50 % des Israéliens ayant fait appel au Beth Din disent avoir été lésés – enquête
Selon l'organisation à but non lucratif ITIM, un Israélien sur cinq ajoute que suite à ces mauvaises expériences devant des tribunaux religieux, son lien avec le judaïsme en a été lésé
Plus de la moitié des Israéliens qui ont comparu devant un tribunal rabbinique au cours des cinq dernières années estiment avoir été lésés au cours de la procédure, selon une nouvelle enquête commandée par le Centre d’information pour la vie juive (ITIM), une organisation progressiste qui aide les citoyens à s’y retrouver dans la bureaucratie des offices religieux de l’État.
Le pourcentage de personnes estimant avoir été confrontées à des actes répréhensibles atteint 75 % dans les cas où les procédures ont duré plus de neuf mois.
L’enquête a été qualifiée de biaisée et d’inutile par un porte-parole de l’Administration des tribunaux rabbiniques.
Quelque 400 personnes, à parts égales d’hommes et de femmes, ont été interrogées au cours de la dernière semaine de 2024. 287 d’entre eux avaient divorcé et 113 avaient comparu devant le tribunal pour clarifier leur statut au regard de la loi juive (halakha). Un sur cinq a déclaré que son expérience devant le Beth Din – tribunal religieux – avait eu un impact négatif sur son lien avec le judaïsme ; ce taux atteint les 40 % chez ceux dont la procédure a duré plus de neuf mois.
« Le rôle des tribunaux rabbiniques est de fournir des services juifs, et non de distancer les gens de la vie juive », a déclaré le fondateur et directeur de l’ITIM, le rabbin Seth Farber, lors d’un entretien téléphonique accordé au Times of Israel.
« Ces statistiques sont douloureuses. »

Les tribunaux rabbiniques font partie du système judiciaire israélien et traitent des questions juridiques telles que le divorce, les testaments et les successions, ainsi que les conversions. Le système comprend douze tribunaux régionaux répartis à travers le pays. La Cour rabbinique suprême de Jérusalem est la plus haute autorité d’appel. Le président de la Cour rabbinique suprême, qui est l’un des grands rabbins d’Israël, supervise le système des tribunaux rabbiniques. Actuellement, ce poste est occupé par le Grand Rabbin séfarade David Yosef.
Parmi les personnes interrogées, 78 % se sont décrites comme laïques ou traditionalistes mais laïques, 8 % comme ultra-orthodoxes – ou haredim -, et les autres comme pratiquantes ou traditionalistes et pratiquantes.
Selon Farber, l’expérience négative vécue par de nombreux répondants est principalement due au fossé qui sépare les juges, pour la plupart ultra-orthodoxes, de la population qu’ils servent.
« Le fossé grandissant entre les ultra-orthodoxes et le citoyen moyen a créé une situation où les tribunaux rabbiniques se sont caractérisés par une culture de la suspicion et des accusations, plutôt que par une culture de l’accompagnement », a-t-il expliqué.
« Il fut un temps où la société israélienne était moins polarisée et où les juges des tribunaux rabbiniques comprenaient qu’une partie de leur rôle consistait à être rassurants, même dans les moments difficiles. »
Parmi les personnes ayant divorcé, environ 60 % ont déclaré qu’elles ne se remarieraient pas par l’intermédiaire du Grand-Rabbinat. Un pourcentage similaire a déclaré qu’il envisagerait de divorcer par l’intermédiaire d’un Beth Din privé plutôt que par celui du Grand-Rabbinat.
Le Grand-Rabbinat est la seule option pour les Israéliens juifs qui souhaitent se marier officiellement dans le pays. Israël ne dispose pas de procédure de mariage civil en raison de l’opposition des partis politiques religieux, mais il reconnaît les unions civiles contractées à l’étranger, une option choisie par un nombre croissant d’Israéliens.
Plusieurs centaines de milliers d’Israéliens, pour la plupart des immigrés de l’ex-Union soviétique ou leurs descendants, sont reconnus comme juifs par l’État mais pas par le Grand-Rabbinat, ce qui les empêche de se marier dans le pays. Certains font appel au Beth Din pour que leur statut de juif soit reconnu par le Grand-Rabbinat.

Selon l’enquête, si seulement 5 % de ceux qui cherchent à être officiellement reconnus comme juifs essuient un refus, environ 43 % des personnes interrogées ont déclaré que, avec le recul, elles n’auraient pas choisi de se marier devant le Rabbinat.
Interrogé sur la possibilité que les résultats de l’enquête soient influencés par un sentiment général de malaise ressenti par de nombreuses personnes lorsqu’elles se présentent devant les tribunaux et se soumettent à des procédures bureaucratiques, quelle que soit la nature du tribunal, Farber a répondu que les tribunaux religieux devraient respecter des normes plus strictes.
« Les tribunaux rabbiniques doivent s’améliorer », a-t-il souligné.
« Il ne suffit pas de dire que les tribunaux laïcs sont mauvais et qu’ils peuvent donc l’être aussi. Les tribunaux rabbiniques représentent une facette de la vie publique juive en Israël. C’est pourquoi ils doivent se montrer à la hauteur si nous voulons préserver l’intégrité du judaïsme dans l’État juif et démocratique. »
D’autres résultats de l’enquête indiquent que 65 % des personnes interrogées estiment que les tribunaux ont utilisé un langage respectueux (contre 12 % qui sont fortement en désaccord), et que 45 % pensent que les décisions finales étaient bien motivées (contre 16 % qui sont fortement en désaccord).
Près de 30 % des femmes interrogées ont déclaré que le fait d’être une femme avait un impact négatif sur l’attitude des juges à leur égard. Environ la moitié des hommes ont déclaré la même chose à propos du fait d’être un homme (seuls les hommes siègent en tant que juges dans les tribunaux rabbiniques).
« Le problème, c’est que les nominations des juges du Beth Din sont très politiques », a ajouté Farber.
« Les juges sont nommés par une commission qui comprend des représentants du Grand-Rabbinat et des membres de la Knesset, et la politique de coalition influence fortement le processus. Il n’y a pas de méritocratie. »
Selon Farber, pour améliorer les performances des tribunaux rabbiniques, l’État d’Israël devrait décentraliser le système.
« Les autorités rabbiniques locales pourraient maintenir les normes halakhiques les plus élevées tout en ressentant les besoins et la douleur des membres de leur communauté », a-t-il observé. « Nous pensons que toutes les questions importantes, y compris les mariages, les divorces et les conversions, devraient être gérées au niveau local, car cela engendrerait une plus grande responsabilité et un lien plus étroit avec la vie juive. »
Invité à réagir, un porte-parole du Grand Rabbin Yosef a refusé de discuter de ce sujet, renvoyant ce journaliste à un porte-parole des tribunaux rabbiniques.
« Il s’agit d’une ‘enquête commandée’ partiale, subjective et non pertinente, dans laquelle des questions suggestives ont été conçues pour confirmer une conclusion prédéterminée », a déclaré l’Administration des tribunaux rabbiniques dans un communiqué adressé au Times of Israel.
« Les tribunaux rabbiniques sont une autorité judiciaire et, dans toute procédure judiciaire, il y aura toujours une partie insatisfaite de la décision », poursuit le communiqué.
« La pratique consistant à inciter les parties mécontentes de leur verdict à s’en prendre au pouvoir judiciaire, au lieu d’accepter la décision du système, est inappropriée et totalement réprouvée. »
Le porte-parole a souligné que, dans une récente enquête exhaustive sur les services gouvernementaux, le système des tribunaux rabbiniques avait obtenu une note nettement supérieure à la moyenne par rapport aux autres services gouvernementaux.
« L’organisation ITIM ferait mieux de se concentrer sur la promotion de l’unité dans la société israélienne plutôt que d’attiser les divisions et de rouvrir les blessures », conclut le communiqué.