Rejetant le plan arabe, Trump « maintient sa vision de reconstruire Gaza libérée du Hamas »
Pour contrecarrer sa vision, les dirigeants arabes ont approuvé un plan de reconstruction de 53 milliards de dollars pour Gaza - un plan qui ne mentionne jamais le Hamas

Les dirigeants arabes ont adopté mardi un plan pour la reconstruction de la bande de Gaza mettant à l’écart le Hamas, présenté comme une alternative au projet de Donald Trump de placer le territoire sous contrôle américain mais déjà rejeté par Israël et par la Maison Blanche.
Le plan présenté par l’Egypte représente un montant de 53 milliards de dollars sur cinq ans, une estimation équivalente à celle de l’ONU, pour reconstruire la bande de Gaza.
Le président Abdel Fattah al-Sissi a déclaré qu’il garantirait le maintien des 2,4 millions d’habitants de Gaza sur leur terre, une réponse au projet du président américain qui prévoit leur expulsion vers l’Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la « Côte d’Azur du Moyen-Orient ».
Sissi a déclaré que la proposition, qui a ensuite été saluée par le Hamas, avait été acceptée à la clôture d’un sommet qu’il a organisé au Caire.
Il n’a toutefois pas critiqué le plan de Donald Trump, qui avait soulevé un tollé international début février, et affirmé que le président américain était « capable de parvenir à la paix » dans la région.
« Toute tentative odieuse de déplacer le peuple palestinien ou (…) d’annexer une partie des territoires palestiniens occupés plongerait la région dans une nouvelle phase de conflits (…) ce qui constitue une menace claire pour (…) la paix » au Proche-Orient, avertit cependant le communiqué final du sommet.
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Mais la proposition n’a pas abordé les questions majeures concernant l’avenir de Gaza, notamment le rôle du Hamas et les pays qui débloqueront les milliards de dollars nécessaires à la reconstruction.
Sissi a souligné que le plan élaboré par son pays – obtenu par le Times of Israel – permettrait aux Palestiniens de rester dans le territoire ravagé par la guerre.
La bande de Gaza serait administrée durant une période transitoire par une commission de technocrates palestiniens, non affiliés au Hamas avant que l’Autorité palestinienne n’en reprenne le contrôle.

La commission serait chargée de superviser l’aide humanitaire et de gérer les affaires de la bande de Gaza pendant une période temporaire, en prévision du retour de l’Autorité palestinienne, a-t-il déclaré.
Dans un communiqué, le Hamas a déclaré qu’il se félicitait du plan ainsi que de la formation de la commission palestinienne.
L’avenir du Hamas
Des divergences ont toutefois émergé, entre les participants quant à l’avenir du Hamas, qui a déclenché la guerre en attaquant le sud d’Israël le 7 octobre 2023, provoquant la mort de plus de 1 200 personnes et la prise d’otages de 251 autres – dont 59 sont encore à Gaza.
Les Émirats arabes unis, qui considèrent le Hamas et d’autres islamistes comme une menace existentielle, veulent un désarmement immédiat et complet du groupe terroriste, tandis que d’autres pays arabes préconisent une approche progressive, a déclaré une source proche du dossier à Reuters.
Une source proche de la cour royale d’Arabie saoudite a déclaré que la présence armée continue du Hamas à Gaza constitue un obstacle en raison des fortes objections des États-Unis et d’Israël, dont l’accord préalable à tout plan est requis.

La Maison Blanche a donc rejeté mercredi le plan arabe et a confirmé le plan du président américain Donald Trump de reprendre l’enclave et de déplacer ses deux millions d’habitants.
Dans une déclaration au Times of Israel, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Brian Hughes, a déclaré que le plan arabe publié mardi « ne tient pas compte du fait que Gaza est actuellement inhabitable et que les habitants ne peuvent pas vivre dans des conditions humaines sur un territoire couvert de débris et d’engins non explosés ».
« Le président Trump maintient sa vision de la reconstruction de Gaza sans le Hamas », a ajouté Hughes.
« Nous attendons avec impatience la tenue de nouvelles discussions pour apporter la paix et la prospérité dans la région », a déclaré Hughes.
Le ministère des Affaires étrangères israélien a déclaré que le plan égyptien « ne tient pas compte des réalités de la situation ».
« Il est à noter que l’attaque terroriste vicieuse du Hamas n’est pas mentionnée, et qu’il n’y a même pas de condamnation de cette entité terroriste meurtrière, malgré les atrocités documentées », indique le communiqué.
La diplomatie israélienne a réitéré le soutien d’Israël au plan de Trump visant à transférer la population de Gaza dans d’autres pays. Elle estime que ce plan est « une opportunité pour les Gazaouis d’exercer leur libre arbitre », un jour après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a de nouveau apporté son soutien inconditionnel à la proposition, la qualifiant de « visionnaire et innovante ».
La déclaration du ministère des Affaires étrangères a également exhorté les États régionaux responsables à « se libérer des contraintes du passé et à collaborer pour créer un avenir de stabilité et de sécurité dans la région ».
Sur X, la diplomatie israélienne a accusé l’Autorité palestinienne d’avoir démontré « de manière répétée sa corruption, son soutien au terrorisme et son échec à régler la question ».
Elle a reproché aux pays arabes de « rejeter l’opportunité (que constitue le plan américain, ndlr) sans lui donner une chance équitable et de continuer de proférer des accusations sans fondement contre Israël ».
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a déclaré que le rejet d’Israël était « inacceptable » et accuse Jérusalem d’adopter une position « obstinée et extrémiste ».
« Il n’y aura pas de paix ni pour Israël ni pour la région » sans la création d’un État palestinien indépendant conformément aux résolutions des Nations unies, a-t-il déclaré. Il a déclaré qu’Israël « viole toutes les règles du droit international… le droit international doit être imposé ».
« Aucun État ne devrait être autorisé à imposer sa volonté à la communauté internationale », a déclaré Abdelatty.
Les Palestiniens, ainsi que le monde arabe et de nombreux alliés d’Israël et des États-Unis, ont condamné la proposition de Trump, et rejeté toute tentative d’expulser les Gazaouis de la bande de Gaza.
« Préserver la perspective d’une solution à deux États »
Lors de la réunion de mardi, Sissi a également réitéré son appel en faveur d’une solution à deux États.
« Il n’y aura pas de paix véritable sans la création de l’État palestinien », a déclaré Sissi lors de la réunion de mardi. « Il est temps d’emprunter une voie politique sérieuse et efficace qui mène à une solution permanente et durable à la cause palestinienne, conformément aux résolutions de la légitimité internationale. »
Le plan égyptien, intitulé « Réhabilitation initiale, reconstruction et développement de Gaza », est fondé sur « la préservation des droits, de la dignité et de l’humanité du peuple palestinien, et sur l’horizon d’une solution à deux États ».
La proposition égyptienne affirme qu’il est « illogique » d’ignorer le désir des Palestiniens de rester sur leur terre. Elle appelle également à la poursuite du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, ainsi qu’à la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens.
Le document égyptien envisage la création d’un conseil d’administration composé de technocrates indépendants, pour gérer une phase de transition initiale de six mois. Il préconise également l’organisation d’élections dans toutes les régions palestiniennes dans un délai d’un an, si les conditions le permettent.
À l’aide d’images colorées générées par intelligence artificielle, il envisage une série d’espaces de vie modernes, de zones agricoles, de centres commerciaux et de complexes gouvernementaux dans toute la bande de Gaza. Un aéroport et un port maritime seraient également construits, selon le plan de l’Égypte, qui se déploierait jusqu’en 2030.
Le document ne mentionne pas explicitement le Hamas, mais fait référence à « de multiples factions armées palestiniennes », un « problème […] qui reste difficile à résoudre ».
« Cependant, il peut être abordé, et même résolu de manière permanente, uniquement si ses causes profondes sont traitées en offrant une perspective politique claire et un processus crédible qui vise à établir l’État palestinien et à restaurer les droits légitimes du peuple palestinien à ses propriétaires légitimes », indique le document.

L’émir du Qatar, le roi de Bahreïn, le vice-président des Émirats arabes unis et le ministre des Affaires étrangères d’Arabie saoudite ont participé à la conférence du Caire, tout comme le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres.
Tout financement de la reconstruction nécessiterait une importante mobilisation des États arabes du Golfe riches en pétrole, tels que les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui disposent des milliards de dollars nécessaires. L’Égypte a ainsi estimé que le plan coûterait 53 milliards de dollars.
Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammed Mustafa, a déclaré que le fonds de reconstruction ferait l’objet d’un financement international et d’une surveillance, et qu’il serait probablement placé auprès de la Banque mondiale.
Dans un discours prononcé lors du sommet, le prince Faisal bin Farhan, ministre saoudien des Affaires étrangères, a déclaré que des garanties internationales étaient nécessaires pour que le cessez-le-feu temporaire actuel soit maintenu, et a soutenu le rôle de l’Autorité palestinienne dans la gestion de la bande de Gaza.
Les dirigeants des Émirats arabes unis et du Qatar ne se sont pas exprimés lors des sessions publiques du sommet.
Guterres a déclaré qu’il soutenait pleinement le plan égyptien.
« Je salue et j’approuve fermement l’initiative menée par les pays arabes pour mobiliser le soutien à la reconstruction de Gaza, clairement exprimée lors de ce sommet », a-t-il déclaré. « L’ONU est prête à coopérer pleinement dans cette entreprise. »

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, également présent, a déclaré qu’il se félicitait lui aussi de ce plan. L’homme de 89 ans, au pouvoir depuis sa victoire aux dernières élections nationales palestiniennes en 2005, s’est dit prêt à organiser des élections présidentielles et parlementaires si les circonstances le permettent, assurant que l’Autorité palestinienne est la seule force gouvernementale et militaire légitime en Cisjordanie et à Gaza.
Abbas a promis à plusieurs reprises d’organiser des élections, puis est revenu sur sa décision au fil des ans.
Trump a suscité la surprise et l’indignation lorsqu’il a lancé pour la première fois son idée le mois dernier de voir les États-Unis « prendre le contrôle » de la bande de Gaza et la transformer en « Côte d’Azur du Moyen-Orient » tout en forçant ses habitants palestiniens à se réinstaller en Égypte, en Jordanie ou ailleurs.

Trump semble depuis avoir assoupli sa position, déclarant qu’il « n’imposait » pas ce plan, lequel, selon les experts, contreviendrait au droit international.
Netanyahu a toutefois adhéré au plan Trump, affirmant qu’Israël s’y « engageait ». Des groupes de travail ont commencé à étoffer le plan, ont déclaré des responsables israéliens au Times of Israel.
Le Hamas ne laissera pas des « forces extérieures » déterminer l’avenir de Gaza
Le porte-parole du Hamas, Hazem Qassem, a déclaré mardi que le groupe terroriste n’accepterait qu’un plan de reconstruction de Gaza après la guerre qui soit piloté par les Arabes et qui obtienne le soutien des Palestiniens de l’enclave, et a ainsi rejeté l’idée que des « forces extérieures » déterminent l’avenir de la bande de Gaza.
« Notre position est claire, tout plan pour l’avenir de Gaza… doit être élaboré par consensus national, et nous faciliterons le processus », a déclaré Qassem au média turc Anadolu.
Plus tôt, Sami Abu Zuhri, figure de proue du Hamas, avait déclaré que le groupe terroriste ne déposerait pas les armes, pas plus que les autres organisations palestiniennes armées. « Toute discussion sur les armes de la résistance est absurde. Les armes de la résistance sont une ligne rouge pour le Hamas et toutes les factions de la résistance », a déclaré Abu Zuhri, s’exprimant dans le contexte de négociations potentielles pour mettre fin au cessez-le-feu actuel.
Un cadre ambitieux, des détails clés manquants
Le plan égyptien n’explique pas quel serait le sort du Hamas, ni comment empêcher le groupe terroriste d’intimider les responsables ou de tirer des roquettes sur Israël.
Il prévoit que l’Égypte et la Jordanie forment la police palestinienne, et une version préliminaire du projet encourageait la mise en place d’une force internationale en Cisjordanie et à Gaza.
À moyen terme, Israël et l’Autorité palestinienne négocieraient les questions relatives au statut final.
La phase de réhabilitation initiale durerait six mois et coûterait 3 milliards de dollars. Elle serait suivie d’une phase de reconstruction de cinq ans pour un coût de 53 milliards de dollars.
Le plan s’inspire de la reconstruction d’Hiroshima et de Berlin, villes dévastées par les attaques alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont aujourd’hui des villes modernes et prospères.
Bien qu’il ne propose pas de solutions aux défis fondamentaux tels que le rôle du Hamas, l’ambitieux plan aborde des questions telles que l’accessibilité des piétons, les bâtiments écologiques et les villes intelligentes.

Le programme égyptien reprend également l’idée des stations balnéaires méditerranéennes caractéristiques du programme de Trump et prévoit des villages touristiques sur la plage.
Il inclut la construction de 120 hôpitaux et cliniques à travers la bande de Gaza.
Le sommet du Caire a lieu alors qu’Israël et le Hamas se trouvent dans une impasse sur l’avenir d’un fragile accord de cessez-le-feu sur les otages qui a débuté le 19 janvier.
La première phase du cessez-le-feu a permis la libération de 33 otages israéliens, dont huit ont été assassinés en captivité ou lors du pogrom, en échange de près de 2 000 prisonniers palestiniens, dont de nombreux terroristes condamnés à de lourdes peines de prison. Cinq ressortissants thaïlandais retenus en otage dans la bande de Gaza ont été libérés séparément au cours de cette période.

Alors qu’Israël a déclaré qu’il soutenait une prolongation de la première phase jusqu’à la mi-avril – y compris la libération des 59 otages restants en deux étapes vers le début et la fin des fêtes du ramadan et de Pessah qui se déroulent de mars jusqu’au 19 avril – le Hamas a accusé Israël de violer l’accord initial et a insisté pour passer à la deuxième étape.
Lundi, Netanyahu a averti le Hamas que « des conséquences inimaginables » se produiraient si les otages toujours détenus par les terroristes n’étaient pas libérés.
Un haut responsable du Hamas, Osama Hamdan, a accusé Israël de saboter le cessez-le-feu, qualifiant sa demande de prolongation de « tentative flagrante d’éviter d’entamer des négociations pour la deuxième phase ».
L’AFP a contribué à cet article.