Une Tchèque fait découvrir l’Israël d’aujourd’hui via un livre pour enfants
Pavlina Sulcova (qui a vécu en Israël) fait découvrir à son illustrateur David Kalika (et à ses jeunes lecteurs) l'État hébreu
PRAGUE – Au printemps 2020, Pavlina Sulcova venait à peine de prendre son nouveau poste de directrice d’un nouveau centre communautaire juif (CCJ) à Prague lorsque la pandémie de coronavirus a frappé, envoyant ses membres potentiels en confinement forcé et mettant en attente les projets du centre – tout du moins, en présentiel.
Les négociations pour un grand espace dans un bâtiment classique du XVIIIe siècle au centre de la vieille ville de Prague étaient à un stade avancé, mais la vision de Sulcova d’un centre communautaire avec un jardin, un atrium et un restaurant israélien casher s’éloignait de plus en plus, au fur et à mesure que les mesures de confinement étaient prolongées.
Sulcova et les bailleurs de fonds privés israéliens et tchèques qui ont soutenu le projet du CCJ espéraient rassembler la petite communauté juive de la ville, qui compte 7 000 personnes, dans un espace culturel dépassant le judaïsme confessionnel. Ils espéraient également répondre aux besoins d’une communauté d’expatriés israéliens ayant pas beaucoup d’autres options sur place.
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Réfléchissant rapidement, Sulcova a décidé de proposer des activités en distanciel.
Pour soutenir les Juifs locaux contraints de célébrer le seder de Pessah seuls à la maison, elle a publié un livre illustré pour enfants qui fait également office de Haggadah. Parallèlement au livre en langue tchèque, elle a également proposé une série de programmes éducatifs en ligne divertissants.
Le livre, intitulé Are We There Yet Moses ? (« Sommes-nous déjà arrivés, Moïse ? ») a connu un tel succès – il a fini par remporter le prix des Plus beaux livres tchèques de 2021 – qu’un jeu de société sur les 40 années d’errance des Hébreux dans le désert a suivi. Le livre a épuisé son tirage initial de 1 000 exemplaires et les communautés juives de Hongrie, de Pologne et de Slovaquie voisines souhaitent qu’il soit traduit.
Le mois dernier, la suite du livre est sortie, Here We Are, Moses (« Nous y voilà, Moïse »), un guide sur l’Israël d’aujourd’hui.
D’autres programmes du CCJ, coordonnés par Sulcova sous sa marque Judaism Fun Again, comprennent un podcast sur l’étude de la Torah et une série de courtes vidéos pour enfants sur les fêtes juives. Le Congrès juif mondial et l’American Jewish Joint Distribution Committee, ainsi que le ministère tchèque de la Culture, financent les projets, et Sulcova compte également sur le crowdfunding pour se maintenir à flot.
Malgré cela, elle a confié au Times of Israel, depuis son bureau de la taille d’un placard dans le CCJ de Prague, qui lui sert de base d’opérations, que survivre avec un budget restreint relève du miracle.
« Nos partenaires créatifs sont payés, mais ce n’est pas pour l’argent qu’ils font ça », a déclaré Sulcova. « C’est plutôt un travail d’amour et un produit de la mise en réseau avec des personnes qui se soucient de notre mission. »
Âgée de 44 ans, Sulcova a vécu en Israël pendant dix ans, où elle a travaillé dans le domaine de la programmation culturelle pour l’ambassade tchèque. À son retour en République tchèque, elle a supervisé la Quadriennale de design et d’architecture théâtrale de Prague.
Sulcova est récemment retournée dans l’État juif, où elle a emmené son collaborateur de longue date, l’illustrateur David Kalika, pour son premier voyage en Israël, afin d’effectuer des recherches et de prendre des photos pour leur deuxième livre, Here We Are, Moses. Le binôme s’est entretenu par téléphone avec le Times of Israel le mois dernier, juste avant la sortie du livre.
Leur entretien avec le Times of Israel a été édité pour plus de clarté et de concision.
Times of Israel : Alors, comment avez-vous eu l’idée de ce nouveau livre ?
Pavlina Sulcova : C’est une sorte de suite. Nous avons commencé avec Are We There Yet Moses et le jeu de société. En creusant davantage le sujet de l’Exode d’Egypte, ce qui s’y est passé et comment les Juifs se sont plaints, nous avons senti que nous voulions en savoir un peu plus. En même temps, nous voulions aussi faire quelque chose sur l’Israël d’aujourd’hui. Nous avons donc réalisé nos autres projets, mais cette idée n’a pas disparu. J’ai également été approchée par l’ambassadrice d’Israël ici, parce qu’elle avait aimé le premier livre. « Vous devriez faire un livre sur Israël », m’avait-elle dit. Nous avons obtenu un financement pour ce projet. Nous avons donc commencé à travailler dessus et sommes allés en Israël. J’y étais déjà allée, mais c’était la première fois pour David. C’était donc une bonne combinaison de voir les réactions et les nouvelles expériences de quelqu’un qui vient en Israël pour la première fois.
Et de quoi parle le livre, exactement ?
Sulcova : C’est un guide comique de la Terre Promise, même pour les personnes totalement étrangères en la matière.
Nous avons utilisé les mêmes personnages que dans le livre précédent. Ils vont en Israël pour des vacances. C’est l’intrigue de départ, mais nous y avons également intégré Moïse, car nous avons appris dans le livre précédent qu’il faut quelqu’un pour poser les questions, puis une figure sage pour y répondre. Comme il y a toujours cette idée de « Israël Startup Nation », je me suis dit que Moïse pourrait voyager dans le temps grâce à une invention israélienne, et qu’il verrait enfin la Terre sainte, ne l’ayant jamais vue auparavant.
Ils visitent des kibboutzim, Césarée, le Kinneret [lac de Tibériade], le plateau du Golan, des bunkers et des tanks. Il y a toutes sortes de situations, et on y apprend aussi quelque chose sur les lieux – on y apprend l’Histoire des kibboutzim, et les guerres sur le plateau du Golan, et d’autres faits historiques de ce genre.
C’est donc un mélange de rencontres amusantes à travers les voyages en Israël, tout en ajoutant des informations factuelles de manière divertissante.
Ensuite, ils visitent la mer Morte, Massada et Jérusalem. C’est donc un mélange d’endroits, mais ce n’est pas vraiment un guide, c’est plutôt une histoire divertissante, dans laquelle on y apprend aussi des choses.
David Kalika : Israël est un pays magnifique, hauts en couleurs et … problématique. Je suis un Tchèque typique, car en République tchèque, personne ne sait rien d’Israël, mais tout le monde l’aime.
Sulcova : C’est vrai, la République tchèque est considérée comme étant le pays le plus amical envers Israël.
Kalika : Et si je suis censé nommé quelque chose que je connais d’un pays – pour la France, je dirais la Tour Eiffel – alors pour Israël, je dirais Jésus-Christ, le mur Occidental, et par les informations, des vidéos d’attaques militaires, et … c’est tout. Donc tout était une grande surprise. Pavlina m’a dit que les Juifs israéliens ne sont pas exactement comme les Juifs de Prague. Elle m’avait dit plein de choses. « Tu verras, tu verras. » Je suis arrivé là-bas, et j’étais comme, « Mais wow, qu’est-ce que c’est que ça ? ». Et j’ai vu.
Sulcova : Il était un peu au courant avant notre départ, évidemment, mais nous avions aussi convenu qu’il ne se préparerait pas au voyage. C’était une sorte d’expérience parce que je voulais profiter du fait qu’il n’avait jamais été là-bas, donc c’était vraiment comme une véritable exposition et ses premières réactions.
Kalika : De nombreuses histoires dans le livre proviennent de mon expérience personnelle.
Y a-t-il quelque chose de particulier qui vous a surpris lorsque vous êtes arrivé en Israël ?
Kalika : La première surprise a été dans ma propre ville. Lorsque nous sommes arrivés à l’aéroport pour notre vol vers Israël, et j’ai vu une voiture militaire blindée garée près de la porte d’embarquement, et je me suis dit « mais, qu’est-ce qu’il se passe ? » !
Sulcova : Ils ont également fait un entretien de sécurité pour tout le monde à la porte d’embarquement. Ils vous posent parfois des questions amusantes comme combien de bougies allumez-vous pour Hanoukka. Mais le plus drôle, c’est que David et moi avions réalisé une vidéo sur Hanoukka l’année dernière. C’était donc comme une révision. Nous répondions en fonction de la vidéo, et nous rigolions de voir que la vidéo était aussi utile pour aider les gens à passer la sécurité d’El Al.
David, avez-vous subi le contrôle de sécurité qui dure des heures et dont certains visiteurs se plaignent lorsqu’ils entrent en Israël ?
Sulcova : En réalité, ils ont été gentils avec lui. Ils n’ont pas été très gentils avec moi, qui voyageais avec un passeport israélien. Ils m’ont fait culpabiliser parce que j’avais le passeport et que je ne vivais pas en Israël, alors j’ai eu un peu de mal. Mais avec lui, ils ont été gentils.
Kalika : Ils m’ont demandé combien de langues je parlais, et ma réponse a été… une ? « Vraiment ? Tu es sûre ? Pas l’allemand, pas l’espagnol ? Et combien de passeports as-tu ? Seulement un ? ». « Oui, je suis de la République tchèque, je suis désolé, un seul », leur ai-je répondu.
Sulcova : Dans nos cercles israéliens, nous plaisantons sur le fait que nous avons plus de passeports que de paires d’Adidas.
Et quelle a été votre expérience une fois à l’intérieur du pays ?
Kalika : Israël est un tout petit pays, mais tellement différent d’une ville à l’autre, d’un kilomètre à l’autre. Il y a Tel Aviv, qui est comme un petit Manhattan, Jérusalem est comme un documentaire historique, le plateau du Golan est digne d’un décor de science-fiction. Mais ce qui était intéressant pour moi, c’est que je ne me suis jamais senti en danger, je me suis toujours senti en sécurité.
Sulcova : C’est vrai, parce que nous avons beaucoup voyagé. Le premier jour, nous étions à Tel Aviv, donc il y avait des cafés, la plage, des bars de style berlinois et plein d’autres choses. Puis nous sommes allés à Jérusalem, où l’on a rencontré différents types de personnes. Nous avons aussi fait une excursion dans le nord et une autre dans le sud. Je me souviens que nous revenions d’un kibboutz dans le nord vers Tel Aviv, et ça a été comme un choc culturel, arrivant du calme de la Galilée, et sa nature, revenant au sud en passant par Herzliya, le berceau de la high-tech. C’est un grand changement. D’une certaine manière, c’était même parfois perturbant. C’est aussi une façon de voir les choses, de voir la diversité de l’atmosphère dans le pays.
Pouvez-vous nous parler un peu du message du livre ?
Sulcova : Malgré le fait qu’Israël ait de nombreux sympathisants et que les gens aiment le pays, beaucoup de gens sont confus au sujet du conflit, et des guerres ; c’est tellement compliqué. L’idée était de rapprocher le sujet des gens – des enfants, pour que ce soit divertissant pour eux, mais aussi des adultes, pour qu’ils s’instruisent un peu, de manière ludique.
Et puis, quand je vivais en Israël, je travaillais à l’ambassade tchèque. Je voyais des touristes. Parfois je voyageais avec des délégations, et ils avaient souvent très peu de connaissances sur Israël, mais ils étaient intéressés. Avec ce livre, nous avons donc voulu présenter le pays de notre point de vue. Israël est un pays intéressant et compliqué, avec de nombreuses facettes, et en tant que sujet, il peut devenir assez pesant – il n’existe pas de livre « léger » sur Israël en tchèque. Et nous voulions montrer le côté drôle.
Il y a tellement de livres « pesants » sur l’Histoire, la politique et les conflits israéliens. Nous voulions simplement faire un voyage et voir ce qu’il y a, y compris l’observation des oiseaux et le mouvement des kibboutzim, ou toutes ces connexions que l’on ne réalise pas toujours en Europe, comme tous les sites chrétiens, comme l’Église du Saint-Sépulcre, et tous les moments de « Life of Brian » des Monty Python. Ces éléments nous ont également inspirés – nous avons vu « Life of Brian » récemment, et l’épisode des « Simpsons » où ils sont allés en Israël, ce qui nous a incités à traiter d’Israël de manière amusante.
Kalika : Le livre a plusieurs degrés. C’est une histoire typique pour enfants, un guide, mais c’est aussi un livre drôle sur un sujet compliqué. Le livre contient également des éléments qui s’adressent à des personnes ayant des niveaux différents de familiarité avec Israël. Il y a, par exemple, des private jokes – ou blagues d’initiés – pour ceux qui ont passé du temps en Israël.
Votre dernier livre était une Haggadah de Pessah qui peut être utilisée lors du seder. Cette suite s’adresse-t-elle à une communauté ou à un groupe démographique en particulier ?
Sulcova : Je pense que ce livre est destiné à un public plus large. La Haggadah a également été bien accueillie par les lecteurs non-juifs parce qu’elle racontait l’Histoire de l’Exode et était accompagnée d’instructions pour le seder. Je dirais donc que le public principal de ce livre est juif, mais pas seulement. Comme toute personne qui aime les bandes dessinées, qui aime voyager, qui s’intéresse à Israël, il n’y a pas de limites à qui peut lire ce livre.
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