Une galeriste de Beeri exprime espoir et douleur dans une expo sur le « foyer »- dans l’attente du sien
Sofie Berzon MacKie et sa famille ont survécu au massacre du Hamas, le 7 octobre ; devenus aujourd'hui des évacués, tous tentent de reconstruire leur vie
La photographe et conservatrice Sofie Berzon MacKie préparait une nouvelle exposition dans son salon du kibboutz Beeri avant l’attaque des terroristes du Hamas, le 7 octobre, qui avaient massacré et enlevé ses voisins et qui avaient détruit sa communauté – et aussi sa galerie, dans laquelle elle travaillait depuis 13 ans.
Berzon MacKie, son conjoint et leurs trois enfants ont tous survécu. Cela a aussi été le cas de son père, de ses deux sœurs et de leurs familles respectives.
Ils vivent tous aujourd’hui, avec d’autres survivants de Beeri, dans un hôtel de la mer Morte, loin de leur quotidien et loin de chez eux.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Une nostalgie du « foyer » qui est au cœur de sa nouvelle exposition, « Eau argentée et Terre étoilée » – une exposition organisée par Meital Manor et qui a ouvert ses portes le 12 janvier au Studio of Her Own, une galerie ouverte exclusivement aux femmes artistes à Jérusalem. Elle est à découvrir jusqu’au 12 avril.
Elle se concentre sur des photographies prises par Berzon MacKie, avec des clichés d’espaces différents où, explique-t-elle, elle s’est « sentie chez elle » – allant de la maison de sa mère Britannique où ses aïeux avaient aussi vécu, à Londres, jusqu’au salon de sa propre habitation du kibboutz Beeri, tout en simplicité épurée.
L’exposition commence dans la galerie principale du Studio of Her Own qui est elle-même située au domicile du peintre Pinchas Litvinovsky, dans un bâtiment du début du 20e siècle rempli de charme, qui a conservé la cheminée en briques qui avait été installée à l’origine.
Il y a les images oniriques du divan de velours capitonné de Berzon MacKie, à la couleur moutarde, collé contre des rideaux vaporeux blancs, où elle installe des animaux improbables grâce à la magie de l’intelligence artificielle – dans le cas qui nous occupe, un cygne au plumage duveteux sur l’une des photos et une chouette aux yeux ronds sur l’autre, chacun des deux lovés sur le canapé.
Dans une autre salle de la galerie, le divan en velours, vestige de l’habitation de Berzon MacKie qui a été restauré, ainsi que d’autres objets – avec notamment un hibou empaillé – provenant de l’atelier de nature du kibboutz et, sur un mur extérieur, une boîte remplie de souvenirs incarnant pour chacun d’entre eux un moment de la vie de l’artiste.
Il y a de petits volumes verts du poème d’Edward Lear, « la chatte et le hibou », une autre relique de l’enfance britannique de Berzon MacKie, un poème qui a récemment été traduit et publié par l’artiste et son frère en hébreu.
A découvrir également, des images et des objets qui reflètent la vie de Berzon MacKie et son identité – elle est la fille d’une mère britannique et d’un père qui est né et qui a grandi au kibboutz Beeri. Deuxième enfant dans une fratrie de quatre, elle était âgée de sept ans quand la famille s’était installée à Beeri.
Ses parents s’étaient rencontrés quand sa mère, non-juive, était venue au kibboutz en tant que bénévole et qu’elle était tombée amoureuse de son père. Ils avaient vécu à Londres pendant des années – mais lui n’avait jamais trouvé ses marques. Ils étaient revenus à Beeri en 1990. Sa mère était décédée des suites d’une leucémie foudroyante deux mois plus tard.
Berzon MacKie avait fait son service militaire dans une unité de renseignement ; elle avait étudié la photographie et la curation ; elle s’était mariée et elle était retournée à Beeri. Lorsqu’elle avait divorcé, elle était restée dans la communauté, le seul endroit, dit-elle, « où je me sens véritablement et réellement chez moi ».
Elle aborde son double sentiment de citoyenneté dans son travail artistique. Elle s’efforce de comprendre qui elle est « et pourquoi je suis comme je suis ; comment j’appréhende le monde et comment il m’est possible de fusionner ces deux cultures qui n’ont jamais réellement réussi à se conjuguer ensemble », explique-t-elle.
« Israël est très bon s’agissant de vous faire ressentir que vous êtes une étrangère », continue MacKie, dont la famille s’est toujours exprimée en anglais lorsqu’elle était dans ses quartiers. Elle évoque son « voyage interminable en matière d’identité et de culture » et la manière dont elle continue à l’intégrer dans ses œuvres.
Quand elle parle du Neguev, Berzon MacKie se laisse emporter. « L’Histoire du Neguev est mon histoire, c’est cette histoire d’une vie placée sous tension où on tente de trouver sa place et où on cherche le moyen de la conserver au mieux, où on cherche à créer un lien avec un endroit qui se montre parfois d’une si grande violence », dit-elle.
Deux des portraits du fils aîné et de la fille de l’artiste ont été réalisés pendant l’une de ces périodes violentes, quand le kibboutz avait été confiné pendant quatre jours et que tous les deux avaient décidé d’incarner leurs personnage favoris pour passer agréablement le temps. Elle les avait photographiés en costume de conte de fée devant le rideau familier, diaphane qui ornait la fenêtre de son salon.
Et pourtant, cette période particulièrement intense n’avait été rien en comparaison avec les événements terrifiants qui s’étaient déroulés en date du 7 octobre.
La famille avait été réveillée par le bruit assourdissant des explosions et il lui avait été demandé de s’abriter dans la pièce blindée et de ne pas en sortir. Les messages, sur WhatsApp, s’étaient rapidement multipliés, signalant la présence des terroristes au sein de la communauté, faisant état de morts et de kidnappings.
« Nous sommes restés assis dans la pièce jusqu’à minuit. Nous pensions alors que nous n’en sortirions pas vivants », raconte-t-elle. « Le monde était en train de s’effondrer autour de nous ».
Environ 130 personnes avaient été tuées au sein de la communauté ; d’autres avaient été enlevées, prises en otage à Gaza. Des dizaines d’habitations avaient été incendiées.
Lorsque les soldats étaient finalement venus secourir la famille, cette dernière avait traversé le kibboutz, entourée par les escortes militaires. Il y avait des corps sans vie et du sang « partout », dit Berzon MacKie.
Après être montée à bord d’un bus, la famille était arrivée au kibboutz Shoval dans le nord du Neguev, dont les habitants avaient accueilli les évacués pour la nuit.
« Nous avons été jetés dans le monde de manière si violente, sans rien », déclare Berzon MacKie.
Dans la situation actuelle, l’incertitude est forte « sur la façon de conserver l’espoir que le monde est tout de même un bon endroit où vivre, un lieu sûr alors que la réalité vous raconte une histoire qui est si différente », s’exclame-t-elle.
Et l’art est d’une grande aide – comme l’est aussi cette exposition.
« C’est ainsi que je vis ma vie. C’est comme une mécanique, c’est ainsi qu’est construite ma personnalité, c’est comme ça que je fais les choses », poursuit Berzon MacKie.
Si son ordinateur a survécu à l’attaque du Hamas, elle a perdu une grande partie de ses archives et elle tente lentement de les recréer.
Certains jours sont meilleurs que les autres, selon Berzon MacKie qui estime ne pas être une évacuée mais une réfugiée, abandonnée par le gouvernement et par l’armée en date du 7 octobre.
« Nous avons traversé un événement violent, traumatique : nous avons presque été tués ; notre communauté vit un trauma terrible et il n’y a nulle part où aller pour tenter d’en guérir », indique-t-elle. « Nous avons été sauvés dans le chaos, certains ont quitté leur maison avec les pieds nus, sans rien. Ma maison est très endommagée, mon passé est effacé, il est détruit ».
Son foyer professionnel, la galerie d’art où elle travaille avec l’artiste Ziva Jelin, est situé à Beit Romano, à Tel Aviv, et il ouvrira officiellement ses portes au mois de mars. Un lieu très différent de ce à quoi elle est habituée, dit Berzon MacKie.
« Il y a tellement d’espace dans le Neguev, en tant que périphérie, pour y construire des visions, avec un souffle qui favorise les idées étranges, les expériences artistiques – c’est cette sorte de liberté dont vous jouissez quand vous travaillez là-bas », explique-t-elle. « Quand vous travaillez hors de Tel Aviv, vous avez toute la liberté nécessaire pour explorer, pour faire des choses que vous ne feriez jamais par ailleurs à Tel Aviv ».
C’est donc un nouveau foyer – temporaire – pour le moment.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel