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3 lycéens français inculpés pour apologie du terrorisme; inquiétude en Allemagne

"400 violations" recensées lors de la minute de silence en hommage à Samuel Paty ; des professeurs allemands et hollandais craignent de finir comme leur collègue

Des proches et collègues de Samuel Paty pendant la Marche Blanche à Conflans-Sainte-Honorine, le 20 octobre 2020. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)
Des proches et collègues de Samuel Paty pendant la Marche Blanche à Conflans-Sainte-Honorine, le 20 octobre 2020. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)

Une collégienne de 12 ans qui diffuse une photo macabre de Samuel Paty, un Afghan condamné pour s’être félicité de la décapitation de l’enseignant: les faits d’apologie du terrorisme ou de menaces explosent en France depuis l’assassinat mi-octobre du professeur, tué pour avoir montré des caricatures de Mahomet.

Trois lycéens du nord de la France ont été inculpés pour « apologie du terrorisme » et « menaces » après l’hommage au professeur assassiné Samuel Paty, a-t-on appris vendredi auprès du parquet de Cambrai.

Deux de ces élèves ont été inculpés mercredi et un troisième jeudi, a précisé à l’AFP Rémi Schwartz, procureur de Cambrai, confirmant une information du quotidien régional La Voix du Nord.

Deux sont poursuivis pour apologie du terrorisme, un troisième pour menaces. Ils sont âgés de 15 à 17 ans.

Les propos visés ont été tenus lundi lors de la discussion ayant suivi la minute de silence en hommage à Samuel Paty, professeur décapité par un jihadiste tchétchène le 16 octobre à Conflans-Saint-Honorine (région parisienne).

« On n’a pas du tout affaire à des gens inscrits dans un processus de radicalisation violente, y compris dans leur environnement familial », a souligné M. Schwartz.

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education quitte l’Elysée après une réunion, le 30 mai 2018. (Crédit : AFP PHOTO / Ludovic MARIN)

L’Éducation nationale a recensé « 400 violations » lors de la minute de silence organisée lundi en France en hommage à Samuel Paty, a annoncé vendredi le ministre Jean-Michel Blanquer, ajoutant que des poursuites pénales concernent « une dizaine environ » de cas.

Selon France Info, près de 200 enquêtes ont été ouvertes au cours de la dernière semaine d’octobre pour apologie du terrorisme, menaces de mort, injures ou provocations à la haine en lien avec la décapitation le 16 octobre de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne.

La Chancellerie, qui confirme ce chiffre, précise toutefois qu’il est « à appréhender avec prudence, dans la mesure où il n’y a pas de point de comparaison nationale ».

« Ça explose ! On a beaucoup de menaces qui visent des personnalités publiques, le Président de la République, le Premier ministre, plusieurs ministres, des députés, des enseignants », détaille une source judiciaire. « Il est beaucoup fait allusion de manière plus ou moins directe à des menaces de décapitation », constate-t-elle.

Au parquet de Paris, qui centralise une grande partie des procédures, environ 70 enquêtes ont été ouvertes notamment pour « apologie du terrorisme » et « menaces de mort ou de violences » depuis l’assassinat du professeur d’histoire-géographie de 47 ans.

« Toute plainte ou signalement fait automatiquement l’objet d’une ouverture d’enquête », assure à l’AFP le procureur de Paris, Rémy Heitz.

Derrière ces affaires se trouvent des profils variés, des gens radicalisés, mais aussi des personnes qui souffrent de troubles mentaux ou qui envoient un message sans mesurer sa gravité. Nous avons aussi affaire à des jeunes », note le procureur.

Dans une note envoyée aux procureurs généraux dès le lendemain de l’attentat, le ministre de la Justice demandait la plus grande fermeté dans le traitement des comportements incitant à la haine ou appelant à commettre des crimes ou délits.

« Avant quand une personne criait ‘Allah Akhbar’, on ne remontait pas forcément parce que cela dépendait du contexte, désormais on fait forcément plus attention et on remonte tout. Il y a une attention accrue, même face à des choses qui ne sont pas forcément caractérisées », relate un parquet francilien, constatant des signalements quotidiens.

Certains élèves ont siffloté pendant l’hommage, d’autres ont ri, relate le parquet d’Evry qui a reçu « énormément de signalements de l’Education nationale » pour des comportements ne constituant toutefois pas une infraction pénale.

A Paris, une collégienne de 15 ans a été inculpée pour « apologie de terrorisme » après avoir accablé M. Paty. Elle a écopé d’une réparation pénale, mesure éducative qui prévoit notamment une réflexion du mineur en lien avec son délit.

Dans un lycée à Caluire-et-Cuire (est), un élève de seconde de 15 ans a menacé un professeur de lui « couper la tête ». A Gisors (ouest), une fille de 12 ans a diffusé une photo de la tête décapitée de M. Paty à ses camarades.

Quatorze procédures ont été ouvertes lundi et mardi contre des mineurs pour « apologie du terrorisme » dans des établissements scolaires en marge de cet hommage, selon la Chancellerie.

Arrestation d’élèves de CM2 pour « apologie du terrorisme » en Savoie

Ces enfants âgés de 10 ans, trois garçons et une fille, sont accusés d’avoir tenu des propos « violents et inquiétants » lors de l’hommage à Samuel Paty lundi. « Ils ont dit que le terroriste avait bien fait », indique le procureur de Chambéry, Pierre-Yves Michau, interrogé samedi matin par l’AFP.

Ils ont « justifié l’assassinat », « arguant qu’il était interdit d’offenser le prophète et ajoutant qu’ils tueraient leur professeur s’il caricaturait le prophète », abonde le ministère de l’Intérieur dans une vidéo diffusée vendredi soir sur Twitter.

Le parquet a été saisi mardi par la direction académique, à laquelle le directeur de l’école concernée avait signalé les faits; le même jour, l’enseignant découvrait dans sa boîte aux lettres un papier avec l’inscription : « t’es mort ».

L’affaire relevant à ses yeux de l’apologie du terrorisme et des menaces de mort, tout en envoyant « des signaux faibles de radicalisation », le parquet a ouvert une enquête.

« Vu l’âge des élèves, il fallait enquêter sur le milieu familial. On ne pouvait pas seulement les convoquer, il fallait aussi perquisitionner le domicile et on ne savait pas à qui l’on avait affaire », justifie le procureur. « La police a fait son travail, dans le respect de la loi. »

« Il est faux de dire que la police a usé d’une force démesurée », renchérit le ministère de l’Intérieur.

En Allemagne et aux Pays-Bas

A Berlin, où un hommage à l’enseignant assassiné avait également été rendu lundi matin, la presse allemande a fait état de quelques incidents survenus dans des écoles, notamment dans l’une d’elles où un adolescent d’environ 14 ans a perturbé cet hommage.

Selon le Tagesspiegel, cet élève de l’école Gustav-Freytag présenté comme musulman a affirmé que Samuel Paty « a reçu ce qu’il méritait », selon le directeur de l’établissement, Hendrik Nitsch. « Il fallait l’exécuter, il avait offensé le prophète », a-t-il également dit, selon les propos rapportés par le directeur.

Au total selon le directeur de l’établissement – qui n’était pas joignable vendredi pour confirmer ces propos – quatre enseignants lui ont rapporté des commentaires d’élèves. « La teneur de leur récit était toujours la même : les élèves musulmans ont dit que ce crime était juste, pas de minute de silence pour un tel individu », a-t-il déclaré, cité par le journal.

Le porte-parole d’un syndicat d’enseignants GEW a également affirmé au Tagesspiegel que son organisation avait reçu quelques appels de professeurs inquiets qu’il leur arrive la même chose qu’à Samuel Paty.

Un enseignant d’un collège à Rotterdam aux Pays-Bas a été menacé, suscitant l’indignation du gouvernement néerlandais, à cause d’une caricature affichée dans sa salle de classe représentant un homme décapité tirant la langue à un jihadiste.

L’enseignant avait affiché le dessin après l’attentat chez Charlie Hebdo à Paris en 2015. Sur la caricature, signée Joep Bertram, l’homme décapité porte un t-shirt à l’effigie de l’hebdomadaire français.

Lundi, des élèves musulmanes de l’Emmauscollege – qui rendait ce jour-là hommage à Samuel Paty – se sont dites offensées par le dessin, le qualifiant de « blasphématoire », selon le quotidien de référence NRC.

Une photo du dessin a ensuite été largement partagée sur Instagram. Un internaute a notamment écrit : « Si cela n’est pas supprimé très rapidement, alors nous nous occuperons de cela différemment ».

Le ministère public et les forces de l’ordre ont pris les menaces en ligne « très au sérieux », a indiqué la police sur Twitter, ajoutant qu’une enquête avait été ouverte pour en retrouver les auteurs.

Suite à ces menaces, l’enseignant, dont l’identité n’a pas été révélée, a été contraint de « se cacher », rapporte le quotidien NRC.

« Le harcèlement et les menaces contre les enseignants ne peuvent en aucun cas être tolérés et nous nous opposons fermement à cela », a déclaré le ministre de l’Education Arie Slob, dans une lettre au parlement vue par l’AFP jeudi.

La décapitation de Samuel Paty est une « prise de conscience » pour nous tous, a-t-il poursuivi, ajoutant qu’une plainte avait été déposée par l’établissement.

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