cette preuve pour moi, que ce soit pour moi ou pour le pays. Et oui, je finirai comme je finirai. Tant que la vérité est connue. »
Officiellement, la mort de Nisman est toujours considérée comme une « mort suspecte » et est gérée par une cour inférieure. Vendredi, dans une petite et étouffante chambre au cinquième étage du bâtiment de la cour pénale du centre de Buenos Aires, un jury de trois juges a entendu les arguments sur la gestion future de l’affaire.
L’Etat, qui sous Kirchner voulait que l’enquête reste dans une cour inférieure, a rejoint sous Macri la famille de Nisman pour demander sa reclassification comme homicide possible et crime fédéral.
« Le procureur fédéral Natalio Alberto Nisman a été assassiné pour empêcher le progrès de son travail au nom de l’Etat ! », a tonné Pablo Lanusse, figure emblématique de la loi en Argentine, qui représente la mère de Nisman, Sara Garfunkel.

L’intense avocat à la voix douce Manuel Romero Victorica, qui représente l’ancienne épouse de Nisman et ses filles, a calmement lu une des nombreuses menaces envoyées par email à Nisman pendant son dernier mois frénétique de travail : « Nous réaliserons notre promesse de te tuer toi et ta faille, mais avant cela, nous te ferons passer pour une m*rde aux yeux du public et des médias. Nous avons déjà réussi à te séparer de l’affaire AMIA et nous avons obtenu de l’Argentine un accord avec l’Iran sans toi. »
Sandra Arroyo Salgado, l’ancienne épouse de Nisman et juge elle-même, s’est effondrée en larmes pendant qu’elle décrivait son « double rôle » comme mère de ses filles et personnage juridique à part entière.
« Nous avons traversé une année très compliquée de malveillance et de peur », a-t-elle déclaré, décrivant comment elle et ses filles avaient été publiquement calomniées.
« Quand ils parlent de la ‘petite ex-femme de Nisman’, c’est moi. Comment puis-je dire à mes filles que quand elles entendent des menaces, elles ne devraient pas avoir peur ? »
Le jury devrait décider mercredi, le jour de l’arrivée d’Obama, si l’affaire Nisman va être transmise à une cour fédérale.
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