Un expert affirme que le bilan des victimes à Gaza publié par le Hamas pourrait être falsifié
Son étude souffre cependant de nombreux défauts, selon des pairs et la presse étrangère, et le chercheur lui-même reconnaît que ses calculs ne sont pas "concluants"
Le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas fait état d’au moins 32 975 personnes tuées à Gaza depuis le début des opérations israéliennes. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
Dans un article intitulé « Comment le ministère de la Santé de Gaza falsifie les chiffres des victimes » publié début mars (en anglais) par le site américain Tablet, Abraham Wyner, professeur de statistiques en Pennsylvanie, a tenté de démontrer – sans pour autant y parvenir – que ces chiffres du Hamas, repris par l’ONU et la presse étrangère, sont une invention.
Il rapporte ainsi plusieurs incohérences présumées dans les données rapportées, dont une augmentation régulière des décès signalés – qu’il a décrite comme statistiquement impossible –, notant que le total des décès semblait augmenter à un taux constant chaque jour, sans les variations attendues qui seraient typiques dans une zone de conflit.
Il a aussi rapporté des écarts dans les décès signalés de femmes et d’enfants, qui ne correspondaient pas comme prévu aux variations du nombre total de morts. Il a enfin révélé une corrélation négative entre les décès rapportés d’hommes et de femmes – présentée comme une incohérence supplémentaire, indiquant une éventuelle manipulation des données.
L’article a suscité de virulentes critiques de la part de plusieurs pairs du chercheur. L’étude semble en effet faire face à deux problèmes majeurs : premièrement, elle se concentre sur une courte période de quinze jours (du 26 octobre au 10 novembre 2023) ; deuxièmement, les résultats de Wyner semblent imputables à un défaut d’actualisation des données par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) – la source des données utilisées par le statisticien.
Selon le journal Libération, qui a longuement analysé l’étude, celle-ci serait ainsi en réalité « totalement caduque » en raison de « plusieurs erreurs et choix méthodologiques discutables ».
Dans une interview pour L’Express, Abraham Wyner a reconnu que « ses calculs [n’étaient] pas concluants, c’est-à-dire que la question n’est pas totalement résolue, puisqu’ils sont basés sur des données circonstancielles ».
« Il n’en reste pas moins que les erreurs sont importantes et semblent toujours favoriser le narratif du Hamas… », dit-il. Interrogé sur le fait que, tandis que certains pensent que les chiffres du Hamas sont gonflés, de nombreuses autres voix pensent que ces chiffres sont plutôt sous-estimés, il répond qu’il est « tout à fait possible que les chiffres totaux soient sous-estimés ».
Ainsi, malgré son étude, le nombre de morts à Gaza reste invérifiable et sujet à grande précaution, en raison du peu de crédit qu’il est possible d’accorder au narratif du groupe terroriste et de l’impossibilité pour la presse et les observateurs indépendants d’entrer normalement à Gaza et ainsi servir de garde-fous. Le nombre total et précis de morts dans cette guerre pourrait ne jamais être connu.