Un artiste palestinien arrêté lors d’une perquisition de Tsahal en Cisjordanie
Eid Hthaleen, qui a exposé avec Ai Weiwei, a été menotté et les yeux bandés cinq heures durant avant d'être emmené au commissariat de Kiryat Arba, puis libéré sans être inculpé
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Un artiste palestinien, qui a par le passé exposé avec le célèbre artiste chinois Ai Weiwei, a été arrêté mardi lors d’une perquisition menée par un bataillon de réservistes de l’armée israélienne à la recherche d’armes dans un village bédouin de Cisjordanie.
Eid Suleiman Hthaleen a été menotté, les yeux bandés et emmené d’Umm al-Khair par des soldats israéliens vers une base militaire voisine. Sa famille n’a pas pu le contacter ni le localiser pendant cinq heures, jusqu’à ce qu’il soit officiellement interrogé au commissariat de l’implantation de Kiryat Arba.
L’armée a confisqué à Hthaleen une importante somme d’argent ainsi que des bijoux, des appareils photo, des téléphones et d’autres appareils électroniques au cours de la perquisition. Aucune arme n’a été trouvée par les soldats lors du raid.
Il a été relâché tard dans la nuit de mardi à mercredi, à la condition qu’il revienne pour un nouvel interrogatoire mercredi.
L’argent de Hthaleen lui a été restitué, mais ses appareils électroniques demeurent aux mains de la police. La police a décidé mercredi de ne pas inculper Hthaleen, bien qu’elle conserve ses appareils pour de plus amples vérifications, selon Hthaleen.
Hthaleen a exposé ses œuvres à Tel Aviv et à Berlin – des modèles réduits de jeeps, de bulldozers, d’hélicoptères et d’autres véhicules militaires israéliens fabriqués à partir de ferraille, de plastique et d’autres matériaux qu’il trouve autour de lui.

Weiwei s’est rendu en Israël et en Cisjordanie en 2016, et a rencontré Hthaleen à Umm al-Khair. L’artiste chinois a ensuite invité Hthaleen à exposer ses œuvres à Berlin plus tard la même année.
Umm al-Khair, une ville située dans les collines du sud de Hébron, dans la zone C de la Cisjordanie, où Israël exerce un contrôle civil et de sécurité total, constitue l’une des nombreuses communautés d’éleveurs bédouins de cette région. La plupart des bâtiments de fortune du hameau ont été construits sans autorisation, Israël n’accordant que rarement des permis de construire aux Palestiniens vivant dans la zone C, et sont voués à être détruits.
Mardi matin, des soldats du bataillon de réserve de la Brigade régionale de Judée sont entrés dans Umm al-Khair depuis l’implantation voisine Carmel et ont perquisitionné de nombreuses maisons à la recherche d’armes, selon des habitants du village.
L’unité n’a pas trouvé d’armes, a déclaré Tsahal, mais a arrêté Hthaleen, soupçonné que l’argent en sa possession était destiné à des « fins terroristes ».
Après avoir été interpellé dans le village vers 11h30, Hthaleen a été conduit sur une base militaire proche de l’implantation de Susya, mais n’a été transféré au commissariat de Kiryat Arba qu’aux environs de 16h30.
Il a été entravé au moyen de menottes en plastique, qu’il a qualifiées de très douloureuses, et ses yeux ont été bandés pendant toute la durée de l’interrogatoire.
Hthaleen a été interrogé pendant environ deux heures par la police, mais n’a été relâché que tard dans la nuit. Il est retourné au commissariat mercredi matin comme convenu, mais a dû attendre deux heures et demie avant d’être autorisé à entrer dans le commissariat, où il a été interrogé pendant 30 minutes.
« Ils ont terrifié les femmes, les enfants et les bébés [pendant la perquisition], et ils ont tout fouillé, les cuisines, les chambres à coucher, ils ont tout renversé, puis ils sont venus chez moi, ils ont confisqué une partie de mon argent, mes ordinateurs et mes appareils photo, et ils m’ont arrêté et emmené au poste de police », a raconté Hthaleen au Times of Israel, mercredi.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles Tsahal a mené l’opération de recherche à Umm al-Khair, Hthaleen a répondu que « c’est à cause des colons [résidents d’implantations], ils dérangent la vie des gens jour et nuit pour qu’ils se sentent en danger et tentent ainsi de les chasser du village ».
« Tout le monde à Masafer Yatta ressent la même chose, c’est l’un des moyens qu’ils utilisent pour malmener des communautés et les faire se sentir mal. »
Plus d’un millier de Palestiniens, issus pour la plupart d’une quinzaine de communautés d’éleveurs des collines du sud Hébron et de la vallée du Jourdain, ont fui leurs maisons depuis le 7 octobre en raison des violences et du harcèlement dont ils sont victimes de la part de résidents d’implantations extrémistes.
Des unités de l’armée israélienne ont mené de nombreux raids de ce type dans la région des collines du sud de Hébron depuis le 7 octobre, et ont notamment saccagé des propriétés dans le village de Halat al-Daba au cours d’une autre opération de recherche d’armes.
Tsahal a déclaré mardi soir que le bataillon était entré à Umm al-Khair « à la recherche d’armes » et que « pendant les activités, la personne recherchée a été arrêtée après la découverte à son domicile d’une importante somme d’argent soupçonnée d’être des fonds destinés au terrorisme, ainsi que d’autres équipements électroniques. Pour cette raison, il a été confié à la police israélienne ».
Les bataillons régionaux de réserve actuellement en service opérationnel en Cisjordanie sont en grande partie composés de civils mobilisés appelés depuis le 7 octobre à assurer une sécurité supplémentaire dans le territoire. Parmi ceux qui servent dans les bataillons de Cisjordanie, on trouve un grand nombre de résidents des implantations.
Ils ont été accusés de nombreux abus contre des civils palestiniens depuis le 7 octobre.
En novembre, deux réservistes de la Brigade régionale de Judée sont entrés cagoulés dans une école palestinienne du village d’A-Tuwani, également situé dans le sud des collines de Hébron, et ont tenté d’enlever un drapeau palestinien qui était accroché dans la cour.
Les deux soldats ont ensuite été renvoyés pour avoir enfreint les ordres et les procédures de Tsahal.