Aide humanitaire à Gaza : Retour sur l’audience à la Haute cour de Justice
Le COGAT indique à la Cour que 35 % des camions entrés à Gaza en juin n'ont pas été distribués par les ONG et réfute l'existence d'une crise humanitaire dans le nord de l'enclave
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires palestiniens (COGAT), a déclaré dimanche à la Haute Cour de justice que les organisations humanitaires et de l’ONU ne profitaient pas des efforts qu’elle et l’armée israélienne avaient déployés pour faciliter l’acheminement de l’aide, affirmant qu’elles n’avaient pas réussi à collecter et à distribuer quelque 35 % de l’aide apportée à la bande de Gaza par Israël le mois dernier.
Le chef du COGAT, le général de division Ghassan Alian, a rejeté les allégations de l’ONU et d’autres groupes d’aide selon lesquelles le couloir de livraison de l’aide humanitaire ouvert par l’armée entre le point de passage de Kerem Shalom, dans le sud-est de Gaza, et le centre de Gaza était dangereux pour le personnel de ces organisations, affirmant que quelque 150 camions du secteur privé l’empruntaient chaque jour.
Alian a également déclaré à la Cour qu’il n’y avait pas de crise humanitaire dans le nord de la bande de Gaza en raison de l’accès pratiquement illimité de l’aide humanitaire à cette zone au cours des derniers mois.
Au début de l’année, les organisations internationales avaient prévenu qu’une « famine totale » s’était développée dans le nord de la bande de Gaza – conclusions désormais reconnues comme erronées -, le Programme alimentaire mondial (PAM) ayant même déclaré qu’une « famine totale » y avait éclaté, mais le COGAT a affirmé qu’il n’y avait aucune limite à la quantité d’aide acheminée dans la région et que l’assistance arrivant par la Jordanie et le port d’Ashdod circulait librement.
Alian a également insisté, lors de l’audience, sur le fait qu’il n’y avait pas de limite à la quantité de médicaments et d’équipements médicaux pouvant être introduits dans la bande de Gaza, ni à la quantité de carburant « à des fins humanitaires » pouvant être introduite.
Le chef du COGAT a fait ces déclarations lors de la quatrième audience de la Haute Cour concernant un recours déposé par l’organisation de défense des droits de l’Homme Gisha et d’autres groupes demandant à la Cour d’ordonner au gouvernement d’autoriser l’accès sans entrave de l’aide humanitaire à l’échelle de la bande de Gaza dans le cadre de la guerre en cours contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.

L’avocat de Gisha a cependant insisté sur le fait que les organisations humanitaires opérant à Gaza affirment que la situation humanitaire est toujours « catastrophique » et que le COGAT et Tsahal n’apportent toujours pas de réponse adéquate aux problèmes qui se posent dans l’enclave.
Toutefois, le juge Noam Sohlberg a exprimé une grande impatience à l’égard des requérants, déclarant qu’en dehors des affirmations générales des organisations d’aide, il y avait un manque notable de données concrètes de la part de Gisha concernant une pénurie de fournitures et de produits de première nécessité.
Sohlberg a également laissé entendre au cours de l’audience que les informations et les déclarations faites à la Cour à huis clos indiquaient que les organisations d’aide étaient plus satisfaites de la situation humanitaire qu’elles ne l’avaient déclaré en public.
À l’issue de l’audience, la Cour a donné à l’État jusqu’au 31 juillet pour déposer un mémoire complémentaire contenant les informations supplémentaires demandées par la Cour.
Abordant la situation dans le nord de Gaza, Alian a déclaré à la Haute Cour qu’en moyenne trente camions d’aide entrent chaque jour par deux des trois points de passage entre Israël et le nord de Gaza, et qu’en conséquence la zone « ne fait plus partie de la discussion » concernant les préoccupations humanitaires dans la bande.
Il a déclaré que la situation humanitaire dans le reste de la bande de Gaza était « raisonnable » et que l’opération de Tsahal à Rafah, la ville la plus méridionale de la bande de Gaza, avait créé de nombreuses difficultés.
« Nous ne disons pas que la situation à Gaza est bonne, la situation est complexe comme dans toute autre zone de guerre », a reconnu Alian, tout en insistant à maintes reprises sur le fait que l’armée et le COGAT avaient mis en place de nombreuses mesures pour atténuer les problèmes, et en affirmant que les organisations d’aide humanitaire et de l’ONU n’utilisaient pas pleinement les points de passage et les efforts déployés par les autorités israéliennes pour distribuer l’aide.
Il a noté que 5 283 camions sont entrés dans la bande de Gaza en juin, mais que seuls 3 414 ont été récupérés du côté gazaoui des postes-frontières par les organisations humanitaires et distribués.

Alian a également évoqué un arriéré de 1 200 camions bloqués au point de passage crucial de Kerem Shalom et dont le contenu n’avait pas été récupéré par les organisations humanitaires, ce qui, selon lui, a entraîné des retards supplémentaires dans la distribution de l’aide, mais ce chiffre a été réduit à 500 camions au cours des dernières semaines.
Un problème qui continue d’entraver la fourniture de l’aide humanitaire à la population locale est la poursuite des efforts du Hamas pour s’emparer de l’aide humanitaire et la distribuer lui-même, à la fois pour gagner de l’argent et pour préserver le rôle du groupe terroriste palestinien en tant que maître de la bande de Gaza, a noté Alian.
En ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux soins médicaux, Alian a indiqué qu’il y avait actuellement onze hôpitaux de campagne fonctionnant dans la zone humanitaire désignée par Tsahal dans le sud-ouest de la bande de Gaza, ainsi que dix hôpitaux ordinaires fonctionnant toujours dans le reste de l’enclave.
Il a précisé que 30 000 vaccins avaient été livrés à Gaza la semaine dernière et que deux millions de vaccins avaient été transférés au cours des derniers mois, ainsi que 1 000 unités de sang et des stocks d’analgésiques et d’anesthésiques.
Il a insisté sur le fait que toutes les demandes de médicaments et d’équipements médicaux sont approuvées et que leur livraison est prioritaire.
Le COGAT a également permis à l’Autorité palestinienne (AP) chargée de l’eau et aux organisations d’aide de réparer et d’exploiter les installations d’assainissement, les puits et les stations de pompage, ainsi que l’entrée à Gaza d’équipements destinés à l’entretien des systèmes d’assainissement.
Il a ajouté que des travaux étaient en cours pour raccorder une ligne électrique en provenance d’Israël à une usine de dessalement à Khan Younès, qui fournira 20 000 mètres cubes d’eau par jour à la zone humanitaire.
Des efforts sont également déployés pour éliminer les déchets qui se sont accumulés dans de nombreuses zones de Gaza et qui présentent des risques pour la santé de la population locale, a déclaré Alian.

Représentant Gisha, Me Osnat Cohen-Lifshitz a mis en doute les déclarations du COGAT à la Cour, affirmant que l’ONU et les organisations d’aide humanitaire continuent de définir la situation à Gaza comme
« catastrophique ».
Le juge Sohlberg s’est interrogé sur ce que Gisha cherchait réellement à obtenir par le biais de son recours, compte tenu des informations détaillées fournies par le COGAT sur ses efforts pour accroître l’aide et améliorer la situation sur le terrain. Il s’est également interrogé sur la véracité des déclarations publiques des organisations d’aide.
« Nous voyons et entendons des choses [dans les procédures judiciaires] à huis clos concernant une relation quotidienne et continue avec les organisations d’aide humanitaire, des choses spécifiques, nous entrons dans les moindres détails », a-t-il fait observer.
« Les organisations d’aide humanitaire savent qu’elles doivent en être reconnaissantes. Ce qui se passe en public n’est pas nécessairement ce qu’ils disent à Tsahal en privé. »
Sohlberg a mis Gisha au défi de fournir à la Cour des problèmes spécifiques étayés par des données afin qu’elle puisse comprendre quels sont les problèmes exacts.
« Il s’agit d’une déclaration sans aucune base de faits vérifiables », a déclaré Sohlberg.
Me Cohen-Lifshitz a mentionné des rapports faisant état d’enfants faisant la queue pendant des heures pour recevoir de l’eau, mais sans fournir d’autres détails. Elle a également déclaré à Sohlberg que la Cour était libre de rejeter le recours si elle estimait que la situation humanitaire était adéquate.
« Les défendeurs ne font pas grand-chose », a concédé Me Cohen-Lifshitz.

« Mais ils n’en font pas assez et ils ne disent pas à la Cour les dommages considérables qu’ils causent et la manière dont ils entravent le projet humanitaire », a-t-elle insisté.
L’un des principaux problèmes liés à l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza a été la difficulté de faire parvenir l’aide à l’intérieur de la bande de Gaza, en raison des combats intenses, des dommages causés aux routes, des efforts du groupe terroriste palestinien du Hamas pour s’emparer de l’aide et d’autres problèmes.
À la mi-juin, l’armée a déclaré qu’un « couloir humanitaire » le long d’une route allant du point de passage des marchandises de Kerem Shalom à la zone humanitaire dans le sud-ouest de Gaza serait ouvert entre 8 heures et 19 heures pour la collecte, le transport et la distribution de l’aide.
Gisha a déclaré que les organisations humanitaires avaient affirmé que le corridor traversait des zones de combat et n’était donc pas sûr, mais Alian a fermement rejeté cette affirmation.
Il a déclaré que quelque 150 camions exploités par le secteur privé empruntent cet itinéraire tous les jours et que, le week-end dernier, 50 camions exploités par des organisations d’aide humanitaire ont également acheminé de l’aide par cet itinéraire.
« Pas une seule personne n’a été tuée », a insisté Alian.
Dans une démarche rare et inhabituelle, le tribunal a autorisé une résidente de Kfar Maimon et une mère endeuillée, Iris Berenstein, dont le fils a été tué lors de la guerre actuelle, à s’exprimer pour protester contre la fourniture d’aide humanitaire à Gaza et contre l’audience en cours.
« Le peuple est gêné, le peuple n’est pas avec vous dans cette lutte », a-t-elle déclaré aux requérants, les accusant de mettre en danger les soldats de Tsahal et les otages, et les qualifiant de « traîtres ».
Le président par intérim de la Cour suprême, Uzi Vogelman, a présenté ses condoléances à Berenstein, mais a insisté sur le fait que « l’État d’Israël n’est pas comparable à ses ennemis, c’est un État de droit qui respecte ses obligations internationales », ajoutant que la Haute Cour examinait les préoccupations relatives à ces questions « même en temps de guerre ».
Gisha a fortement critiqué la Cour pour avoir permis à Berenstein de s’exprimer et « d’inciter [à la haine] » contre les avocats de l’organisation, en disant que la Cour « a le devoir de protéger les avocats qui comparaissent devant elle et de s’assurer qu’ils peuvent faire leur travail sans crainte ».