Un organe de l’ONU veut réaliser une étude sur “l’apartheid” israélien
Après le rejet de son dernier rapport et la démission de sa directrice, la CESAO veut désormais “calculer le coût de l'occupation israélienne” en se basant sur l'apartheid sud-africain et l'esclavage américain
Eric Cortellessa couvre la politique américaine pour le Times of Israël
WASHINGTON – Une agence des Nations unies basée au Liban a récemment été contrainte de retirer de son site un rapport qui accusait Israël d’établir « un régime d’apartheid ». Mais le Times of Israël a appris qu’elle prévoyait de publier une évaluation des méfaits présumés d’Israël.
La Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale de l’ONU (CESAO) prévoit de publier un rapport qui évaluera « le coût de l’occupation israélienne » pour les Territoires palestiniens, en se basant sur des exemples d’apartheid en Afrique du Sud et sur l’esclavage aux Etats-Unis.
La date exacte de la publication n’a pas été déterminée, mais elle devrait coïncider avec le cinquantenaire de la guerre des Six Jours de 1967, en juin, qui marque le demi-siècle écoulé depuis qu’Israël a conquis la Cisjordanie, Jérusalem Est, la bande de Gaza et le plateau du Golan.
Le dernier rapport publié par la CESAO accuse Israël de mener une politique discriminatoire à l’égard des Palestiniens. C’est la première fois que le terme apartheid a été employé par l’organisation mondiale.
Cette publication a suscité des réactions de colère en Israël et aux États-Unis, et elle a été rapidement rejetée par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et la directrice de la CESAO, Rima Khalaf a démissionné en signe de protestation.
Le nouveau rapport est le fruit de la collaboration entre la CESAO et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Pour la première fois, elles cherchent à quantifier les 50 ans de contrôle israélien sur les régions que les Palestiniens revendiquent.
Le but de cette étude est de poser un cadre pour de futures indemnisations, qui seront basées sur des exemples issus du régime d’apartheid sud-africain et de l’esclavage américain.
« La CESAO et la CNUCED viennent tout juste de commencer à travailler ensemble pour quantifier le coût de l’occupation israélienne », a indiqué Nabil Abu-Dargham, directeur du département de la communication et de l’information au Times of Israël.
« Ce projet de recherche est complexe, et fera appel à plusieurs disciplines, a ajouté Abu-Dargham. Il est trop tôt pour s’avancer sur la durée et le résultat de l’étude. »
Durant la 29e session ministérielle de la CESAO en décembre 2016, à Doha, au Qatar, l’organe a adopté la résolution 326, qui a mandaté ce travail de recherche.
Durant la conférence, l’agence a précisé ce qui a été défini comme « une méthodologie novatrice pour évaluer avec précision les coûts directs et indirects de l’occupation israélienne en Palestine ».
« C’est une initiative sans précédent, en termes de profondeur et de champ d’analyse », peut-on lire dans le document qui annonce le plan d’action. « La méthodologie vise à déterminer avec précision le coût de l’occupation dans tous les secteurs. »
Le document qui fait état de la proposition de recherche contient une section intitulée « Expériences antérieures dans d’autres régions », qui mentionne les propositions pour évaluer les coûts correspondants à la souffrance de la population noire sous le régime d’apartheid en Afrique du Sud, ainsi que celles des propositions d’indemnisations aux afro-américains asservi aux États-Unis.
L’étude délimite « les prémisses et l’approche du calcul des coûts cumulés de l’occupation », et les comparaisons sont cruciales.
« Il est impératif de prendre en compte les expériences d’autres régions afin d’évaluer les dommages résultant des injustices auxquelles des peuples, des groupes sociaux et des pays ont été exposés », dit-il.
« Ces expériences peuvent être utilisées pour mesurer les coûts cumulés et globaux de l’occupation israélienne. »
« Une évaluation initiale indique que ces expériences sont directement liées à la question des réparations, avec un accent sur l’indemnisation individuelle », poursuit le texte. « Malgré l’absence de méthodologie permettant de calculer le coût des pratiques sur le long terme, ces expériences peuvent être utilisées pour mesure les coûts cumulés et globaux de l’occupation israélienne. »
Citant une évaluation de la commission de Confiance et Réconciliation de l’Afrique du Sud, le document indique que « deux types de compensations similaires ont été approuvés pour les victimes de l’apartheid en Afrique du Sud : des réparations urgentes immédiates pour les victimes et leurs familles en grande difficulté médicale, émotionnelle, pédagogique ou financière, et des réparations individuelles payées tous les ans pendant six ans. »
En se penchant sur les tentatives américaines de dédommager les descendants des esclaves, l’étude souligne que les individus concernés « n’ont pas identifié de méthodologie efficace, faisant ainsi obstacle aux accomplissements de la justice pour des réparations des victimes de l’esclavage.
La CNUCED a publié un rapport sur les coûts estimés en septembre 2016, et d’autres études ont également évalué les coûts économiques de la présence militaire israélienne en Cisjordanie, mais c’est probablement la première fois que l’expérience israélienne est comparée à l’apartheid sud-africain ou à l’esclavage américain.
Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré que bien que Jérusalem ne soit pas informé du contenu du prochain rapport, il rejetait les tentatives de la CESAO de « délégitimer Israël ».
« La CESAO continue son travail, déjà vu dans ses précédents rapports qui ont pour objectif de délégitimer Israël, un travail qui a été rejeté non seulement par Israël et d’autres pays de la région, mais aussi par le secrétaire général de l’ONU. Nous continuons à rejeter les rapports anti-Israël », a déclaré Michal Maayan, porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères de Jérusalem. « Nous rejetons les efforts incessants pour délégitimer Israël en écrivant de nouveaux rapports sur la situation dans la région. »
Une source à Jérusalem a indiqué qu’un autre rapport de la CESAO sur les violations présumées des droits de l’Homme par Israël et d’autres pays occidentaux a été discrètement abandonné avant sa publication.
Malcolm Hoenlein, qui dirige la Conférence des présidents des organisations juives américaines majeures, espère que le nouveau rapport ne verra pas non plus la lumière du jour, et prédit que l’étude serait utilisé comme un outil contre Israël.
« Nous espérons que les Nations unies travailleront à empêcher sa publication et sa distribution et sa publication sur internet », a-t-il déclaré.
Le rapport sera « utilisé par les Palestiniens, que ce soit dans les négociations ou même pour aller devant un tribunal international, et demander à Israël des dédommagements, en disant ‘regardez, une agence de l’ONU les a évaluées' », a-t-il déclaré au Times of Israël.
La méthodologie du rapport souligne en elle-même son objectif de fournir les « outils nécessaires pour soutenir le peuple palestinien en révélant l’impact de l’occupation sur l’économie et la société », et que « l’élargissement de la portée du soutien matériel augmente la capacité à informer sur les droits palestiniens et les paramètres du droit international qui devraient être pris en compte quand l’on étudie l’occupation israélienne et ses pratiques. »
Dans un entretien accordé le mois dernier, il a été demandé à Hoenlein si le coût de la présence israélienne en Cisjordanie devait même être mesuré.
« Il n’y a aucun moyen de pouvoir calculer le coût, ou même de le définir, a-t-il déclaré. Ils affirment qu’ils ont développé de nouvelles méthodologies pour le calculer. C’est pour le moins spécieux. »
Khalaf, la directrice de la CESAO, a démissionné de son poste le 17 mars, quand Guterres a insisté pour que le rapport du groupe sur Israël soit supprimé du site internet de l’agence.
Le rapport concluait qu’ « Israël a établi un régime d’apartheid qui institutionnalise systématiquement l’oppression raciale et la domination du peuple palestinien dans son entier. »
On ne sait pas si la démission de Khalaf, critiquée depuis longtemps par les responsables israéliens pour ses positions jugées anti-Israël, affectera le nouveau rapport, dont les auteurs n’ont pas encore été nommés.
Le rapport annulé avait été dirigé par Richard Falk, professeur émérite de l’université Princeton qui a une longue histoire d’opposition à Israël et a été le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’Homme en Palestine.
Virginia Tilley, experte américaine en sciences politiques qui a écrit en 2005 The One-State Solution, a également travaillé sur le projet qui affirmait qu’Israël était coupable de « domination raciale » des Palestiniens.
La démission de Khalaf a eu lieu après que l’administration Trump a demandé vivement le retrait du rapport.
L’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, avait déclaré que les Etats-Unis étaient « scandalisés » par le rapport, et avait mis en cause la capacité de la CESAO à rendre une évaluation honnête de la situation israélo-palestinienne.
« Qu’une propagande aussi anti-Israël vienne d’une institution dont presque aucun membre ne reconnaît Israël n’est pas surprenant », a-t-elle déclaré.
Le dernier rapport sur Israël de la CESAO avait été publié juste après un discours passionné d’Haley devant la conférence politique annuelle de l’AIPAC en mars, dans lequel elle a dit à plusieurs reprises que les Etats-Unis ne toléreraient plus l’hostilité des Nations unies contre Israël.
« Si vous nous défiez, soyez prêt au défi que vous nous posez, parce que nous répondrons », s’était-elle exclamée, disant à la foule qu’elle avait un message pour l’institution internationale : « l’époque où l’on dénigrait Israël, c’est terminé », et « il y a un nouveau shériff en ville ».
Quelques jours après, Haley avait poursuivi ses attaques contre les Nations unies pendant une conférence organisée au siège de l’ONU sur les difficultés posées par le mouvement de Boycott, Désinvestissements et Sanctions contre Israël (BDS).
« L’effort de délégitimation de l’Etat d’Israël mené sur les campus universitaires et l’obsession anti-Israël des Nations unies sont identiques. Ils cherchent tous deux à nier le droit d’Israël à exister », avait-elle affirmé.
Raphael Ahren et Dov Lieber ont contribué à cet article.