Un dernier adieu à un ami
Pendant un service marqué par des paroles de paix et de bonté, Richard Lakin, la troisième victime de l'attaque du bus 78, a été inhumé

J’ai déjà couvert de nombreuses funérailles. J’ai même couvert les funérailles de victimes de la terreur. Mais aujourd’hui, c’est la première fois que je couvre les funérailles d’un ami qui a été tué par un acte de terrorisme.
Certains pourraient trouver bizarre que je travaille pendant l’enterrement d’un ami mais je suis pour le moins reconnaissante envers le fait que j’avais mon calepin de journaliste et mon stylo à la main qui m’ont obligée à avoir un semblant de regard professionnel sur ce qui arrivait et qui m’ont empêchée de complètement m’effondrer.
Aujourd’hui, Richard Lakin, 76 ans, a été inhumé au cimetière de HaChaïm Eretz dans les collines à l’extérieur de Jérusalem.
Il avait été poignardé et blessé à la tête et à la poitrine par des terroristes palestiniens alors qu’il rentrait à la maison dans le bus numéro 78 après avoir consulté un médecin dans le quartier d’Armon Hanatziv de la capitale dans la matinée du 13 octobre.
Il s’est accroché à la vie pendant deux semaines alors que les équipes de l’unité des soins intensifs de traumatologie du centre médical de Hadassah se sont battues pour le sauver. Hier matin, il est mort entouré par sa famille.
Malgré la façon brutalement violente par laquelle Richard a été assassiné, il n’y avait seulement que des discours sur la paix et la bonté à ses funérailles et son inhumation, auxquelles ont participé plusieurs centaines de personnes en deuil.
Dans leurs éloges funéraires, son fils, Misha Avni, et sa fille, Manya Lakin, ont expliqué que leur père, un éducateur, s’était consacré à aider des enfants issus de toutes les religions et de toutes les nationalités, tant aux États-Unis qu’en Israël, à devenir les meilleures personnes qu’ils pouvaient être, n’aurait pas voulu que son enterrement se passe autrement.
« Papa a affecté les vies de milliers de personnes : enfants, enseignants et parents, il les aimait, il les a imprégné avec sa gentillesse et son positivisme et leur a donné l’habilité de réaliser leur potentiel. Il a fait du monde un meilleur endroit », a déclaré Misha.

« Papa nous a été enlevé par la haine et le mal. Mais il ne voudrait pas que nous répondions avec de la haine et le mal. Il aurait pardonné et nous aurait guidé pour que nous répondions avec amour et gentillesse ».
Manya a déclaré que les croyances de son père étaient universelles et au-dessus de toute religion ou d’ordre du jour particulier.
Richard, un Juif libéral, avait activement combattu pour les droits civiques aux États-Unis dans les années 1960, et ici, en Israël, il a participé aux efforts pour construire des ponts entre Israéliens et Palestiniens.

Parmi ceux qui ont accompagné Richard, un Américain-israélien, pendant son dernier voyage, il y avait l’ancien député Yesh Atid, le Rabbin Dov Lipman, et l’ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, et son épouse Julie Fisher.
« Richard, un Américain et un Israélien, a vécu selon les meilleures valeurs des deux pays. Sa vie était une vie de bonnes actions, de gentillesse, de tolérance et de soin des enfants, et nous sommes fiers de l’héritage qu’il laisse derrière lui. Que sa mémoire soit une bénédiction », a écrit Shapiro a sur sa page Facebook.
Richard était un homme avec des vues modérées qui était opposé à l’extrémisme, le racisme et l’incitation haineuse – le genre d’incitation qui avait apparemment motivé ses tueurs.
En un hommage digne, sa famille a déposé un recours collectif contre Facebook devant un tribunal de New York, accusant le géant des médias sociaux d’ignorer les messages généralisés appelant à la violence contre les Juifs.
« Il y a un côté maléfique dans les médias sociaux. Je me suis rendu compte que les médias sociaux ont atteint un niveau où l’incitation [à la haine] sévit… Des quantités massives d’incitation [à la haine], de vidéos pédagogiques qui montrent aux gens comment ouvrir des estomacs, comment couper les veines, comment blesser – incitant les gens à le faire. Ceci est au cœur de l’actuelle intifada… ces coups de couteau brutaux dans la rue sont le résultat de l’incitation qui a été partagée et renforcée par les médias sociaux », a dénoncé Misha à Israel National News.
La famille Lakin ne sollicite pas de compensation financière avec son recours. Au lieu de cela, ils espèrent que l’action juridique mènera au changement.
« Le changement proviendra de l’auto-régulation si Mark Zuckerberg a le courage de se lever et de dire, ‘Même si cela me coûte quelques dollars, je vais à la police et je vais m’occuper de cela et je vais retirer cette incitation’ ou si les tribunaux lui ordonnent de le faire. Ou si les représentants du gouvernement comprennent qu’il doit y avoir de nouvelles règles et des lois pour ce faire. Je suis certain que cela sera traité. Cela peut prendre six mois, cela peut prendre un an mais un changement se passera », a déclaré Misha.
Je connais Richard, qui a immigré en Israël du Connecticut avec sa famille en 1983, depuis que j’ai rencontré et me suis liée d’amitié avec Misha quand nous n’étions encore tous deux que des adolescents.
La maison de Richard et de sa femme Karen était toujours ouverte pour moi, et plus tard, à mon mari et mes enfants. Juste l’année dernière, en décembre, Richard a assisté à la bar-mitsva de notre plus jeune fils. Je suis heureuse que nous ayons une photo dans l’album de la bar-mitsva avec Richard et Karen assis ensemble au déjeuner, souriant et s’amusant.
Je vais également garder en mémoire une conversation que j’ai eue avec Richard plus tôt cette année quand je suis tombée sur lui pendant que nous étions tous les deux en train de faire un peu de shopping sur la rue Emek Refaïm dans l’implantation allemande de Jérusalem.
Je lui ai parlé de certains défis auxquels notre famille étaient confrontés dans notre première année en tant que nouveaux citoyens israéliens. Richard m’a dit d’essayer d’oublier notre première année de l’alyah.
« Oublie simplement cette année difficile et pense à votre deuxième année, qui sera meilleure, comme à celle de votre vraie première année », m’a-t-il conseillé.
En dépit du fait que nous soyons mieux installés maintenant, je ne suis pas si sûre que je serai jamais capable de penser à notre deuxième année ici en Israël comme étant meilleure. Je me souviendrai toujours de cette année comme étant celle où notre ami Richard, un homme qui n’a jamais fait de mal à personne, a été brutalement assassiné par des terroristes. Mais je le dois à Richard, qui rêvait et a travaillé pour un monde meilleur, d’essayer.
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