Aida Touma-Sliman : « enfermez les hommes qui menacent les femmes ! »
La députée considère qu'en cas de violences, c'est la liberté des hommes auteurs de menaces qui doit être entravée

La présidente de la Commission de la condition de la femme et de l’égalité des sexes de la Knesset, la députée Aida Touma-Sliman, a appelé, mardi, les services de police et le bureau du procureur de l’État à arrêter et inculper les hommes auteurs de menaces violentes envers des femmes.
Sa proposition fait suite à une série de féminicides commis ces deux derniers mois, ainsi qu’à une décision de justice très controversée ordonnant le placement en refuge d’une femme menacée, contre son gré. Cette décision, émanant du tribunal de première instance de Rishon Lezion, a été annulée hier suite à l’appel de l’intéressée, connue sous le nom de « Yud » pour protéger son identité.
S’adressant au Times of Israel, Touma-Sliman a souligné que le code pénal israélien prévoyait une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’incarcération pour menaces, comprenant des menaces de blessures physiques.
« Nous avons besoin d’un changement d’attitude radical de la part de la police et du bureau du procureur de l’État », a affirmé Touma-Sliman.
« C’est la liberté des hommes [auteurs de telles menaces] qui doit être entravée », a affirmé la députée.
Elle a ajouté que la police protégeait mal les femmes menacées et, plus généralement, ne faisait pas respecter la loi et l’ordre dans la communauté arabe.

Touma-Sliman a fait valoir que cette absence d’application de la loi était la cause profonde de la recrudescence des violences au sein de la communauté arabe et, par conséquent, la principale cause de l’augmentation des violences envers les femmes dans cet environnement.
La députée a noté que Rabab Abu Siyam, l’enseignante de 30 ans abattue à Lod le mois dernier, avait été menacée à plusieurs reprises par son ex-mari, mais que la police avait ordonné à Abu Siyam de quitter la ville pour se mettre en sécurité plutôt que de prendre des mesures contre lui.
Elle a été assassinée, avec son enfant de deux ans et demi sur les genoux, alors qu’elle était venue voir ses enfants. On soupçonne le tueur d’avoir été embauché par son ex-mari.
La police a déclaré avoir fait le maximum pour aider Abu Siyam, lui conseillant de ne pas revenir en ville. Son père a déclaré aux médias israéliens que sa fille était menacée depuis six mois et que la police de n’avait rien fait contre son ex-mari pendant tout ce temps.
Touma-Sliman a également évoqué l’implication croissante du crime organisé dans les féminicides recensés en secteur arabe. Elle a indiqué que le recours à des tueurs à gages était devenu courant ces dernières années.
Abu Siyam aurait été suivie grâce à un GPS, ce qui expliquerait que le tireur ait pu rapidement la localiser et l’assassiner, une fois revenue à Lod.
La députée a déclaré que les femmes impliquées dans des relations avec des hommes appartenant au crime organisé sont encore plus à risque, car elles sont exposées à l’activité criminelle de leurs partenaires. Si elles choisissent de les quitter, elles peuvent être considérées comme une menace et soupçonnées de pouvoir informer la police.

Touma-Sliman a ajouté que les récentes mesures prises par les autorités pour confisquer les armes à feu illégales en secteur arabe ne se déployaient pas assez rapidement, ajoutant que le problème aurait été traité beaucoup plus rapidement si on avait soupçonné que ces armes serviraient à attaquer des Juifs.
Selon la professeure Shalva Weil, chercheuse principale à la Seymour Fox School of Education de l’Université hébraïque et fondatrice de l’Observatoire israélien sur le féminicide, 12 femmes ont été assassinées par leur partenaire ou des membres de leur famille au cours des six premiers mois de 2022 (sans compter trois autres meurtres perpétrés en juillet).

Mis au regard des sept cas recensés au cours du premier semestre de 2021, cela constitue une hausse de 71%, mais Weil met en garde contre un possible effet de distorsion lié à une plus grande focalisation des medias sur ces questions.
Près de 58% des « féminicides » recensés en 2022 ont eu lieu en secteur juif, et 42% en secteur arabe ou druze, a constaté le centre. Weil relève toutefois que le chiffre des secteurs arabe et druze est disproportionné par rapport à la taille de la communauté, qui représente environ 21% de la population totale d’Israël.
À l’instar de Touma-Silman, Weil estime que l’augmentation du nombre de meurtres au sein de la communauté arabe renvoie à la fois à une violence toujours plus prégnante dans ce secteur et à l’impuissance des forces de l’ordre à y faire efficacement face.
Elle note que, dans la majorité des cas où des femmes sont assassinées par leur partenaire ou ex-partenaire, la victime avait déjà subi des violences physiques de la part du meurtrier.
La professeure Ruth Halperin-Kaddari, directrice et fondatrice du Centre Rackman de l’Université Bar-Ilan, est d’accord avec Touma-Sliman et Weil, affirmant que la principale cause de violence contre les femmes en secteur arabe est la passivité des autorités à l’égard de la violence au sein de la communauté arabe, et ce depuis de nombreuses années.

Elle précise que l’implication de tueurs à gages complique la protection des femmes, car dans de tels cas, l’arrestation du partenaire menaçant ne suffit pas à protéger les femmes en danger.
« Le phénomène auquel nous assistons est la ramification extrême d’un problème qui a des causes sous-jacentes profondes, et notamment le défaut d’application de la loi et la moindre présence des autorités et forces de l’ordre au sein des communautés arabes », explique Halperin-Kaddari, qui a été vice-présidente du Comité des Nations Unies pour l’élimination des discriminations envers les femmes.
Elle ajoute que la décision initiale de placement de la femme menacée en refuge, attentatoire à sa liberté, « témoigne de l’échec de l’État à protéger les femmes » et atteste que les autorités choisissent souvent « le moyen le plus facile » pour prendre en charge ces questions.
Halperin-Kaddari a ajouté que le « patriarcat » au sein de la société arabe ainsi que les attitudes conservatrices et traditionnelles envers les femmes contribuaient également à l’augmentation des violences envers les femmes dans ce pays.
Ceci, combiné à l’impuissance des forces de l’ordre au sein de la communauté arabe, dessinait les contours d’une situation potentiellement mortelle pour les femmes à risque, explique-t-elle.