À Hébron, des résidents d’implantations investissent illégalement une maison contestée
Beit Hacherut a été acheté il y a un an par une ONG ; elle ne peut être occupée avant la réponse du tribunal à la plainte déposée par les Palestiniens, qui se disent propriétaires
Selon un article publié dimanche, un bâtiment contesté dans la ville de Hébron, en Cisjordanie, a été occupé ces derniers jours par des habitants des implantations, sans que l’armée ne réagisse.
Selon un groupe de résidents d’implantation appelé Harchivi Makom Aholech, le bâtiment aurait été acheté en juillet 2022, à la suite d’une campagne de collecte de fonds. Les résidents avaient alors rebaptisé la propriété Beit Hacherut (Maison de la liberté) et y avaient immédiatement emménagé après l’achat présumé, une initiative qui avait été saluée par les dirigeants de l’implantation tels que la députée Orit Strouck (HaTzionout HaDatit). Les occupants ont néanmoins été évacués quelques jours plus tard.
On ignore le nombre exact d’habitants des implantations qui ont réoccupé les lieux il y a quelques jours, ainsi que la date précise à laquelle ils l’ont fait. Depuis leur évacuation en juillet 2022, ils auraient réoccupé les lieux par intermittence, selon le quotidien Haaretz. Un responsable de Tsahal aurait déclaré qu’à ce jour, les habitants d’implantations n’ont pas les permis nécessaires pour s’installer.
Dans une réponse officielle, le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), une unité du ministère de la Défense, a déclaré qu’après avoir emménagé dans Beit Hacherut, malgré l’ordre de fermeture militaire, les résidents d’implantations ont soumis des documents censés prouver leurs droits sur le bâtiment, et que l’Administration civile est actuellement en train d’évaluer ces documents.
Bien que les détails de la transaction soient à l’étude depuis un an, il est fréquent que les habitants des implantations parviennent à acquérir les droits de l’un des propriétaires, sans l’accord des autres ; l’affaire est alors portée devant les tribunaux pour des délibérations qui peuvent durer longtemps, selon Peace Now, une ONG qui surveille l’activité des implantations en Cisjordanie. Dans des cas similaires à celui de Hébron, les habitants des implantations ont tenté d’établir des « faits sur le terrain » en pénétrant dans les maisons et ne recevant par la suite que l’approbation du ministre de la Défense.
En janvier 2023, deux habitants palestiniens de Hébron ont déposé une requête auprès de la Cour suprême israélienne, arguant qu’ils étaient les propriétaires légitimes du bâtiment Beit Hacherut et que le groupe de résidents des implantations l’avait occupé illégalement.
La Cour a répondu en février, indiquant qu’après une inspection du bâtiment, elle avait constaté que ce dernier n’était pas habité. La requête a donc été rejetée puisqu’il n’y avait apparemment personne à évacuer.
Entre-temps, l’armée a déclaré la maison « zone militaire fermée », ce qui signifie que les Palestiniens ne peuvent pas la visiter sans être accompagnés.
Peace Now a déclaré à Haaretz que « cela constitue une implantation illégale à tous points de vue. Les habitants des implantations profitent de l’incapacité du gouvernement à faire respecter la loi et ont une fois de plus envahi une propriété sans les permis requis. »
L’objectif déclaré de l’ONG représentant les habitants d’implantations, « Harchivi Makom Aholech », qui affirme avoir acheté la propriété, est de « racheter Hébron, en suivant les traces de notre ancêtre Abraham. »
L’organisation, qui opère depuis une dizaine d’années, décrit sur son site Internet son approche systématique en matière d’acquisition de maisons palestiniennes. Dans un premier temps, elle entre en contact avec le propriétaire palestinien d’un bâtiment puis procède à l’achat dans le plus grand secret. Elle installe ensuite les nouveaux occupants de manière « calculée », en fonction de son niveau de risque pour la propriété.
Si la transaction est contestée en justice, le groupe apporte un soutien juridique aux acheteurs. Dans le même temps, il dit protéger les vendeurs palestiniens des représailles d’autres Palestiniens, en leur fournissant des refuges ainsi qu’une aide économique et juridique.
Hébron diffère des autres villes arabes de Cisjordanie en ce qu’elle abrite une communauté juive qui, conformément à l’accord d’Hébron de 1997 entre Israël et l’Autorité palestinienne, vit dans une zone sous contrôle israélien – environ 20 % de la ville, connue sous le nom de H2. La communauté existe depuis des centaines d’années, malgré plusieurs interruptions au cours du 20e siècle.
Elle se compose de plusieurs enclaves situées au cœur de la ville, la plus grande de Cisjordanie. Les quelque 1 000 résidents d’implantations juives qui s’y trouvent vivent sous haute surveillance militaire, au milieu de quelque 215 000 Palestiniens. Ce quartier a été le théâtre de nombreux incidents violents entre Palestiniens et Israéliens.