Valls : la même « guerre mondiale » a touché « Paris, Jakarta, Istanbul, et régulièrement Israël »
Reçu par les Amis du Crif, le Premier ministre français a promis "un changement d'attitude" des pouvoirs publics face au BDS, "paravent du nouvel antisémitisme"

Comparé à Pierre Mendès France, qualifié de ministre « le plus courageux de la Ve république » le Premier ministre Valls a joué sur du velours, mardi 18 janvier, face aux Amis du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France).
En introduction, le président du Crif Roger Cukierman a rappelé les déclarations-phares de Manuel Valls au long de cette dernière année meurtrière : « la France sans les juifs, ce n’est pas la France » ; « l’antisionisme c’est de l’antisémitisme ». A ces deux déclarations ayant emporté l’assentiment général, une troisième viendra désormais s’ajouter.
Justifiant la nécessité des mesures sécuritaires instaurées par l’état d’urgence, le Premier ministre français a associé, c’est sans doute une première, les attaques visant la France et celles touchant Israël, conséquences d’une même « guerre mondiale ».
Le 13 novembre aux Invalides, lors de l’hommage national aux victimes, quelques voix s’étaient émues de « l’oubli » d’Israël par le président François Hollande dans sa longue litanie des pays touchés par le terrorisme. Un oubli comblé par Manuel Valls.

« Nous sommes dans une forme de guerre mondiale (…). Les attentats des derniers jours au Burkina Faso, à Istanbul, à Jakarta, en Israël régulièrement, et ceux qui nous ont frappés, nous montrent que nous allons vivre longtemps avec ces mesures de sécurité, il faut l’accepter ».
Malgré la cordialité, certains échanges furent plus délicats. Face à certaines questions, notamment la réponse des pouvoirs publics aux différentes attaques antisémites de Marseille de ces derniers mois, et à propos de l’activisme du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), M. Valls a été contraint d’esquiver, ou au contraire de prendre certains engagements forts.
« A Marseille, a expliqué Marc Bensimhon, avocat du BNVCA, le 14 novembre, le rabbin Moyal a été agressé par un homme avec un couteau de 13 cm ; le 18 novembre, un professeur de l’école Yavne, a été agressé par trois individus (…) et dernièrement une agression à l’arme blanche semblable a touché à nouveau un professeur portant une kippa »
Si le caractère antisémite de la troisième agression a été rapidement qualifiée, Me Bensihmon, dit avoir affronté dans le cas du rabbin Moyal, une justice récalcitrante, peu encline à reconnaître le mobile anti-juif de l’attaque. Conséquence tragique : « cette intifada de rue, semblable au phénomène qui frappe Israël » s’est propagée à Marseille, sans aucun écho dans les médias, jusqu’à cette dernière agression.
« Le préfet de la région et le procureur de la République m’ont dit : ‘nous n’évoquons pas cette affaire parce que l’agresseur était en état de démence,’ relate l’avocat. Mais, après que je me sois battu pour obtenir un contrôle médical, il a été décelé que cet individu était parfaitement sain d’esprit et l’affaire a pu être jugée. »
« Je comprends que l’on veuille éviter les troubles à l’ordre public, a-t-il plaidé, mais que comptez-vous faire face à cette propagation de violence ? »
« J’ai dit moi même a l’Assemblée nationale que nous n’avions pas assez réagi après les attentats de Toulouse et de Montauban, a argué Manuel Valls. Je le redis, le mouvement de la société n’a pas été à la hauteur ».
« Mais nous ne devons pas avoir peur des dénonciations des actes antisémites, dès que nous avons la certitude d’être face à de tels actes. La société française a eu peur, ce qui explique une forme d’impunité », a analysé le chef de gouvernement français.
Une impunité qui n’a rien d’étranger à Manuel Valls.
Stigmatisé par Roland Dumas l’accusant d’être « probablement sous influence juive » évoquant la religion d’Anne Gravoin son épouse, il est pour la première fois sorti du bois. Qualifiant l’ex-ministre des Affaires étrangères, et ancien président du Conseil constitutionnel, « d’antisémite bourgeois », il a dénoncé l’influence de ses propos sur les « antisémites compulsifs ».
« Ce qui me fait de la peine, c’est qu’un homme ayant exercé de telles responsabilités tienne de tels propos » dans l’indifférence presque générale. « On a plus polémiqué sur le journaliste l’ayant interviewé (J.-J. Bourdin sur RMC, 16/02/15) que sur ses propres propos ».
Et le mouvement BDS sait tirer partie de cette forme d’impunité. Quelques jours avant cette rencontre, le mardi 5 janvier 2015, le mouvement pour le boycott d’Israël organisait une manifestation contre la venue à Paris de la troupe de danse israélienne Batsheva. Le jour même des commémorations de l’HyperCasher, l’on scandait Israël assassin, Opéra complice devant le bâtiment culturel.
Questionné à ce sujet, M. Valls, a de nouveau fait valoir son engagement de longue date contre le boycott d’Israël et affiché sa volonté d’aller plus loin contre cette mouvance, ayant pour dénominateur « la haine d’Israël », la qualifiant de « paravent de ce nouvel antisémitisme ».
« Je pense que les pouvoirs publics doivent changer d’attitude face à ces organisations qui participent d’un climat nauséabond ».
Dans la lignée de son action contre Dieudonné « qui a crée les conditions d’une synthèse entre la banlieue, l’extrême-droite et l’extrême-gauche aboutissant à un nouvel antisémitisme » le Premier ministre s’est déclaré « plus qu’attentif » aux actions du BDS. « Je pense que nous allons prendre des dispositions, dans le cadre de l’état de droit, pour montrer que cela suffit ».
Seront-elles effectives avant le déplacement du délit d’injures racistes et antisémites du droit de la presse au droit commun, promis à grands cris après les attentats de l’Hyper Cacher il y a un an, afin d’attribuer plus de moyens à leur répression ? « Une réforme toujours attendue » a rappelé le président du Crif au Premier ministre.
« Notre priorité aujourd’hui c’est la réforme de la Constitution afin d’y inclure la déchéance de la nationalité » a expliqué Manuel Valls. Face aux efforts fastidieux du gouvernement pour faire accepter cette réforme au Parlement, le Crif va sans doute attendre encore un peu.
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