Adam Teva V’Din fustige la loi limitant les objections aux travaux publics
"C'est une déclaration de guerre", selon le groupe écologiste qui estime que le texte prôné par le ministère des Finances nuira à l'environnement, au climat et à la santé publique
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Les responsables du ministère des Finances proposent d’accélérer la réalisation des importants projets d’infrastructure en limitant le rôle tenu par le ministère de la Protection environnementale dans leur planification, en restreignant le droit du public à faire part de ses objections aux projets envisagés et en accordant au Trésor le droit de passer outre le Commissaire israélien en charge des forêts lorsqu’il refuse l’octroi de permis d’abattage d’arbres protégés ou anciens.
Les défenseurs de l’environnement soulignent que ces initiatives et d’autres ne feront pas qu’affaiblir le contrôle exercé par le public, mais qu’elles entraîneront le contraire de ce qui est recherché par le gouvernement – une recherche qui sera ancrée dans une Loi sur le Climat – à savoir la réduction de moitié des émissions à effet de serre d’ici la fin de la décennie.
Le pays est déjà bien en-deçà de sa cible. A la fin de l’année 2022, il générait 9,2 % de son électricité à partir de sources renouvelables, a-t-il été expliqué le mois dernier à la Commission de l’Économie de la Knesset, malgré un objectif gouvernemental antérieur d’atteindre les 10 % à l’horizon 2020.
Ces propositions sont inscrites dans un Projet de loi sur les infrastructures nationales entrant dans le cadre de la Loi sur les Arrangements économiques (en hébreu) qui accompagne le budget de l’État.
Le ministère des Finances a expliqué que l’objectif poursuivi par le projet de loi « est de supprimer les obstacles bureaucratiques et régulatoires » et d’accélérer la réalisation des projets d’infrastructure envisagés dans des secteurs comme le transport, l’électricité et les énergies renouvelables.
Ce plan comprend également l’autorisation donnée aux centrales électriques polluantes de contourner la législation sur la pureté de l’air. Il donnerait aussi aux entreprises de construction travaillant sur d’importants projets d’infrastructure le droit de faire du bruit de manière substantielle à toute heure et, dans certains cas, à dépasser les niveaux de décibels inscrits dans la loi.
Tammy Ganot, vice-directrice-générale d’Adam Teva V’Din, une organisation de défense de l’environnement, a qualifié le projet de loi « de déclaration de guerre à la gouvernance environnementale et climatique en Israël ».
La loi des Arrangements économiques (loi dans laquelle les recommandations sur les infrastructures ont été intégrées) prévoit 55 réformes dans de nombreux domaines de la vie et le document fait 226 pages.
Le projet de loi doit être finalisé d’ici le 23 février et présenté en première lecture à la Knesset avant le 31 mars, ce qui ne laisse que peu de temps pour le débat. Couplé au budget de l’État, il doit être adopté avant le 29 mai.
La législation sur les infrastructures attribue la responsabilité des retards pris dans les projets à l’implication d’un nombre trop élevé d’organisations et de ministères.
Elle propose que le gouvernement sélectionne – sur le conseil du ministère des Finances – jusqu’à dix projets prioritaires dans le pays. Les critères de sélection qui sont suggérés varient, allant « du service apporté à d’importantes populations » à leur caractère « d’urgence nécessaire », en passant par les projets « qui sont susceptibles de rencontrer des obstacles particulièrement élevés ».
Parmi les solutions proposées pour accélérer la mise en œuvre de ces projets, on trouve :
- Le remplacement des représentants du ministère de la Protection environnementale dans les commissions de planification nationales et de district par des conseillers environnementaux privés et nommés par les commissions.
- L’obligation imposée au Commissaire chargée des forêts de prendre en compte non seulement l’aspect environnemental de l’abattage des arbres, mais également les dommages causés au développeur – et la hausse de ses coûts – en cas de retard d’octroi de permis. Avec cette proposition, le commissaire ne pourra plus refuser une autorisation concernant l’abattage d’arbres protégés ou anciens si le directeur-général du ministère des Finances ou si le ministère responsable du projet d’infrastructure y sont, pour leur part, favorables.
- L’abandon de la nécessité de présenter des plans détaillés ou même des cartes pour les projets d’infrastructure déclarés prioritaires et l’exemption, pour les projets « innovants », de l’obligation de présenter des plans ou d’obtenir des permis.
- La suppression du droit accordé à la Commission nationale de la préservation de l’environnement côtier de réexaminer l’impact des plans d’infrastructures nationaux sur les sites environnementaux ou du patrimoine proches de la mer méditerranée, de la mer Rouge ou du Lac de Tibériade.
- L’interdiction faite aux présidents ou aux ingénieurs des commissions locales de planification d’émettre des ordonnances d’arrêt du travail pour violation des lois sur la planification ou de violation des lois portant sur l’hygiène ou sur les autorisations commerciales, sans approbation préalable des responsables du pays.
- L’enregistrement automatique des plans d’infrastructures « classiques » (par opposition aux plans considérés comme « priorité nationale ») comme ayant été approuvés par le gouvernement 14 jours après leur réception par le secrétaire du cabinet, à moins qu’au moins trois membres du gouvernement (il n’en faut qu’un seul jusqu’à présent) ou seulement un membre – s’il a reçu l’approbation du Premier ministre – ne demandent qu’il soit débattu par le gouvernement. Aucune discussion ne sera permise au sujet des projets prioritaires. Les appels contre les commissions de planification de district ne seront plus un droit mais ils seront soumis à l’accord du président de la même commission de planification de district.
- L’autorisation donnée à la compagnie israélienne d’électricité de continuer à utiliser ses centrales polluantes en contournant les lois sur la pureté de l’air pour « garantir la continuité de l’approvisionnement… sur la période la plus courte possible ». Le projet de loi déclare que le ministère de la Protection environnementale devra déterminer les régulations nécessaires qui seront soumises à l’approbation du ministère de l’Énergie.
- La permission donnée à des travaux bruyants s’ils concernent des projets d’infrastructure considérés comme prioritaires et qu’ils ont lieu dans les zones résidentielles – au niveau maximum de décibels autorisé par la loi à n’importe quel moment et avec un dépassement qui sera possible à certaines heures, sans aucun recours pour les citoyens.
Le ministère de la Protection environnementale, pour sa part, lutte contre deux propositions en particulier.
Dans un communiqué émis mercredi, il a estimé que permettre de contourner la loi sur la pureté de l’air pouvait entraîner de graves atteintes à la santé publique et à la qualité de l’air et qu’elle était également non-nécessaire, dans la mesure où les permis d’émission délivrés par le ministère dans le cadre de cette loi n’ont aucune incidence sur l’approvisionnement en électricité.
Le ministère a aussi fustigé ce qu’il a qualifié de tentative « extrême » d’exclure ses propres spécialistes des commissions de planification nationales et de district, affirmant qu’interdire des consultants indépendants entraînera inévitablement « des situations incontrôlées, déséquilibrées ».
Il a continué en disant que « derrière chaque consultant du ministère de la Protection nationale, il y a des centaines d’experts de tous les secteurs environnementaux ». La majorité d’entre eux ont des domaines de spécialité spécifiques et les meilleures qualifications universitaires – ce qui permet d’offrir des connaissances dont ne peuvent pas se targuer les consultants privés, a-t-il affirmé.
Le ministère a également averti qu’autoriser les commissions de planification à nommer leurs propres consultants en matière d’environnement risquait d’entraîner des conflits d’intérêt dans la mesure où de tels consultants travaillent aussi pour des entreprises privées, représentant parfois ces firmes lorsqu’elles doivent se défendre face à des objections soulevées par l’un de leurs projets.
La législation accordera un pouvoir excessif aux commissions de planification qui, selon les propositions, initieront les plans d’infrastructure, les approuveront et emploieront leurs propres consultants environnementaux, a poursuivi le ministère.
La réponse, a-t-il ajouté, est de renforcer les ressources humaines et financières au sein du ministère, de manière à ce qu’il puisse travailler plus rapidement. Il a noté avoir été surpris par la proposition de privatiser les consultants dans la mesure où il avait convenu avec la division du budget au sein du Trésor, l’année dernière, de recevoir des fonds supplémentaires dans le cadre du budget 2023-2024, des fonds qui devaient servir à employer des consultants extérieurs qui auraient travaillé pour le compte du ministère et sous la direction de ce dernier.
Dans ce qui a été considéré comme une bonne nouvelle, le ministère a annoncé mercredi qu’à l’issue de discussions avec le ministère des Finances, une nouvelle clause viendrait d’ajouter au projet de loi qui accorderait des permis d’émission aux importateurs de voiture – ce qui les obligera à augmenter, petit à petit, le nombre des véhicules électriques amenés dans le pays.
Le ministère a aussi fait savoir que le Trésor avait accepté de réexaminer les propositions sur le bruit pour les tempérer, même si aucun détail n’a été donné.
Adam Teva VDin a accusé les auteurs du projet de loi de n’avoir pas tenté d’examiner ou d’analyser les raisons réelles ayant entraîné les retards dans la réalisation de projet d’infrastructures – notamment le manque de budget, le manque de main-d’œuvre ou le manque de coordination entre les instances impliquées.
La vice-directrice générale d’Adam Teva VDin, Tammy Ganot, a dit au Times of Israel que « le projet de loi sur les infrastructures nationales que le gouvernement veut promouvoir en utilisant le mécanisme accéléré de la Loi sur les arrangements économiques est une déclaration de guerre à la gouvernance environnementale et climatique en Israël ».
« De nombreuses clauses ne sont pas claires, elles sont ambigües et elles sont ouvertes à une mauvaise interprétation », a-t-elle ajouté.
Entre autres, les dispositions du projet de loi limiteraient les capacités du public à avoir connaissance des décisions prises au sujet de projets de développement pourtant susceptibles d’avoir un impact sur la vie des citoyens et elles limiteraient la participation des Israéliens dans le processus décisionnaire, a signalé Ganot.
Ces dispositions autoriseront aussi la continuation – voire le renforcement – de l’utilisation des énergies fossiles et de la pratique de l’abattage des arbres à l’ère du changement climatique, ce qui aura un impact négatif sur l’économie et sur la qualité de vie.
Les budgets de l’État pour les années 2021 et 2022 ont été approuvés au mois de novembre 2021, après trois années d’impasse qui n’ont pas permis de financer un grand nombre de projets gouvernementaux. Le prochain budget couvrira les années 2023 et 2024.
Le public peut encore soumettre ses commentaires sur la Loi des Arrangements économiques jusqu’au 22 février 2023 à 20 heures.