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Analyse

Alors que Lapid devient le challenger, le Likud change le ton de sa campagne

Yesh Atid devance les rivaux de droite de Netanyahu dans les sondages, signifiant que le Likud pourrait passer du discours sur "l'unité" à une stratégie plus floue et moins amicale

Haviv Rettig Gur

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (à gauche) étreint le leader de Yesh Atid Yair Lapid après s'être adressé à la Knesset avant la prestation de serment du nouveau gouvernement, le 18 mars 2013. (Crédit : Miriam Alster/FLASH90/Fichier)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (à gauche) étreint le leader de Yesh Atid Yair Lapid après s'être adressé à la Knesset avant la prestation de serment du nouveau gouvernement, le 18 mars 2013. (Crédit : Miriam Alster/FLASH90/Fichier)

Il reste cinquante jours avant les élections. Samedi marquera la moitié de la campagne, démarrée après que la 23e Knesset se soit dissoute en décembre.

Les experts et les politiciens ont déjà remarqué que la nouvelle élection, la quatrième en deux ans, était catégoriquement différente des trois premières. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’est plus menacé par l’alliance cohésive et unifiée de centre-gauche incarnée autrefois par Kakhol lavan.

Sa plus grande menace, selon les pronostics des petits comptables politiques, vient désormais de la droite, de ses adversaires Gideon Saar et Naftali Bennett, dont les états de service impeccables à droite en font des alternatives viables pour les électeurs traditionnellement de droite désenchantés par la gestion de la pandémie par Netanyahu ces derniers mois.

Cette sagesse a façonné les campagnes.

Gideon Saar donne une conférence de presse alors qu’il rencontre plusieurs directeurs d’hôpitaux israéliens sous leur tente de protestation devant le ministère des Finances à Jérusalem pour exiger une répartition égale du budget, le 19 janvier 2021. (Olivier Fitoussi/Flash90)

La campagne de M. Bennett s’est concentrée sur la politique du gouvernement dans le cadre de la pandémie, souvent confuse et bégayante, et a dénoncé l’incapacité à imposer et à appliquer des politiques de « transmission zéro » du type de celles en vigueur en Nouvelle-Zélande.

La campagne de Saar a mis en lumière la rhétorique populiste et rude fréquemment entendue de la part des parlementaires du Likud. Une vidéo de campagne a montré quelques moments, lors de séances plénières de la Knesset et de réunions de commissions, où divers ministres et députés du Likud ont crié « idiot », « vous n’êtes rien ». Elle montrait également une phrase du discours d’un ministre à la tribune, critiquant les « manyak » qu’il pouvait observer dans le système politique – un juron en hébreu pouvant se traduire par « crétin » ou « taré ».

Le gouvernement Netanyahu est un « gâchis » grotesque, explique la vidéo. Pour s’en débarrasser, « nous avons besoin d’un ‘nouvel espoir' » – nom du parti de Saar, ‘Tikva Hadasha’, en hébreu.

Une vidéo de la campagne du parti Tikva Hadasha de janvier 2021, avec des citations intempestives de députés du Likud. Les mots qui flottent au-dessus de l’écran sont : « Tu es un idiot » et « Moins que rien ». (Réseaux sociaux)

La paix, l’amour et les vaccins

Le Likud, craignant une rébellion de la droite contre son style politique de plus en plus grossier, a d’abord répondu par une étonnante volte-face dans son style de campagne.

Ses députés les plus indélicats se sont vu interdire de donner des interviews aux médias, évitant ainsi que leurs piques salées ne soient diffusées sur les ondes.

Pour la première fois depuis très longtemps, les annonces du parti ont fait l’éloge de l’unité nationale, de la diversité et de la solidarité. Les mises en garde alarmantes concernant les électeurs arabes poussant au pouvoir une coalition antisioniste de « gauche » ont disparu. La nouvelle campagne a pour thème « tous ensemble ».

Une vidéo de la campagne du Likud de janvier 2021 montrant des agents de santé israéliens avec un vaccin contre le coronavirus, avec les mots « Nous sommes tous des Israéliens ». (Réseaux sociaux)

Une vidéo de la campagne du Likud mise en ligne la semaine dernière rappelait les premiers jours du peuplement juif sioniste en Galilée, lorsque « nous avons drainé les marécages ensemble, comme une seule nation », chantait la voix de Netanyahu. Les Israéliens ont ensuite fondé leur État « comme une seule nation », a-t-il poursuivi, et construit le secteur de la haute technologie d’Israël « comme une seule nation ».

Cette « nation unique » s’étendait même aux Arabes. Les Israéliens, à l’unisson harmonieux, ont intégré « tous les secteurs » de la société, s’est enthousiasmé Netanyahu, y compris « les Juifs et les Arabes » – les mots apparaissant dans la vidéo au dessus d’une image de fond d’une femme juive et d’une femme musulmane s’embrassant.

Ce n’était pas une vidéo unique. Une autre vidéo de campagne montre de jeunes danseurs laïques en sueur sur la piste de danse d’une boîte de nuit de Tel Aviv et des fidèles dansant dans une synagogue. « Peu importe » quelle danse vous préférez, affirme le narrateur, ou si vous écoutez le rappeur américain Kendrick Lamar ou les pop stars israéliennes Static et Ben-El.

Ce qui compte, c’est que « nous sommes tous des Israéliens ». « Nous allons tous nous faire vacciner. Nous gagnerons tous ensemble et nous reprendrons notre vie. »

Une vidéo de campagne du Likud de janvier 2021 montrant une femme juive et une femme musulmane s’embrassant. (Réseaux sociaux)

La campagne portait sur un sujet simple : le Likud ne se définit pas par ses populistes qui divisent. C’est le parti de l’unité, d’un Netanyahu qui fournit des vaccins contre le coronavirus à une nation éprouvée.

Cette campagne pour le « bien-être » a atteint une sorte d’apothéose jeudi lorsque Netanyahu a posté sur Twitter une photo d’un lever de soleil. Ce n’était même pas le lever du soleil de ce matin-là. La photo avait été prise plusieurs jours auparavant. Un membre du personnel du Likud a plaisanté en disant que la prochaine étape de la campagne serait l’ouverture d’un atelier de yoga.

Un ennemi se lève

La semaine dernière, le parti Tikva Hadasha de Saar était encore le deuxième plus grand parti dans les sondages après le Likud, en tête du peloton des formations de taille moyenne qui se battent pour diriger la coalition anti-Netanyahu.

Mais l’étoile de Saar s’est lentement éteinte, et un léger revirement à gauche – l’affaiblissement du parti HaIsraelim de Ron Huldai et de divers autres partis de centre-gauche – a contribué à pousser le centriste Yesh Atid à la deuxième place.

Aujourd’hui, à mi-chemin de la saison électorale, Netanyahu a enfin la campagne qu’il souhaite.

Des partisans du parti du Likud lors d’un évènement de campagne électorale à Jérusalem, le 13 septembre 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le parti de Yair Lapid semblant désormais en tête du camp adverse, un sondage effectué vendredi par Maariv a donné 18 sièges à Yesh Atid contre 14 à Tikva Hadasha, et un sondage de la Douzième chaîne de dimanche prévoyait de même 17 sièges pour Yesh Atid et 14 pour Tikva Hadasha – et comme les fruits politiques de la campagne de vaccination seront peut-être retardés par l’arrivée sur les côtes israéliennes des variantes les plus contagieuses et virulentes du coronavirus en provenance de Grande-Bretagne, d’Afrique du Sud et d’ailleurs, la logique qui sous-tend la campagne « unité et vaccins » s’estompe rapidement.

Elle n’aurait de toute façon peut-être pas duré. La nature humaine étant ce qu’elle est, les appels à l’unité sont rarement mobilisateurs. Il y a aussi trop d’exemples de la rhétorique caustique des députés du Likud ces dernières années pour réussir à faire taire les critiques du parti sur ce point.

Une campagne du Likud centrée sur l’idée que « notre force réside dans notre unité » serait mieux comprise comme une ligne de défense temporaire, une tentative pour arrêter l’hémorragie vers Saar et Bennett pendant que Netanyahu attend de voir quel parti de taille moyenne émerge comme son principal ennemi électoral.

Yair Lapid s’exprime lors d’une manifestation contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu sur la place Rabin de Tel Aviv, le 19 avril 2020. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Les premières lueurs de la nouvelle campagne sont apparues samedi soir, en réponse à la dernière promesse de Saar de ne pas siéger dans un gouvernement dirigé par Netanyahu.

« Même Gideon Saar le sait », a déclaré le Likud, « que la seule question dans ces élections est de savoir qui va diriger Israël face au coronavirus, va renforcer son économie et sa sécurité, et va combattre l’Iran – le Premier ministre Netanyahu ou Lapid ».

La course est lancée

Le point de bascule est encore frais. Tout le monde n’a pas encore compris.

Lorsque l’ancien ministre de la Justice Avi Nissenkorn, qui était jusqu’à dimanche candidat dans le parti de gauche HaIsraelim, a annoncé dimanche qu’il se retirait au moins temporairement de la politique, deux députés du Likud ont eu des réactions opposées.

La députée Likud Osnat Mark lors d’une réunion de commission de la Knesset, le 21 mai 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

La députée de l’arrière-banc Osnat Mark, présenté au premier plan dans les vidéos de Tikva Hadasha contre la politique corrosive du Likud, s’est réjouie de la nouvelle. « Une merveilleuse nouvelle pour commencer la semaine… J’espère que c’est le dernier clou dans le cercueil de notre règlement par la Cour suprême et les bureaucrates », a-t-elle écrit sur Twitter.

Le président de la coalition, le député Miki Zohar, est également un aficionados de la rhétorique excessive, mais est aussi un législateur plus avisé et plus expérimenté que Mark, quelqu’un qui joue un rôle significatif dans le programme politique du Likud.

« Ne vous méprenez pas », a-t-il tweeté. « La dissolution du parti de Huldai est une mauvaise nouvelle pour la droite. »

Pourquoi l’implosion du parti HaIsraelim est-elle une « mauvaise nouvelle » ? Parce qu’elle renforce Lapid, bien sûr.

Mais pourquoi un Lapid plus fort est-il une mauvaise nouvelle pour la droite ? La réponse est simple : elle ne l’est pas. Un Lapid plus fort est le coup de pouce que Netanyahu espérait pour sa campagne. Mais prétendre que c’est une mauvaise nouvelle est le cœur de cette campagne.

Le député Kakhol lavan, Yair Lapid, lors d’un événement post-électoral à Tel Aviv, le 3 mars 2020. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

C’est la stratégie adoptée depuis maintenant des semaines : rester positif face à la négativité de Saar et de Bennett, puis devenir négatif lorsque le combat passe d’une lutte intra-droite à une lutte entre deux camps politiques opposés.

Le sort politique de beaucoup d’entre eux sera décidé cette semaine. Les listes définitives des partis doivent être enregistrées d’ici jeudi. Les fusions ou scissions définitives entre partis en lice pour des sièges au prochain Parlement qui ne sont pas finalisées d’ici là ne figureront pas sur le bulletin de vote du 23 mars.

D’ici la fin de la semaine, beaucoup de choses seront claires. Le centre-gauche prendra sa forme définitive, les sondages offrant un premier aperçu de l’orientation des électeurs après la disparition de certaines options de centre-gauche, qui plus est après le retrait de la liste Telem.

Le Likud tient désormais son ennemi juré, et commencera à donner corps à cette campagne anti-Lapid dans les jours à venir. Pour rester en tête, Lapid doit maintenant tenter de diriger un troupeau divisé de factions anti-Netanyahu de tout l’éventail politique – et le maintenir suffisamment uni pour refuser à Netanyahu une victoire à la table des négociations de la coalition après les élections de mars.

La course, enfin, a vraiment et véritablement commencé.

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