Alors que les dirigeants européens et arabes paniquent, Trump donne à Netanyahu carte blanche
Au cours d'une semaine fatidique pour les guerres en Ukraine et à Gaza, avec des sommets à Londres et au Caire, le Premier ministre vise à accroître la pression sur le Hamas, encouragé par l'approche du président américain

Le dénouement des deux conflits qui ont dominé l’actualité mondiale ces dernières années pourrait se jouer cette semaine, alors que l’Europe tente de trouver une stratégie face à l’hostilité croissante de la Maison Blanche envers l’Ukraine et que le cessez-le-feu à Gaza dépasse sa première phase étonnamment résiliente.
Dans les deux guerres, les positions – et les déclarations souvent ahurissantes – du président américain Donald Trump pèsent lourd. Mais alors que l’Europe s’efforce de trouver une réponse à la nouvelle approche américaine agressive envers Kiev, Israël ne subit aucune critique ouverte de la part de l’administration Trump et jouit d’une grande liberté d’action dans la poursuite de ses principaux objectifs de guerre, à savoir détruire le Hamas et obtenir la libération de tous les otages restants.
Les dirigeants occidentaux et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se sont rencontrés à Londres dimanche après un passage désastreux du président ukrainien dans le bureau ovale. Trump et le vice-président J.D. Vance avaient réprimandé Zelensky en direct à la télévision, confirmant les pires craintes de Kiev et des capitales européennes quant à la vision de Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
En réponse, 18 dirigeants, pour la plupart européens, se sont précipités à Londres pour embrasser Zelensky, un contraste saisissant avec la réprimande qu’il a reçue à Washington.
« Nous sommes aujourd’hui à un carrefour de l’histoire », a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer.
C’est certain. On ne sait pas encore comment les dirigeants à Londres feront évoluer l’histoire.

La dissuasion sans les États-Unis
Les Européens tentent avant tout de trouver un moyen de faire renouer Trump et Zelensky, dans l’espoir que les deux hommes signent enfin un accord sur les minerais qui pourrait jeter les bases d’un accord économique et sécuritaire d’après-guerre avec une implication suffisante des États-Unis pour empêcher les Russes de violer tout armistice.
Trump ayant résolument choisi de mettre fin à la guerre plutôt que de vaincre la Russie, un défi plus important demeure. « Le monde libre a besoin d’un nouveau leader », a déclaré la semaine dernière Kaja Kallas, responsable de la politique étrangère de l’UE.
Rhétorique mise à part, l’Europe aura du mal à remplir ce rôle dans la pratique, et certainement en ce qui concerne l’Ukraine.

Zelensky estime que dissuader la Russie dans l’Ukraine d’après-guerre nécessiterait au minimum 200 000 soldats de maintien de la paix dans son pays. L’Europe est cependant incapable de fournir un nombre proche de ce chiffre, et les hauts responsables américains excluent d’envoyer des soldats américains en Ukraine.
La Grande-Bretagne et la France, deux des puissances militaires non américaines les plus importantes de l’OTAN, appellent à la mise en place d’une force européenne de « réassurance » de moins de 30 000 soldats, qui, selon les responsables, serait principalement axée sur la défense aérienne et maritime.
Mais même cela serait largement impuissant sans un soutien significatif des États-Unis.

Par exemple, lors de la lutte contre l’armée libyenne délabrée de Mouammar Kadhafi en 2011, les pays européens de l’OTAN ont commencé à manquer de munitions avant qu’un mois ne se soit écoulé.
La Libye « n’a pas été une très grande guerre. Si [les Européens] ont manqué de munitions aussi tôt dans une opération aussi modeste, on peut se demander quel genre de guerre ils prévoyaient de mener », a déclaré John Pike, directeur de GlobalSecurity.org, au Washington Post à l’époque. « Peut-être prévoyaient-ils simplement d’utiliser leur force aérienne pour des démonstrations aériennes. »
Même si les Européens prenaient ostensiblement la tête des opérations en Libye, les États-Unis effectuaient toujours 80 % des vols de renseignement et presque le même pourcentage de ravitaillement en vol. « En effet », a écrit Chris Brown de la London School of Economics, « l’Europe pilotait les avions et les hélicoptères d’attaque, mais la plupart du temps, ils tiraient des munitions américaines sur des cibles identifiées par les États-Unis dans le cadre d’opérations coordonnées par la technologie américaine ».

Les dépenses européennes en matière de défense ont augmenté au cours de la dernière décennie, mais celles de la Russie aussi. Les États membres de l’UE ont dépensé environ 326 milliards d’euros pour la défense en 2024, mais ils devraient augmenter ce chiffre de 250 milliards d’euros par an s’ils veulent créer un moyen de dissuasion efficace contre la Russie, selon le groupe de réflexion économique européen Bruegel.
« Si les dépenses de défense doivent être durablement augmentées, il faudra aussi relever les impôts, à moins que le gouvernement ne parvienne à réduire suffisamment d’autres postes de dépenses — ce qui est loin d’être acquis », a écrit Martin Wolf, éditorialiste économique en chef du Financial Times.

Il est peu probable que la Russie prenne réellement au sérieux cette nouvelle posture européenne.
Si les États européens refusent d’accepter l’Ukraine au sein de l’OTAN par crainte d’être entraînés dans une guerre conventionnelle avec une Russie dotée de l’arme nucléaire, pourquoi seraient-ils prêts à se battre si leurs forces de maintien de la paix étaient attaquées en Ukraine ? Et si leurs chars, pourtant en nombre limité, n’ont pas traversé le continent en trois ans de guerre, pourquoi ces mêmes pays prendraient-ils soudainement au sérieux l’idée de les engager dans des combats en cas de violation d’un cessez-le-feu par la Russie ?
Il n’y a pas de réponse simple pour l’Europe. Mais si les dirigeants européens sont surtout exaspérés par la posture de Trump et la façon dont il a traité Zelensky, ils restent extrêmement prudents dans leurs déclarations publiques. Une phrase mal interprétée par un président américain à la susceptibilité légendaire pourrait faire dérailler les efforts patients visant à instaurer un dialogue constructif entre les États-Unis et l’Europe sur la question ukrainienne.
Pas de deuxième phase
Pendant que les responsables européens naviguent dans ces eaux troubles, le gouvernement israélien — qui a subi de la part de ces mêmes dirigeants européens des mois de condamnations, d’embargos discrets sur les armes et de pressions pour mettre fin à la guerre de Gaza avec le Hamas toujours au pouvoir — agit désormais avec une confiance renouvelée, grâce au soutien du président américain.
Dès les premières semaines de son second mandat, Donald Trump s’est montré tout ce que le Premier ministre Benjamin Netanyahu pouvait espérer — et même plus. Le président a rétabli la politique de pression maximale contre l’Iran et son programme nucléaire. Lui et son administration ont réaffirmé à plusieurs reprises leur volonté de travailler avec Israël pour « s’assurer que le Hamas soit éliminé » — et pas simplement chassé de la bande de Gaza.
Trump souhaite aussi relancer les négociations pour un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite. Enfin, il s’en prend ouvertement à la Cour pénale internationale pour ses procédures visant les dirigeants israéliens, en ciblant particulièrement certains détracteurs d’Israël, comme l’Afrique du Sud et l’Irlande.

Bien que Netanyahu ne semble pas pressé de faire avancer la deuxième phase de l’accord sur les otages avec le Hamas, malgré l’engagement pris par Israël, Trump s’en est montré parfaitement indifférent.
« Absolument », a-t-il répondu lorsqu’on lui a demandé s’il acceptait que Netanyahu agisse à sa guise concernant cet accord. « Faites comme bon vous semble », aurait-il dit au Premier ministre israélien.
À court terme, les intentions de Netanyahu dans cet accord sont limpides : il cherche à contraindre le groupe terroriste à prolonger la première phase du cessez-le-feu et de l’accord sur les otages, qui a duré 42 jours et s’est achevée samedi. Une telle extension permettrait la libération de nouveaux otages vivants, en échange de prisonniers sécuritaires palestiniens, mais sans qu’Israël ait à s’engager à mettre un terme définitif à la guerre.

On ignore toujours si Netanyahu souhaite réellement reprendre la guerre ou s’il préfère donner la priorité à la reprise des combats plutôt qu’aux efforts visant à obtenir la libération des otages. Ce qui est certain, selon un responsable israélien cité par le Times of Israel, c’est que plusieurs de ses partenaires de coalition et même certains de ses conseillers les plus proches refusent catégoriquement toute fin de la campagne militaire tant que le Hamas restera au pouvoir.
Toujours selon ce responsable, une prolongation de 50 jours du cessez-le-feu — un plan élaboré par le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et l’homme d’affaires Steve Witkoff — offrirait à Netanyahu un moyen d’éviter d’avoir à trancher sur la reprise des hostilités.

Afin de pousser le Hamas à accepter une prolongation qui va à l’encontre de ses intérêts et des termes de l’accord que les États-Unis, l’Europe et les pays arabes ont soutenu avec tant d’enthousiasme – signé par Israël et le Hamas à Doha – Netanyahu a désormais choisi d’assumer ouvertement le blocage de l’aide humanitaire à Gaza, pendant le ramadan qui plus est.
Ce n’est pas la première fois qu’Israël utilise l’aide comme levier de pression sur le Hamas durant la guerre. Mais jusqu’ici, ces mesures restaient discrètes. Lorsqu’Israël a tenté d’isoler le nord de Gaza dans les dernières semaines de l’administration Biden, ce qui leur a valu une lettre d’avertissement du secrétaire d’État Antony Blinken et du secrétaire à la défense Lloyd Austin, Israël avait nié toute restriction de l’aide.
Avec un Donald Trump imprévisible et survolté à la Maison Blanche, la réaction européenne face aux politiques israéliennes en matière d’aide humanitaire s’est révélée très différente de celle observée sous Biden.
Dimanche, l’UE a choisi de condamner le Hamas pour son refus de prolonger la première phase du cessez-le-feu. Quant à l’annonce publique d’Israël concernant le blocage de l’aide à Gaza, l’UE s’est contentée d’un avertissement prudent, évoquant de « potentielles conséquences humanitaires », sans pour autant condamner directement Israël.
Avec un Trump imprévisible et survolté à la Maison Blanche, la réaction européenne face aux politiques israéliennes en matière d’aide humanitaire s’est révélée très différente de celle observée sous Biden
Conscients que leur propre sécurité est soudainement devenue plus précaire, les dirigeants européens s’efforcent désormais d’éviter toute confrontation inutile, et publique, avec Trump, y compris au sujet d’Israël.
Les malheurs du Caire
L’Europe n’est pas la seule région où les alliés des États-Unis peinent à s’adapter aux nouvelles réalités imposées par Trump.
L’Égypte et la Jordanie se sont retrouvées, contre toute attente, directement dans le viseur du président américain lorsque celui-ci a proposé de vider Gaza et de réinstaller ses habitants dans ces deux pays. Une idée inacceptable pour Le Caire et Amman, qui considèrent un tel scénario comme impensable, profondément déstabilisant et constituant le franchissement d’une ligne rouge.

Le roi Abdallah de Jordanie a choisi d’affronter directement Trump à Washington. Il a réussi, avec une certaine habileté diplomatique, à ne pas apparaître comme complice du plan tout en préservant sa relation avec le président américain.
Le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi, de son côté, a adopté une stratégie inverse, préférant esquiver toute rencontre avec Trump après la révélation de sa proposition pour Gaza.
Mais cela ne résout pas le dilemme pour Le Caire ou le monde arabe. S’ils veulent empêcher le plan de Trump de transformer Gaza en une « Riviera américaine », les dirigeants arabes doivent impérativement formuler une alternative crédible — acceptable à la fois pour Israël et pour les États-Unis.
L’Égypte a donc pris les devants en accueillant mardi un sommet arabe d’urgence au Caire, destiné à présenter son propre plan de reconstruction pour Gaza. Ce plan prévoit la mise en place d’un gouvernement composé de technocrates non affiliés au Hamas, ainsi qu’une opération de déblaiement suivie d’une reconstruction progressive de l’enclave.

Le plan égyptien garantit que les Palestiniens ne seront pas déplacés hors de Gaza et que les dirigeants du Hamas, bien qu’exclus de la gestion officielle de l’enclave, ne seront pas forcés à l’exil.
Ce projet a toutefois peu de chances d’être adopté par Trump, et donc d’être validé par Netanyahu, qui s’attache à rester parfaitement aligné sur le président américain.
Alors que les alliés des États-Unis, en Europe comme au Moyen-Orient, cherchent encore la bonne manière de gérer les caprices de la Maison Blanche, Netanyahu bénéficie, lui, d’une liberté d’action exceptionnelle, couverte par le soutien inconditionnel de Washington. Et, contrairement à Zelensky, Netanyahu, qui s’était brouillé avec Trump après avoir félicité Biden pour sa victoire à la présidentielle de 2020, a su depuis renouer les liens, au point de comprendre les codes du président américain et de retrouver grâce à ses yeux.
La diatribe du Premier ministre à la Knesset lundi soir, où il s’est présenté comme la victime d’une conspiration orchestrée par le « Deep State » (« l’État profond », terme cher à Trump pour désigner une élite conspiratrice au sein de l’appareil d’État), et les médias « corrompus », s’adressait autant aux membres de son gouvernement qu’aux oreilles attentives de Trump.
Reste que, à ce jour, aucun des objectifs de guerre fixés par Netanyahu n’a été atteint. Aucune de ses promesses-clés n’a été tenue. 59 otages sont toujours entre les mains du groupe terroriste palestinien. Le programme nucléaire iranien continue d’avancer. La normalisation avec l’Arabie saoudite est toujours hors de portée. Et le Hamas reste au pouvoir à Gaza.
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