Des activistes dénoncent les agissements de réservistes lors d’un raid en Cisjordanie
Des habitants de Halat al-Daba auraient été frappés et volés par des résidents d'implantations en uniforme ; Tsahal dit avoir trouvé des balles et de la propagande
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Une cinquantaine de réservistes de l’armée israélienne ont fait une descente dans le petit village palestinien de Halat al-Daba, au sud de Hébron, la semaine dernière, causant d’importants dégâts aux habitations et au cours duquel des appareils électroniques, des outils de travail et une grande quantité d’argent liquide auraient été volés.
Des photos et des vidéos prises après le raid de vendredi montrent des maisons sens dessus dessous, des vitres brisées, des portes endommagées, des sacs de farine éventrés et les effets personnels des villageois éparpillés dans leurs maisons. Des activistes affirment que cinq villageois auraient même été battus.
Selon l’armée israélienne, le raid a été approuvé par les commandants régionaux ; les soldats de réserve étaient à la recherche d’armes et de munitions. L’armée a ajouté qu’après vérification, elle n’avait connaissance d’aucun incident de vol ou de violence commis par les soldats qui ont effectué le raid.
Tsahal a fourni des photos de balles qui auraient été trouvées dans le sac à dos d’un enfant, ainsi que des couteaux, des scies, du matériel agricole, des manteaux et ce qu’elle appelle des « drapeaux de propagande », et notamment un « drapeau du Hamas », qui semble être plutôt un drapeau du Fatah, ainsi que des drapeaux nationalistes palestiniens, et un T-shirt du groupe israélien qui lutte contre la refonte du système judiciaire, Frères d’armes.
Deux hommes ont été arrêtés au cours de l’opération. Ils ont ensuite été relâchés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux.
Selon des activistes du groupe « The Villages Group », qui soutient les communautés palestiniennes rurales de Cisjordanie, une dizaine de véhicules civils auraient quitté l’avant-poste illégal d’Avigayil tôt vendredi matin et seraient entrés dans le hameau de Halat al-Daba vers 6 h 30.
Pendant environ trois heures, une cinquantaine de réservistes en uniforme de Tsahal ont pénétré dans toutes les maisons du hameau qu’ils ont passées au peigne fin.
« Ils sont entrés dans toutes les maisons et dans l’école, ils ont tout sorti, ils ont piétiné la nourriture et les légumes, et ils ont frappé cinq personnes », a raconté au Times of Israel une activiste qui a demandé à ne pas être nommée.
Elle précise que la plupart des soldats réservistes qui ont participé au raid avaient le visage couvert, mais que certains ont pu être identifiés comme des résidents de l’avant-poste illégal voisin de Havat Maon. Ces derniers sont depuis longtemps accusés, par les groupes opposés au mouvement d’implantation, de violences à l’encontre de la population palestinienne locale.
À la suite des atrocités perpétrées le 7 octobre par le Hamas, au pouvoir à Gaza, six bataillons de réservistes volontaires ont été enrôlés par Tsahal dans les forces de réserve chargées de protéger les implantations de Cisjordanie. Ces bataillons sont composés de volontaires issus des implantations elles-mêmes ainsi que de celles situées au-delà de la Ligne verte.
Plusieurs organisations hostiles au mouvement d’implantation ont accusé ces bataillons d’attaques répétées contre les résidents palestiniens et leurs biens depuis le 7 octobre. Ces attaques ont, par ailleurs, poussé plus d’un millier de personnes de 15 communautés rurales à abandonner leurs maisons.
L’activiste a ajouté que les villageois n’ont toujours pas la liste complète de ce qui a disparu car le hameau a été mis sens dessus dessous pendant le raid.
Selon Yair, un autre activiste de The Villages Group qui n’a pas souhaité divulguer son nom de famille, plusieurs appareils électroniques et outils de travail de valeur – dont un marteau-piqueur et un générateur – ont été confisqués lors du raid, ainsi qu’une importante somme d’argent en liquide et 12 pièces d’or.
Deux personnes ont été arrêtées par les réservistes, dont le maire de la ville voisine d’A-Tuwani, Mohammad al-Rabai, qui était venu à Halat al-Daba pendant le raid. Il a été relâché peu de temps après son arrestation, tandis qu’un autre villageois a été relâché plus tard dans la soirée.
Yair a ajouté que malgré le fait que de nombreuses personnes ont téléphoné à la police pour signaler le raid au moment où il avait lieu, la police a répondu qu’elle ne pouvait pas intervenir puisque des soldats de Tsahal étaient sur place.
En réponse à l’incident, Tsahal a déclaré que « dans le cadre des activités opérationnelles menées à Halat a Daba, dans le district de Juda, les réservistes de Tsahal ont perquisitionné plusieurs maisons à la recherche d’armes. Des drapeaux de propagande, y compris des drapeaux du Hamas, et du matériel militaire ont été trouvés lors de ces perquisitions. Dans l’un des bâtiments, des munitions ont été trouvées dans le sac à dos d’un enfant. Un suspect a été arrêté et interrogé par les forces de sécurité.
« Après vérification, nous n’avons pas connaissance d’incidents concernant le vol de bijoux ou l’usage de la violence par les soldats ».
Pour Yair, la découverte de balles et de drapeaux par les soldats est insignifiante. Il explique que si quelqu’un dans le hameau avait représenté la moindre menace pour la sécurité, il aurait été arrêté et non relâché sans inculpation quelques heures plus tard.
« Ces raids sont menés par des habitants des implantations de la région qui portent désormais l’uniforme et qui disposent soudain d’une autorité qu’ils n’avaient pas auparavant », a-t-il déclaré.
« Chaque jour et chaque nuit, il y a des raids de ce genre, qui ne sont basés sur rien ni sur aucune information [des services de renseignement], et ils reviennent toujours aux mêmes endroits, non pas pour trouver des armes, mais pour harceler les habitants », a-t-il ajouté.
« La région de Yatta n’a jamais été une source de terrorisme ou d’activités hostiles. Tout ce que veulent ces gens, c’est vivre en exploitant leurs terres, ce ne sont pas des gens politisés. Mais les habitants des implantations veulent ces terres. Sans Palestiniens. »