Des dizaines de milliers d’Israéliens à la marche des fiertés à Jérusalem
Si la "Beasts parade" d'extrémistes de droite a été annulée, quelques individus se sont néanmoins rendus sur les lieux afin de s'opposer à la marche
Plusieurs dizaines de milliers d’Israéliens ont participé jeudi à Jérusalem, sous haute surveillance policière, à la marche des fiertés, protestant notamment contre la présence au gouvernement depuis décembre de ministres hostiles aux LGBT+.
Dans une nuée de drapeaux arc-en-ciel et israéliens, quelque 30 000 personnes y ont participé, établissant un record depuis 2016, d’après les organisateurs.
« Face au gouvernement le plus homophobe de l’histoire, nous devons être un rempart pour empêcher la privation de nos droits et lutter pour l’égalité de chacun », a déclaré à l’AFP Yoray Lahav-Hertzano, un député centriste ouvertement homosexuel participant à la marche.
Yehonatan Elitzur, de Mevasseret Zion, a déclaré qu’il participait à l’évènement pour « lutter pour l’égalité et contre la haine », ajoutant que la communauté LGBT souffrait toujours de discrimination et d’intolérance.
« Je ressens cette haine. Je l’ai ressentie au travail, lors de mon service militaire. Et à Jérusalem en particulier, je ressens une intolérance latente », a déclaré Elitzur, qui a grandi dans la capitale.
Il s’est dit « heureux de voir autant de gens qui ne font pas nécessairement partie de la communauté LGBT » participer au défilé pour « lutter pour tout ce qui est décent ».
Elitzur a expliqué qu’il venait « d’un milieu totalement libéral » et qu’il lui était donc « difficile d’accepter des points de vue radicaux, remplis de haine ».
Il estime que la contre-manifestation n’aurait pas dû être autorisée, car « il y a une différence entre la liberté d’expression et le fait de jeter du poison ».
Des activistes d’extrême-droite ont finalement annulé la « Beasts parade » (« marche des bêtes ») qui était prévue pour contrer la Gay Pride de Jérusalem.
Un message a été envoyé aux militants par le leader extrémiste Michael Ben Ari, qui a déjà été empêché de se présenter à la Knesset en raison de ses opinions racistes.
Le message disait qu’ils restent « opposés de toute leur âme à la ‘Parade de l’abomination’ à Jérusalem et dans les autres villes d’Israël ».
Cependant, ils ont appelé les militants à s’opposer à la « normalisation » de la Gay Pride par des « protestations et une lutte intellectuelle ».
« Les humilier serait contre-productif, car il n’y aura pas de conversation sur l’essence du problème, mais des insultes », a précisé le texte.
Quelques individus d’extrême-droite se sont néanmoins rendus sur les lieux afin de s’opposer à la manifestation. Dans cette petite contre-manifestation organisée de l’autre côté d’un cordon policier, on pouvait lire « Non à la marche de l’abomination », ont constaté des journalistes de l’AFP.
Lors des précédentes « Beasts parades », les participants avaient défilé dans la ville avec des ânes.
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a quant à lui déclaré que sa priorité, alors que la Gay Pride de Jérusalem avait débuté, était de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’autre affaire « folle » comme le meurtre de Shira Banki en 2015.
« Il est clair que dans mon rôle de ministre de la Sécurité nationale, je fais et ferai tout pour qu’il n’y ait pas d’autre affaire folle, comme le meurtre de l’adolescente Shira Banki », a déclaré le ministre d’extrême-droite à son arrivée au centre de commandement de la police pour superviser la sécurité de la marche.
Ben Gvir avait réitéré son soutien à la contre-manifestation. « C’est leur droit tant qu’ils n’enfreignent pas la loi et j’ai dit à la police que je ne voulais pas voir de photos d’ultra-orthodoxes ou de religieux qui marchent dans les rues de Jérusalem et qui sont expulsés parce qu’ils sont religieux, parce qu’ils portent une kippa ou parce qu’ils portent des jupes », avait-il déclaré.
Ben Gvir a été raillé par les participants à la Gay Pride de Jérusalem jeudi alors qu’il passait devant la zone de rassemblement. Les participants ont scandé « Honte » et « Dehors les nazis » à l’encontre du ministre d’extrême-droite qui, en 2006, avait participé à la marche haineuse « Beasts parade » contre la communauté LGBT.
« C’est particulièrement important (de participer) cette année car le ministre chargé de notre sécurité, Ben Gvir, est celui qui a manifesté des années contre nous en nous qualifiant d’animaux », a témoigné auprès de l’AFP Oshrit Assaf, 28 ans, venue avec sa compagne.
À Jérusalem, ville sainte pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, les LGBT+ se plaignent d’être mal acceptés par la population.
D’après la police, quelque 2 000 policiers ont été mobilisés et trois personnes, suspectées « de s’être exprimées de façon menaçante vis-à-vis de la marche », ont été arrêtées avant la parade.
La Gay Pride de Jérusalem fait l’objet de mesures de sécurité et de restrictions importantes depuis qu’un extrémiste ultra-orthodoxe, Yishaï Schlissel, a poignardé Shira Banki à mort lors du défilé en 2015. Schlissel a perpétré l’attaque à l’arme blanche de 2015 quelques semaines seulement après avoir été libéré de la prison où il avait purgé une peine de dix ans pour avoir poignardé et blessé des marcheurs lors de la Gay Pride de 2005. Il purge actuellement une peine de prison à perpétuité.
Jeremy Sharon et l’AFP ont contribué à cet article.