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Algérie : Boualem Sansal, critique acharné de l’islamisme et du pouvoir

Ce franco-algérien est dans le collimateur du gouvernement algérien depuis, entre autres, la parution de "2084" et sa visite en Israël en 2014

Boualem Sansal à la foire du livre de Francfort, en 2011 (Crédit : Domaine public)
Boualem Sansal à la foire du livre de Francfort, en 2011 (Crédit : Domaine public)

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, interpellé samedi à Alger, selon des médias français, dans des conditions troubles, est un critique acharné de l’islamisme et du pouvoir algérien, une posture dont il ne s’est jusqu’ici jamais départi.

Son éditeur, Gallimard, a exprimé vendredi, dans un communiqué, sa « vive inquiétude » et appelé à sa « libération immédiate » après son « arrestation par les services de sécurité algériens ».

Cet auteur de 75 ans, aux longs cheveux gris rassemblés dans un catogan, a rencontré le succès dès ses débuts en 1999 avec Le serment des barbares, un roman qui relate la montée en puissance des intégristes ayant contribué à faire plonger l’Algérie dans une guerre civile avec un bilan officiel de 200 000 morts.

Ce roman, publié en pleine « décennie noire » (1992-2002), avait reçu le prix du Premier roman français et le prix Tropiques.

Son œuvre comprend aussi Le village de l’Allemand, censuré en Algérie car il dresse un parallèle entre islamisme et nazisme, pour lequel il a reçu en 2008, en France, Le Grand Prix RTL, ou Rue Darwin, qui lui a valu en 2012 le Prix du roman arabe, malgré l’opposition des ambassadeurs arabes en France, qui financent ce prix en partenariat avec l’Institut du monde arabe.

En 2013, l’Académie française lui a décerné le Grand prix de la francophonie.

L’écrivain, qui a toujours affiché sa liberté de pensée, que ce soit contre le pouvoir ou l’intégrisme religieux, depuis qu’il s’est lancé en littérature, prédit une arrivée de l’islamisme au pouvoir dans 2084, paru en 2015.

Ce roman terrifiant inspiré du chef d’œuvre de George Orwell 1984 est une œuvre de pure invention dans lequel l’auteur imagine un pays, l’Abistan, soumis à la cruelle loi d’un dieu qu’on prie neuf fois par jour et où les principales activités sont d’interminables pèlerinages et le spectacle de châtiments publics.

« La peur de Dieu sera plus forte que celle des armes » et « les gens pourront vivre de peu. Ils auront juste besoin de mosquées pour prier, par conviction ou par peur », avait alors expliqué l’écrivain, rappelant les projets du groupe terroriste sunnite État islamique (EI) pour l’Irak et la Syrie.

Pour cette œuvre de fiction, il a aussi remporté en 2015 le Grand prix du roman de l’Académie française.

« Ligne rouge » ?

Ses livres, édités en France, sont vendus librement en Algérie, mais l’auteur y reste controversé, notamment depuis une visite en Israël en 2014.

Bien que honni tant par le régime que par les islamistes, Sansal continuait d’habiter ces dernières années en Algérie, où cet économiste de formation a mené une longue carrière de haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie d’où il avait été limogé en 2003 pour ses positions critiques contre le pouvoir.

En 2019, il se rendait régulièrement de Boumerdès, à 50 kilomètres à l’est d’Alger, où il réside habituellement, à Alger pour participer aux manifestations pro-démocratiques du « Hirak » contre le pouvoir qui ont conduit à la démission du président Abdelaziz Bouteflika.

Naturalisé français depuis 2024, Sansal est né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had, dans les monts de l’Ouarsenis (nord-ouest), d’un père d’origine marocaine et d’une mère qui a reçu une éducation à la française.

L’auteur, qui a obtenu cette année la nationalité française, aurait été arrêté samedi à l’aéroport d’Alger, en provenance de France, selon plusieurs médias français.

Aucune information officielle, ni même sous couvert d’anonymat, n’a filtré sur son sort des deux côtés de la Méditerranée, dans un contexte de relations tendues entre Paris et Alger.

Jeudi, le président français Emmanuel Macron s’est déclaré, selon son entourage, « très préoccupé par la disparition » de Sansal. Macron a exprimé « son attachement indéfectible à la liberté d’un grand écrivain et intellectuel », a-t-on ajouté de même source.

Selon le journal Le Monde, les autorités algériennes pourraient avoir très mal pris des déclarations de Sansal au média controversé « Frontières », réputé d’extrême-droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle son territoire aurait été tronqué sous la colonisation française aux profits de l’Algérie.

Selon le quotidien, il s’agirait d’une « ligne rouge » pour Alger qui pourrait valoir à l’écrivain des accusations « d’atteinte à l’intégrité nationale ».

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