Un ancien de Guantanamo jugé dès mardi pour de la propagande jihadiste en France
Saber Lahmar, innocenté puis accueilli en France en 2009, sera jugé pour des soupçons de prêches radicaux et d'incitation au départ en Irak ou en Syrie d'aspirants au jihad
L’Algérien Saber Lahmar, détenu huit ans à Guantanamo, innocenté puis accueilli en France en 2009, sera jugé de mardi à vendredi à Paris pour des soupçons de prêches radicaux et d’incitation au départ en Irak ou en Syrie d’aspirants au jihad.
A la barre de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, il sera accompagné d’un autre prévenu, Mohamed H., avec qui il sera jugé pour association de malfaiteurs terroriste délictuelle.
Mais celui dont l’histoire fait écho à celle de trente ans de jihadisme mondialisé, « toujours présent là où l’islam radical a été », selon un magistrat, devrait attirer l’attention.
Né en mai 1969 en Algérie, Saber Lahmar fait une licence en sciences islamiques et, selon la justice, devient membre du Groupe islamique armé (GIA).
Il part ensuite quelques années terminer ses études à Médine, en Arabie saoudite, avant d’apparaître en Bosnie-Herzégovine entre 1996 et 2001, où il travaille notamment dans une grande mosquée de Sarajevo considérée comme un lieu de rassemblement d’islamistes.
Les Bosniens le livrent aux Américains début 2002 avec cinq autres Algériens, soupçonnés d’avoir fomenté un attentat contre l’ambassade des Etats-Unis.
Il est transféré dans la prison militaire de Guantanamo, sur l’île de Cuba, où il est détenu jusqu’en 2008, avant d’être innocenté par la justice américaine.
Le président Nicolas Sarkozy accepte le principe d’accueillir en France deux ex-détenus du camp. Ce seront Lakhdar Boumediene et Saber Lahmar, qui pose pied en France le 1er décembre 2009.
« Guantanamo restera avec moi jusqu’à la fin de ma vie. Ce n’était pas de la torture normale et ce n’était pas huit jours », racontera-t-il en 2012 à l’AFP.
« Guide religieux »
La justice française a ensuite pris le relais pour établir son histoire hexagonale à partir de 2010.
Pour l’accusation, celui qui semble faire office de « guide religieux » officie rapidement comme imam de la mosquée de Saint-André de Cubzac (Gironde) mais aussi dans une salle de prière clandestine située au-dessus du restaurant de Mohamed H., l’autre mis en cause.
Saber Lahmar se voit reprocher son « ancrage dans l’islam radical » avec des « propos très violents » lors de prêches « s’en prenant aux juifs, appelant à tuer les apostats et au martyre ».
Il est soupçonné d’avoir entretenu des liens avec plusieurs figures du jihadisme en France, dont Lionel Dumont, braqueur islamiste ancien du « gang de Roubaix », ou Mohamed Achamlane, chef du groupe islamiste Forsane Alizza.
Point de départ de l’enquête, Saber Lahmar aurait « directement encouragé et préparé des départs » à l’été 2015 « vers la zone irako-syrienne », peut-être contre rémunération de l’association Sanabil, dissoute fin 2016 par les autorités françaises qui la considéraient comme au cœur de la nébuleuse jihadiste.
Parmi les voyageurs, Othman Yekhlef, considéré comme « mort sur zone » depuis la fin 2015, ainsi qu’un couple et ses quatre enfants. Le père, Salim Machou, est l’un des sept Français condamnés à mort en 2019 par la justice irakienne pour leur appartenance au groupe Etat islamique.
« Nous n’avons dans ce dossier aucun élément probant pouvant montrer que Saber Lahmar aurait amené deux personnes à partir » en zone irako-syrienne, a contesté Me Christian Blazy, son avocat avec Me Alix Villanove.
Celui qui a été mis en examen et incarcéré en juin 2017 et qui comparaîtra détenu « est la victime de sa réputation d’ancien détenu de Guantanamo mais (…) après huit ans de détention, il a été libéré sans qu’aucun fait ne lui soit juridiquement reproché », a ajouté Me Blazy.
Un procès est également ordonné pour celui que la justice considère comme le « second du ‘cheikh’ Lahmar », Mohamed H., né au Maroc en 1977.
Son profil était apparu dans la presse en 2017 lorsqu’il avait brièvement officié comme intervenant extérieur en anglais dans un collège de Côte-d’Or avant d’être écarté à l’annonce de sa mise en examen.
« Mon client conteste fermement les accusations portées contre lui », a indiqué son avocate Me Noémie Saidi-Cottier.