Israël en guerre - Jour 371

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Une ex-journaliste est le seul lien avec la vie pour des esclaves sexuels Yazidis

Nareen Shammo a quitté son travail à la TV pour sauver son peuple de la torture, du viol et de la mort aux mains de l’Etat islamique

Une femme irakienne déplacée de la communauté Yazidi, qui a fui la violence entre les djihadistes du groupe islamique (EI) et les combattants peshmerga dans la ville de Sinjar, dans le nord du pays, qui se trouve maintenant dans un camp pour les personnes déplacées dans la zone de Sharia, à 15 kilomètres de la ville de Dohuk, le 17 novembre 2016. (Crédit : Safin Hamed/AFP)
Une femme irakienne déplacée de la communauté Yazidi, qui a fui la violence entre les djihadistes du groupe islamique (EI) et les combattants peshmerga dans la ville de Sinjar, dans le nord du pays, qui se trouve maintenant dans un camp pour les personnes déplacées dans la zone de Sharia, à 15 kilomètres de la ville de Dohuk, le 17 novembre 2016. (Crédit : Safin Hamed/AFP)

Alors que les forces irakiennes et kurdes continuent leur bataille militaire dans Mossoul, le peuple Yazidi, une minorité religieuse ethniquement kurde, fait face à un génocide aux mains du groupe radical de l’Etat islamique.

Situés pour la plupart dans les montagnes de Sinjar au nord de l’Irak, les Yazidis ont souffert d’une campagne systématique contre eux.

En 2014, le massacre de Sinjar a vu environ 5 000 civils Yazidis assassinés et 5 000 à 7 000 enlevés et réduits en escalvage, la plupart des femmes et des enfants, par des combattants de l’Etat Islamique qui ont continué à les cibler depuis lors.

Des milliers de Yazidis au nord de l’Irak et en Syrie sont encore en danger.

Nareen Shammo était une productrice de télévision Yazidi à succès et une journaliste d’investigation en Irak où elle a vécu et travaillé (d’autres détails permettant de l’identifier ne seront pas mentionnés pour sa sécurité).

Elle économisait de l’argent afin de faire un diplôme de master, mais la terrible situation des femmes Yazidis après le génocide de 2014 l’a inspirée et elle est devenue une activiste. Elle a abandonné son travail et a dépensé presque toutes ses économies pour construire un réseau permettant de suivre à la trace des femmes enlevées et les aider à être en sécurité.

Selon le directeur des affaires Yazidis du gouvernement régional du Kusdistan, il y a environ 3 770 Yazidis détenus prisonniers par l’Etat islamique, dont 60 % sont des femmes et des filles.

Shammo croit qu’il y a de l’espoir pour son peuple. Elle s’est impliquée pour faire pression sur les gouvernements occidentaux afin de reconnaître comme un génocide la persécution des Yazidis par l’Etat islamique. Elle s’est exprimée aux Nations unies à quatre reprises et voyage dans le monde pour travailler avec des ONG, pour sensibiliser et demander de l’aide humanitaire.

Dans un entretien exclusif avec le Times of Israel, Shammo a raconté, au téléphone, ses efforts pour sauver des femmes Yazidis d’une vie de torture, de viol et de brutalité.

Esclavage sexuel, viol et torture

Shammo aide des femmes qui ont été enlevées, vendues comme des esclaves sexuels, violées à plusieurs reprises et torturées. Les Yazidis ne sont pas des musulmans alors les combattants de l’EI les forcent violemment à se convertir à l’islam.

Elle a développé un réseau de personnes, surtout des familles de victimes et d’autres Arabes qui souhaitent aider les Yazidis, qui l’aident à localiser des femmes enlevées. Sa première chaîne de communication avec les femmes passe par le biais de portables, que certaines parviennent à cacher de leurs ravisseurs.

Quand les femmes sont en contact avec elle, cela peut parfois s’avérer très dangereux. Dans une scène angoissante du documentaire de la BBC de 2015 « Esclaves du Califat », Shammo appelle une femme qu’elle essaie de sauver. Au lieu de cela, un combattant de l’EI, le ravisseur de la femme, répond au téléphone.

Se souvenant de l’incident, a-t-elle déclaré, « J’ai essayé de me contrôler et de parler très normalement. J’ai juste demandé comment les filles yazidis allaient. Je sais que c’est dangereux pour elle [de répondre au téléphone] mais la plupart des filles étaient prêtes à se suicider, alors je n’avais pas le choix ».

Nareen Shammo tentant de joindre 'une femme kidnappée qu'elle essaie de sauver, seulement pour se rendre compte qu'un combattant de l'EI a confisqué le téléphone dans un extrait du documentaire de la BBC "Les esclaves du califat", diffusé le 22 janvier 2015 (Crédit : Capture d'écran YouTube)
Nareen Shammo tentant de joindre ‘une femme kidnappée qu’elle essaie de sauver, seulement pour se rendre compte qu’un combattant de l’EI a confisqué le téléphone dans un extrait du documentaire de la BBC « Les esclaves du califat », diffusé le 22 janvier 2015 (Crédit : Capture d’écran YouTube)

Dans une autre situation, a déclaré Shammo, une femme Yazidi a été vendue à un membre syrien de l’Etat islamique.

« Cet homme a pris la femme Yazidi avec ses trois enfants dans sa maison et ils ont été mariés. Son [autre] femme la battait tout le temps et ensuite, un jour, la femme a mis du poison dans la nourriture et a tué les trois enfants de cette femme Yazidi ».

De nombreuses femmes se suicident avant même d’être localisées. Shammo a raconté qu’elle était une fois au téléphone avec une femme alors que deux autres, dans la même maison, s’étaient suicidées par peur.

« Je l’ai suppliée de ne pas jeter son portable », a-t-elle déclaré, et elle a essayé de convaincre la femme qu’elle ne serait pas tuée parce qu’elle avait plus de valeur pour ses ravisseurs vivante que morte. Mais la fille a détruit son téléphone et Shammo ne l’a plus entendue depuis.

Shammo a été menacée à plusieurs reprises par l’EI tout comme Asayish, les forces de sécurité kurde, et, alors que la situation change sur le terrain, son travail devient de plus en plus difficile. Son taux de réussite n’est pas élevé et elle ne peut pas divulger beaucoup de détails par peur de mettre en danger les vies mêmes qu’elle essaie de sauver. Mais elle estime que, dans les deux derniers mois, elle et son équipe ont pu aider plus de 40 femmes et enfants.

Une femme qui a été enlevée et ensuite sauvée par Nareen Shammo dans le documentaire de la BBC de 2015 « Slaves of the Caliphate » (Crédit : Capture d'écran YouTube)
Une femme qui a été enlevée et ensuite sauvée par Nareen Shammo dans le documentaire de la BBC de 2015 « Slaves of the Caliphate » (Crédit : Capture d’écran YouTube)

Parfois, des femmes secourues sont réunies avec leur famille, mais ces familles sont déplacées et vivent dans des camps de réfugiés, dans des conditions terribles. Les femmes, souffrant de traumatisme, découvrent qu’il n’y a pas de moyens pour les aider. Beaucoup se suicident même après avoir été sauvées de l’esclavage sexuel.

La génération volée : des enfants en esclavage

Plus de 2 500 enfants Yazidi sont devenus orphelins à cause de l’EI, estime Shammo, et il y a plus de 220 enfants qui se sont échappés mais dont les parents sont toujours en captivité.

Elle a déclaré que les enfants en dessous de 2 ans sont souvent enlevés et donnés aux combattants de l’EI comme des cadeaux. Les jeunes enfants, habituellement entre 8 et 9 ans, sont entraînés pour être la prochaine génération de jihadistes.

Des enfants Yazidi dans un camp de réfugiés le 17 décembre 2014 (Crédit :  Nareen Shammo)
Des enfants Yazidi dans un camp de réfugiés le 17 décembre 2014 (Crédit : Nareen Shammo)

« J’ai eu l’information que cette année, l’EI a pris environ 300 enfants Yazidis pour les transformer en soldats, a-t-elle déclaré. Certains d’entre eux pourraient se faire laver le cerveau et certains ont vraiment peur, et ils doivent faire tout ce que l’EI les force à faire ».

Beaucoup d’entre eux, explique-t-elle, seront utilisés comme des boucliers humains dans des affrontements entre l’EI et les forces irakiennes, quand des militants pensent qu’ils seront attaqués, ils déplacent parfois leurs prisonniers, rendant plus difficile la tâche des activistes Yazidis pour les localiser.

« Nous avons appris que l’EI a déplacé des centaines de filles dans des avions militaires vers une destination inconnue », a-t-elle déclaré.

La campagne militaire pour reprendre Mossoul est une arme à double tranchant, explique Shammo. D’un côté, de nombreux Yazidis ont été libérés, mais, d’un autre côté, elle est « préoccupée car l’EI en tuera beaucoup ».

Changer de politique : le chemin vers la rédemption

Shammo appelle à la mise en place d’un tribunal international militaire afin de poursuivre les membres de l’EI pour crime de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Elle insiste sur le fait que les Yazidis ne peuvent pas uniquement être traités comme des réfugiés.

« Nous devons regarder cela comme un génocide. Ils ne cherchent pas un meilleur travail ou une vie meilleure ; ils veulent échapper à la mort ».

Les Yazidis déplacés en Irak vivent dans 15 camps différents, la plupart dans la province du Dohuk contrôllée par les Kurdes, et les conditions y sont terribles, tout particulièrement en été.

L’électricité est coupée toutes les quatre heures et les températures peuvent dépasser les 48 degrés. Il y a des pénuries d’eau et de nourriture, et les soins médicaux sont inadaptés.

Les Yazidis qui ont quitté l’Irak ne peuvent pas y retourner, a déclaré Shammo.

« Les Yazidis font encore preuve d’une grande méfiance à l’égard de leur gouvernement et même des forces irakiennes, des forces kurdes, qui se battent contre l’EI et n’ont pas aidé les civils Yazidis, voire ont parfois facilité leur enlèvement, explique-t-elle.

Les Yazidis ont besoin de croire en leur gouvernement et leurs voisins. A Sinjar, les voisins se sont retournés contre nous et ont tué des Yazidis et enlevés des femmes, et les peshmerga [les combattants kurdes] ne nous ont pas protégés, et l’armées irakienne ne nous a pas protégés non plus ».

Pourtant, Shammo croit que la situation change lentement.

Nareen Shammo tient un panneau protestant contre la terreur, 11 janvier 2015 (Crédit : Nareen Shammo)
Nareen Shammo tient un panneau protestant contre la terreur, 11 janvier 2015 (Crédit : Nareen Shammo)

« Avant, j’avais l’impression que nous étions réellement seuls. J’avais le sentiment que nous ne serions pas vivants dans 100 ans, parce qu’en août [2014], c’était le 74e génocide pour les Yazidis », a déclaré Shammo.

Mais maintenant, elle a de l’espoir.

« Maintenant, je peux voir que les gens se préoccupent des Yazidis, et qu’ils essayent d’en savoir plus sur la situation, et j’essaie d’informer le monde ».

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