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Abbas exclut du Fatah le neveu de Yasser Arafat en pleine campagne électorale

Nasser al-Kidwa, haut responsable de l’AP, appelle à un "changement radical" et envisage de présenter une liste d’opposition contre celle du Fatah aux prochaines élections

Nasser al-Kidwa en 2012. (Crédit photo : AP)
Nasser al-Kidwa en 2012. (Crédit photo : AP)

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a expulsé jeudi l’éminent critique Nasser al-Kidwa du parti du Fatah après qu’il a officiellement déclaré qu’il établirait une liste électorale d’opposition pour défier le pouvoir du Fatah lors des prochaines élections législatives palestiniennes.

« [Al-Kidwa] a eu 48 heures pour revenir sur sa position, qui viole les règles interne, les décisions et l’unité du Fatah », a écrit Abbas dans un décret ordonnant le limogeage d’Al-Kidwa.

Al-Kidwa a annoncé la semaine dernière qu’il prévoyait de présenter une liste d’opposition à la liste principale du mouvement du Fatah d’Abbas lors des prochaines élections législatives palestiniennes, prévues pour le 22 mai. Une autre élection, pour la présidence de l’Autorité palestinienne, doit se tenir le 31 juillet.

Abbas a publié à la mi-janvier un décret officiel ordonnant les élections, qui a été accueilli par un scepticisme généralisé. Les Palestiniens n’ont pas procédé à un vote national depuis 15 ans, et des élections, souvent promises, n’ont jamais eu lieu.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas prend la parole lors d’une réunion des dirigeants palestiniens à Ramallah, en Cisjordanie, le 3 septembre 2020. (Flash90)

L’expectative s’est toutefois lentement développée, tant dans les cercles diplomatiques que parmi le public palestinien. Environ 93 % des Palestiniens éligibles se sont inscrits pour voter aux prochaines élections en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, selon la Commission centrale électorale palestinienne.

Al-Kidwa, le neveu de l’ancien président de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, critique Abbas depuis longtemps. Il a occupé plusieurs postes à l’étranger, notamment en tant qu’envoyé de l’Autorité palestinienne auprès des Nations unies, où il a acquis une réputation de diplomate efficace et compétent.

Ces dernières semaines, al-Kidwa est cependant devenu plus franc dans sa critique du gouvernement actuel de l’Autorité palestinienne. Lors d’une conférence virtuelle diffusée par l’Université de Birzeit fin février, al-Kidwa a déclaré que le système politique palestinien devait être radicalement remanié.

« Nous avons besoin d’un changement radical dans notre système politique, alors même que nous luttons contre les actions israéliennes », a déclaré al-Kidwa.

Nous ne sommes pas parvenus à joindre certains hauts responsables du Fatah pour obtenir un commentaire. Mais beaucoup ont exprimé leur frustration à l’idée qu’un haut responsable briserait les rangs et ont rejeté sa critique du système politique.

« Nasser fait partie du système politique », a déclaré un haut responsable du Fatah, Azzam al-Ahmad, interrogé par le Times of Israël sur les remarques d’al-Kidwa fin février.

La tension entre les principaux membres du Fatah et al-Kidwa s’intensifie depuis plusieurs semaines. Au début de la récente initiative électorale, al-Kidwa s’est fermement opposé à l’hypothèse d’une liste électorale conjointe Fatah-Hamas, brièvement considérée. Il aurait par la suite boycotté plusieurs réunions du Comité central du Fatah.

Nasser al-Kidwa, membre du Comité central du Fatah et neveu du dirigeant palestinien décédé Yasser Arafat, prend la parole à une conférence de presse à Ramallah, en Cisjordanie, le 23 janvier 2019, avec en arrière-plan la mosquée du Dôme du Rocher de Jérusalem, pour commenter la décision d’un tribunal israélien de délivrer un privilège temporaire pour une parcelle de terrain appartenant à Arafat à Jérusalem-Est. (ABBAS MOMANI / AFP)

« “Réforme” est un terme plaisant, qui résonne, et une nécessité avec laquelle personne n’est en désaccord. Mais ce qui est choquant, c’est que la plupart de ceux qui parlent de “réforme”, surtout alors que nous nous dirigeons vers les élections, sont des gens qui ont fait partie du gouvernement », a réagi Hussein al-Sheikh, membre du Comité central du Fatah sur Twitter, dans un tacle implicite aux déclarations d’al-Kidwa.

L’ancien chef de la sécurité de Gaza Mohammad Dahlan, collègue du Fatah d’Al-Kidwa en exil, a condamné la décision de jeudi. Dahlan, rival de longue date d’Abbas, a été expulsé de Cisjordanie en 2011 et réside aux Émirats arabes unis.

« Pendant toute sa longue histoire, le Fatah n’a pas connu ce degré de tyrannie, d’exclusivité et de dérive par rapport à sa diversité et son rôle traditionnel de “refuge” pour toutes les idées et opinions », a déclaré Dahlan.

« Cette décision confirme l’impossibilité d’accepter l’approche de Mahmoud Abbas, qui est devenu une réelle menace pour les intérêts de notre peuple », a ajouté Dahlan.

Les dirigeants palestiniens ont souvent promis d’organiser des élections depuis que le dernier vote a eu lieu en 2006, lorsque le Hamas a remporté le parlement palestinien lors d’une victoire écrasante contre ses rivaux du Fatah, déchirés par des querelles entre factions et largement considérés comme corrompus.

Tout comme en 2006, le Fatah d’Abbas est profondément divisé, et le président de longue date fait face à des rivaux à chaque coin de rue : le prisonnier palestinien condamné pour terrorisme Marwan Barghouti, Dahlan, soutenu par les Émirats, et al-Kidwa.

Depuis quelques semaines, de hauts responsables du Fatah se tirent dans les pattes sur les réseaux sociaux. Une visite très médiatisée d’al-Sheikh, haut responsable de l’AP, à Barghouti – afin de tenter de le convaincre de ne pas se présenter – n’a pas semblé avoir beaucoup de succès.

Bien qu’al-Kidwa ait déjà pris l’initiative de fonder son propre mouvement – le Forum national démocratique – il n’a pas encore déposer de liste de candidats parlementaires. Al-Kidwa a également déclaré qu’il soutiendrait al-Barghouti contre tout autre candidat potentiel à la présidentielle.

« Nous avons cherché depuis le premier jour à inciter Marwan al-Barhgouti à rejoindre notre mouvement et ses dirigeants, et nous soutiendrons al-Barhgouti s’il se présente à la présidence », a tweeté al-Kidwa mercredi.

Des partisans du mouvement palestinien Fatah participent à un rassemblement marquant le 55e anniversaire de la fondation du parti politique, dans la ville de Gaza, le 1er janvier 2020. (Crédit : MOHAMMED ABED / AFP)

Les chances de succès d’une candidature indépendante d’Al-Kidwa aux prochaines élections législatives palestiniennes sont toutefois encore floues, a déclaré l’analyste politique palestinien Jihad Harb.

« Aucune enquête ne prédit l’ampleur potentielle de sa réussite, alors que d’autres personnalités politiques – comme Barghouti – bénéficient déjà d’un large soutien politique. Bien qu’il ait appelé à une liste parlementaire distincte, cette liste n’a pas encore été constituée. Quant à Barghouti, il n’a pas besoin d’al-Kidwa », a déclaré Harb au Times of Israël.

De plus, on ne sait pas quel programme politique al-Kidwa envisage de proposer à ses électeurs. Selon Harb, la plupart des partis palestiniens tombent dans l’un des deux camps : « la fin d’Israël par la résistance armée ou la solution à deux États. »

« À ce stade, alors que la lutte armée et la solution à deux États ne semblent pas réalistes, de nombreux Palestiniens recherchent des candidats honnêtes pour lutter contre la corruption », a déclaré Harb.

Al-Kidwa a exhorté le mois dernier les Palestiniens à trouver ce qu’il a appelé « une troisième voie » entre la dichotomie entre « lutte armée et négociations avec des concessions sans fin » dans laquelle il considère que la politique palestinienne se trouve. Pressé pour plus de détails, il a esquivé.

« Il ne semble pas qu’al-Kidwa ait les réponses aux questions difficiles. Il n’y a encore rien de nouveau ici en ce qui concerne son programme politique », a déclaré Harb.

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