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Une famille juive, spoliée par les nazis, fait cadeau de deux tableaux au Louvre

Les natures mortes du 17e siècle ont été restituées aux 48 ayants droits d'une famille juive qui en ont fait don au plus grand musée du monde

Le Louvre à Paris, le musée le plus visité au monde, a fermé ses portés pour la deuxième journée d'affilée le 2 mars 2020, après que le personnel a refusé de travailler à cause des craintes suscitées par le coronavirus, a déclaré un syndicat. (Photo par Ludovic Marin / AFP)
Le Louvre à Paris, le musée le plus visité au monde, a fermé ses portés pour la deuxième journée d'affilée le 2 mars 2020, après que le personnel a refusé de travailler à cause des craintes suscitées par le coronavirus, a déclaré un syndicat. (Photo par Ludovic Marin / AFP)

Deux natures mortes du 17e siècle, spoliées sous l’Occupation et exposées au musée du Louvre depuis les années 1950 faute d’avoir retrouvé leurs propriétaires, ont été restituées aux 48 ayants droits d’une famille juive qui en ont fait don au plus grand musée du monde.

Une grande partie des ayants droits, ainsi que leurs enfants et petits-enfants, se sont retrouvés mardi autour des deux tableaux, la « Nature morte au jambon » de Floris van Schooten et « Mets, fruits et verre sur une table » de Peter Binoit, probablement peints en 1630 et 1620.

Ces œuvres seront exposées au public du Louvre à partir de mercredi, aux côtés de documents historiques sur la famille qui en fut propriétaire.

C’est un « devoir de mémoire envers ma famille, spoliée et persécutée, dont l’histoire parle aux générations actuelles », souligne auprès de l’AFP l’une des ayants droits, Marion (qui a souhaité conserver l’anonymat).

Celle-ci explique avoir été le « point de contact pour toutes les démarches qui ont finalement permis d’aboutir à ce dénouement après un long travail et grâce à beaucoup d’énergie ».

Pour elle, cette exposition « témoigne d’un ensemble, riche et intéressant, de gens qui ont été faits citoyens français à part entière à la Révolution et ont eu des destins très différents, certains ayant été déportés et s’étant battus jusqu’au bout, d’autres ayant résisté, s’étant cachés et ayant échappé aux mailles du filet », détaille-t-elle.

Pour la présidente-directrice du Louvre, Laurence Des Cars, il s’agit d’un « appel à ne jamais oublier, un engagement à transmettre la mémoire et un constant rappel à l’action », a-t-elle commenté dans un communiqué.

Généalogie

Les deux tableaux, dont on ignorait la provenance, ont longtemps été présents dans les salles de peinture nordique du Louvre sous le statut d’œuvres « Musées nationaux récupération » (MNR) (des œuvres spoliées non restituées après la Seconde Guerre mondiale et confiées à la garde des musées nationaux).

Les ayants droit de la famille Javal, dont cinq membres ont été déportés et assassinés à Auschwitz, ont pu récemment être retrouvés grâce aux démarches des chercheurs du ministère de la Culture, des Archives nationales et de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), aidés par des généalogistes.

« Les recherches proactives ont permis de comprendre que les deux tableaux, considérés par l’organisme de pillage nazi Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) comme relevant de la collection C Juralides D, appartenaient en réalité à Mathilde Javal, dont l’hôtel particulier du 5, boulevard de la Tour-Maubourg, 7e arrondissement (de Paris, NDLR), avait été occupé et vidé en 1944 », a précisé le ministère dans un communiqué.

Lettre

Mathilde Javal, fille d’Emile et Marie-Anna Javal et soeur d’Alice et Jeanne, avait demandé officiellement la restitution des œuvres d’art de sa famille à la fin de la guerre, en 1945, comme en témoigne une lettre qui a permis de « remonter le fil » de l’histoire, selon le Louvre, et qui est présentée dans l’exposition.

Les tableaux, spoliés en 1944 dans l’hôtel particulier familial, n’avaient pas pu être restitués à leur retour d’Allemagne, faute d’en connaître les légitimes propriétaires. Deux erreurs dans l’orthographe du nom Javal et l’adresse de Mathilde, dernière occupante du bâtiment, ont également semé la confusion, d’après le musée du Louvre.

Par une convention de 2015 avec le ministère de la Culture (direction générale des patrimoines), Généalogistes de France, l’organisation nationale représentative des professionnels de la généalogie, a accepté de réaliser gratuitement les recherches nécessaires à l’identification des ayants droit vivants de six propriétaires d’œuvres « MNR », dont les Javal.

Entre 1940 et 1945, environ 100 000 biens culturels ont été spoliés en France, principalement à des familles juives, par le régime nazi et par le Gouvernement de Vichy, ou vendus sous la contrainte. Nombre d’entre eux ont été transférés en Allemagne.

À la fin de la guerre, environ 60 000 œuvres ont été renvoyées en France, dont 45 000 ont été restituées à leurs propriétaires par la Commission de récupération artistique dont l’activité a cessé en 1949. Sur les 15 000 restantes, environ 13 000 ont été vendues par l’État et 2 200 confiées à la garde des musées nationaux. Elles constituent les œuvres dites « MNR » et n’appartiennent pas aux collections nationales.

Le Louvre a ainsi la responsabilité de 1 610 oeuvres « MNR », dont 791 tableaux.

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