Abbas est un « boulet » dans la planification à Gaza post-guerre – diplomates arabes
Le chef de l'AP ne peut pas succéder au Hamas ; l'inefficacité de la gouvernance de Ramallah est l'une des causes de son affaiblissement actuel
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

WASHINGTON – Le président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas est devenu un « boulet », ce qui contribue à la réticence des dirigeants arabes à coopérer pleinement avec la stratégie de l’administration Biden pour un Gaza d’après-guerre, ont déclaré deux diplomates arabes au Times of Israel cette semaine.
Les États-Unis envisagent que l’AP revienne un jour gouverner l’enclave côtière actuellement dirigée par le groupe terroriste palestinien du Hamas, mais les diplomates arabes ont exprimé leur scepticisme quant à la capacité du dirigeant de 87 ans, en proie à des allégations de corruption de longue date, à réunifier la Cisjordanie et Gaza sous l’autorité de l’AP.
En conséquence, les alliés arabes ont hésité à accepter les propositions américaines de contribuer à une force internationale qui aiderait à gérer la sécurité de Gaza pendant une période intérimaire jusqu’à ce que l’AP puisse prendre le relais, ont déclaré les diplomates.
« Il n’y a pas beaucoup d’espoir que ce jour puisse arriver sous Abu Mazen », a déclaré le premier diplomate arabe, utilisant le nom de guerre d’Abbas et sous lequel il est connu auprès des Palestiniens.
Certes, les diplomates ont affirmé qu’une grande partie de la faiblesse d’Abbas était le fait d’Israël, soulignant les politiques de longue date en Cisjordanie mises en œuvre par les gouvernements successifs du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui, selon eux, ont systématiquement affaibli l’AP au cours des 15 dernières années.
Le second diplomate a fait remarquer que l’approche « refusiste » de Netanyahu concernant la planification de l’après-guerre dans la bande de Gaza contribuait à la frilosité de la réponse arabe aux propositions américaines.

Cependant, les deux diplomates arabes ont déclaré qu’il incombera à Abbas de prouver qu’il est sérieux et capable de réunifier Gaza et la Cisjordanie, avant que leurs gouvernements n’acceptent d’aider à ouvrir la voie au retour de l’AP dans la bande de Gaza.
Les deux diplomates, qui représentent des pays différents, ont parlé au Times of Israel sous le couvert de l’anonymat, mais la volonté d’exprimer de telles critiques est extrêmement rare, en particulier au milieu d’une guerre où les gouvernements arabes s’efforcent de mettre en avant leur solidarité avec la cause palestinienne.
Aucun des deux diplomates n’est originaire de Jordanie, où Abbas est considéré plus favorablement, mais les deux diplomates ont insisté sur le fait que leurs réserves concernant le président de l’AP sont partagées par d’autres alliés des États-Unis dans la région, et ce, depuis un certain temps.
Pour sa part, Abbas a déclaré aux États-Unis que l’AP ne retournerait pas à Gaza « sur un char israélien » et qu’elle n’était prête à gouverner la bande de Gaza que dans le cadre d’une initiative diplomatique plus large qui aboutirait à une solution à deux États.

Le président américain Joe Biden a déclaré qu’il envisageait que l’AP soit « revitalisée » avant que ses responsabilités ne soient étendues à Gaza. Il n’a pas précisé ce que cela signifiait, mais un ancien fonctionnaire américain connaissant bien le dossier a déclaré cette semaine au Times of Israel que Washington recherchait de nouveaux visages au sommet de la direction, en plus de « réformes significatives de la gouvernance ».
Ces deux objectifs ont été salués par les deux diplomates arabes. Ni l’un ni l’autre n’est allé jusqu’à demander l’éviction d’Abbas, mais le premier diplomate était d’accord avec le second lorsqu’il a qualifié le président de l’AP de « boulet ».
Abbas n’a pas organisé d’élection présidentielle depuis 2005 et un récent sondage a révélé qu’environ 85 % des Palestiniens souhaitent qu’il démissionne.
Les diplomates ont fait valoir que, plus que tout, ce qui maintient leurs capitales à distance de la planification de l’après-guerre de l’administration Biden est le sentiment écrasant qu’elle est quelque peu futile tant que les combats se poursuivent, étant donné qu’il n’y a pas de consensus dans le monde arabe sur le fait qu’Israël sera en mesure d’éliminer complètement le Hamas de l’équation.

« Que se passera-t-il ensuite ? Comment pouvons-nous même envisager ce qui se passera ensuite ? », avait demandé le ministre des Affaires étrangères de Jordanie, Ayman Safadi, au début du mois.
Les liens sont rompus
Pour expliquer la position exprimée par les deux diplomates, Ghaith al-Omari, ancien fonctionnaire de l’AP et conseiller d’Abbas, a souligné la façon dont son ancien patron « a mal géré les relations avec la plupart des pays arabes. »
Al-Omari a déclaré qu’Abbas avait « refusé de s’engager positivement » avec plusieurs initiatives égyptiennes visant à réconcilier le mouvement Fatah du président de l’AP avec le Hamas ces dernières années, ce qui avait fortement irrité Le Caire et le président Abdel-Fattah al-Sissi en particulier.
Les mauvais liens d’Abbas avec certains pays du Golfe, à savoir les Émirats arabes unis, sont plus connus, le chef de l’AP n’appréciant pas qu’Abou Dhabi accueille le rival de l’AP en exil, Mahmoud Dahlan, en plus de la décision émiratie de normaliser les liens avec Israël en 2020.
« L’état d’affaiblissement de l’AP que nous voyons aujourd’hui s’est totalement produit sous le mandat d’Abu Mazen, et il est perçu comme un dirigeant inefficace et [qui s’attend] à ce que d’autres fassent le travail à sa place », a déclaré al-Omari, qui est actuellement chercheur principal à l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient.
« Beaucoup de ces dirigeants arabes sont très conscients des politiques israéliennes qui affaiblissent l’AP, mais ils pensent aussi que cette dernière aurait pu faire beaucoup en interne en termes de gouvernance et de promotion des intérêts palestiniens d’une manière plus proactive », a-t-il poursuivi.
Al-Omari reconnaît qu’il existe d’autres mesures, autres que la destitution d’Abbas, qui pourraient être prises pour regagner la confiance des dirigeants arabes dans l’AP.

L’une d’entre elles pourrait être la nomination d’un Premier ministre habilité à contrôler les opérations quotidiennes de l’AP et à « donner le ton diplomatique pour les Palestiniens », a suggéré al-Omari, ajoutant qu’une autre approche consisterait à réorganiser le parti Fatah – actuellement dominé par les loyalistes d’Abbas – de manière à permettre à de nouveaux dirigeants d’émerger.
Hamas chiefs Ismail Haniyeh and Kahled Mashaal meet with Mohammed Dahlan deputy Samir Masharawi and Nasser Al Qidwa in Doha today. pic.twitter.com/Mlj0JXaFav
— Gareth Browne (@BrowneGareth) November 22, 2023
L’ancien assistant d’Abbas a déclaré que les États arabes avaient probablement pris note d’une réunion qui s’est tenue la semaine dernière à Doha entre l’adjoint de Dahlan, Samir Masharawi, et un autre rival d’Abbas, Nasser al-Qidwa, avec les dirigeants du Hamas, Ismaïl Haniyeh et Khaled Meshaal.
Cette rencontre a eu lieu alors que Dahlan a accru sa présence dans les médias depuis le début de la guerre, ce qui a donné lieu à des spéculations selon lesquelles il souhaiterait revenir à la politique palestinienne après plus d’une décennie d’exil.
Al-Omari précise que les voisins régionaux d’Israël ne cherchent pas nécessairement à apporter leur soutien à Dahlan ou à une personne en particulier, mais qu’ils « observent attentivement pour voir quel leader palestinien s’affirmera ».