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Après des mariages forcés, le suicide des jeunes mariées syriennes

Au Liban, les jeunes réfugiées sont mariées par des familles qui ont besoin d'argent et de sécurité à des hommes bien plus âgés qui les violent et les battent

  • Fadia Ammar Al Mohamad, qui n'avait pas rencontré son mari jusqu'au jour de leur mariage, à côté du matelas sur lequel ils dorment dans leur tente (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
    Fadia Ammar Al Mohamad, qui n'avait pas rencontré son mari jusqu'au jour de leur mariage, à côté du matelas sur lequel ils dorment dans leur tente (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
  • Suzanne Farrah fait la vaisselle dans la maison de sa famille. Comme Halima, elle est conspuée pour avoir quitté son époux et quitte peu la tente (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
    Suzanne Farrah fait la vaisselle dans la maison de sa famille. Comme Halima, elle est conspuée pour avoir quitté son époux et quitte peu la tente (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
  • Zeina  aux abords de l'implantation informelle dans laquelle elle vie avec sa fille de 7 mois. A l'âge de 14 ans, elle a été forcée à épouser un homme de 53 ans, qui l'a quittée depuis. Elle élève dorénavant l'enfant toute seule (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
    Zeina aux abords de l'implantation informelle dans laquelle elle vie avec sa fille de 7 mois. A l'âge de 14 ans, elle a été forcée à épouser un homme de 53 ans, qui l'a quittée depuis. Elle élève dorénavant l'enfant toute seule (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
  • Salwa montre la cicatrice qu'elle a sur le poignet, un souvenir de l'une des nombreuses fois où elle a tenté de se suicider après avoir été forcée d'épouser un homme violent à l'âge de 14 ans (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)
    Salwa montre la cicatrice qu'elle a sur le poignet, un souvenir de l'une des nombreuses fois où elle a tenté de se suicider après avoir été forcée d'épouser un homme violent à l'âge de 14 ans (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)

WEST BEKAA, Liban – Salwa, 14 ans, a bu de l’eau de Javel. Autant qu’elle a pu. Elle a ignoré la brûlure insoutenable qui lui déchirait la gorge, jusqu’à l’estomac. Elle a ignoré le bruit des tirs, de l’autre côté de la fenêtre de sa cuisine. Ce n’était pas la guerre syrienne à laquelle elle tentait d’échapper. C’était à son mariage.

Son époux de 27 ans était ivre, une fois encore, et il voulait avoir des relations sexuelles. Si elle disait non, il la frappait – il la tirait par les cheveux sur le sol, lui tapait la tête contre le mur ou la fouettait à l’aide de sa ceinture. Elle a alors dit qu’elle allait revenir, et elle s’est empoisonnée.

« Je suis retournée dans la chambre à coucher en me disant que ce serait la dernière fois », explique Salwa. Mais elle n’est pas morte.

« Quand je me suis réveillée le matin suivant, j’ai dit ‘Dieu, va te faire f…e’, » ajoute-t-elle.

Salwa, dont le nom a été changé pour sa protection, est maintenant âgée de 20 ans. C’est une réfugiée – et l’une des plus de 40 % de fillettes syriennes au Liban qui ont été mariées de force alors qu’elles étaient très jeunes à cause de la guerre civile, selon l’UNICEF. C’est presque le double du nombre de mariages précoces au Liban par rapport au début de la crise.

Le mariage est considéré comme un moyen de protéger les filles des agressions sexuelles – et de donner aux parents une bouche de moins à nourrir.

En fait, l’économie en difficulté au Liban combinée à la pénurie des aides des Nations unies rendent une dot désespérément nécessaire pour les réfugiés.

Salwa montre la cicatrice qu’elle a sur le poignet, un souvenir de l’une des nombreuses fois où elle a tenté de se suicider après avoir été forcée d’épouser un homme violent à l’âge de 14 ans (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)

« Sous de nombreux aspects, les filles sont considérées comme des biens marchands », dit Fiona Carr, porte-parole de l’organisation Girls Not Brides, une ONG qui se consacre à mettre un terme aux mariages précoces. « C’est, d’une certaine manière : ‘Où est-ce que je vais pouvoir la placer ?’ Pour certains parents, obtenir une dot est une transaction qui peut ramener beaucoup et on place donc la fille chez celui qui offre le plus ».

Ce que les parents ne réalisent cependant pas, c’est que ces très jeunes mariées risquent davantage que les autres d’être violées, d’attraper le VIH, d’abandonner l’école et de continuer une vie de misère, selon Girls Not Brides. Et qu’un grand nombre d’entre elles sombrent dans la dépression ou devient suicidaires, comme c’est le cas pour Salwa.

Le 3 juillet, le gouvernement syrien a appelé les réfugiés à revenir, disant qu’il est venu à bout avec succès de vastes zones occupées par des « terroristes ». Mais pour de nombreuses fillettes réfugiées, le mal est fait. La crise les a forcées au mariage – et il n’y a pas moyen de faire machine arrière.

L’économie du mariage précoce

Zeina, 14 ans, avait peur de ce Libanais de 53 ans, aux cheveux blancs et au gros ventre. Mais il devait devenir son époux.

Elle ne l’avait vu qu’une fois alors que tous les deux avaient rendu visite au voisin de la jeune fille, à West Bekaa — un secteur du Liban où 47 % des jeunes Syriennes sont mariées. Zeina avait servi du thé aux adultes, lui l’avait observé, et il était venu une semaine plus tard à l’appartement familial pour demander sa main. Zeina avait supplié ses parents de dire non. Mais il avait offert une vie meilleure ainsi qu’une dot de 5 000 dollars.

Neuf mois plus tard, un sheikh était entré alors qu’elle faisait la vaisselle. Il lui avait demandé si elle allait épouser l’étranger. Elle avait répondu oui, avec réticence. Son mari l’attendait dans la voiture. Ils étaient partis chez lui, silencieux. Il l’avait violée la nuit-même – et toutes les nuits qui devaient suivre.

« Je ne vivais pas un mariage », dit Zeina – dont ce n’est pas le véritable prénom – alors qu’elle allaite sa fillette de sept mois. « J’avais toujours peur de ce qui pourrait arriver lorsqu’il reviendrait le soir à la maison. J’étais en état de choc permanent, stressée, toujours dans l’attente de quelque chose de terrible ».

J’avais toujours peur de ce qui pourrait arriver lorsqu’il reviendrait le soir à la maison

Mais sa famille, comme de nombreux réfugiés en lutte, avait besoin de la dot.

Zeina est l’une des environ 1,5 millions Syriens, selon le gouvernement libanais, à avoir fui vers le Liban depuis le début de la guerre, en 2011. S’ils ont trouvé refuge dans ce pays du tiers-monde, ils se sont également trouvés aux prises avec une économie en berne.

Le chômage y est tellement répandu que le Liban a créé une règle : les Syriens ne peuvent travailler que dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et du nettoyage – des emplois mal payés, temporaires. En conséquence, 76 % des réfugiés enregistrés par les Nations unies vivent en-deçà du seuil de pauvreté – avec moins de 3,84 dollars par jour.

Zeina près de l’implantation informelle dans laquelle elle vit avec sa fille de 7 mois. A l’âge de 14 ans, elle a été forcée à épouser un homme de 53 ans, qui l’a quittée depuis. Elle élève dorénavant l’enfant toute seule (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)

Suzanne Farrah avait 14 ans quand sa famille a fui au Liban. Son père avait été tué par le groupe Etat islamique en Syrie – ce qui signifiait que la famille était dorénavant sans revenus. Elle a donc fait la seule chose qui, selon elle, permettrait à ses proches de survivre : elle s’est mariée.

« Ma maman n’avait pas assez d’argent pour s’occuper de la famille », explique Farrah, âgée maintenant de 17 ans. « Dans mon coeur, je ne voulais pas me marier. Mais quand je regardais ce qu’on vivait à ce moment-là, je me disais que c’était la meilleure chose à faire ».

Les réfugiés ont un seul secours : les aides apportées par le Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations unies (UNHCR). Mais l’organisation est dans l’impossibilité de prendre en charge la totalité du nombre accablant de réfugiés – et elle fait des coupes en conséquence.

Actuellement, elle apporte un soutien en liquidités à hauteur d’environ 175 dollars mensuels à 198 000 réfugiés. Ce qui ne représente que 13 % des Syriens au Liban. Cette année, les demandes au HCR pour le Liban sont de 462 millions de dollars — un montant qui n’est aujourd’hui financé qu’à
10 %.

Suzanne Farrah fait la vaisselle dans la maison de sa famille. Comme Halima, elle est conspuée pour avoir quitté son époux et quitte peu la tente (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)

« Si l’aide humanitaire se réduit alors les familles deviendront plus vulnérables », commente Jihane Latrous, de l’UNICEF. « Puis elles se retrouvent dans des situations où elles doivent envoyer leurs enfants travailler, ou marier leurs filles, ou pratiquer le sexe de survie ».

Le choix entre le viol et le viol

De manière ironique, c’est la peur des agressions sexuelles qui mène souvent les parents à marier leurs filles.

Lorsque des soldats syriens entrèrent dans Idleb en Syrie, au mois de décembre 2016, le père de Fadia Ammar Al Mohamad ne put plus attendre. Il avait signé les papiers nécessaires pour marier sa fille âgée de 14 ans à un cousin, au Liban, qu’elle n’avait jamais vu auparavant.

« Nous avions entendu dire que l’armée violait les filles devant leur père et qu’ensuite, ils tuaient toute la famille », dit Al Mohamad. « Mes parents avaient peur que je sois violée ».

Nous avions entendu dire que l’armée violait les filles devant leur père et qu’ensuite, ils tuaient toute la famille. Mes parents avaient peur que je sois violée

Maintenant et plus que jamais, les fillettes syriennes sont vulnérables face aux agressions sexuelles. Dans certaines cultures moyen-orientales, les filles qui ont des relations sexuelles avant le mariage sont déshonorées – même en cas de viol. Un mariage peut donc sauver la virginité d’une toute jeune fille et, par extension, la réputation de sa famille.

En Syrie, les groupes armés utilisent le viol comme une arme de guerre pour paniquer et intimider les populations. Et au Liban, les réfugiées sont plus vulnérables face au harcèlement sexuel.

« Un propriétaire, par exemple, voit des familles qui ne peuvent pas verser un loyer et il peut décider de dire : ‘OK, vous n’avez pas d’argent à me donner pour le loyer mais vous pouvez avoir des relations sexuelles avec moi’, » explique Latrous. « Pour protéger les filles, c’est un choix désespéré que font certaines familles pour justement les protéger ».

Mais une fois mariée, l’adolescente vit souvent des expériences sexuelles traumatisantes dans son propre foyer.

La vulnérabilité des jeunes mariées

Halima Ali Al Hussein, 17 ans, a évité d’avoir des relations sexuelles avec son époux de 42 ans pendant un mois et demi.

Pour lui, ça a été un mois et demi de trop.

Il avait une épouse et des enfants en Syrie mais il voulait une deuxième femme pour lui tenir compagnie à Dubaï, où il venait de commencer un nouveau travail. Il s’était donc rendu dans un camp de réfugiés au Liban, à Taanayel, où il avait remarqué Al Hussein. Il avait alors demandé sa main à son père.

A ce moment-là, c’était Al Hussein qui était chargé de répondre aux besoins de sa famille. Sa mère venait de mourir et son père, blessé, ne pouvait pas travailler. Elle allait ramasser des pommes de terre pendant 10 heures par jour, parfois sept jours sur sept, pour nourrir ses huit frères et soeurs.

Elle pensait qu’épouser cet étranger lui faciliterait l’existence. Mais elle est alors entrée dans une vie de violences psychologiques et sexuelles.

« La première fois, il m’a forcée », se souvient Al Hussein, âgée maintenant de 21 ans. « C’était comme un combat entre nous. Je criais : ‘Laisse-moi !’, et il répondait :’Tu es ma femme. Tu vas obéir parce que cela fait un mois et demi que j’attends’. »

Les jeunes filles âgées de moins de 18 ans sont plus souvent les victimes de violences conjugales que les femmes. Plus importante est la différence d’âge, plus grande est la possibilité qu’elles soient violentées, selon Human Rights Watch.

Les neuf jeunes filles interrogées pour cet article ont toutes indiqué avoir été forcées ou pressées d’avoir des relations sexuelles avec leurs époux respectifs.

Halima Ali Al Hussein aux abords de la hutte de sa famille, qu’elle est à peine autorisée à quitter. Après son divorce, elle est considérée comme une honte pour sa communauté (Crédit : Lisa Khoury/ Times of Israel)

« Pendant les relations sexuelles, il n’y avait aucun amour », note Al Hussein. « Je fermais les yeux. Aujourd’hui, j’ai peur du mariage ».

Puis, il y a eu les violences psychologiques.

Al Hussein raconte que son époux l’enfermait dans l’appartement toute la journée, alors qu’il était au travail. Ensuite, il revenait et il téléphonait.

« J’avais envie de parler et je demandais : ‘Alors, ta journée s’est bien passée ?’, » déclare-t-elle. « Et il me répondait de ne pas lui adresser la parole avant qu’il me dise de le faire ».

Al Hussein pensait qu’avoir un enfant pourrait aider à résoudre leurs problèmes. Quand elle a évoqué cette idée, il a répondu par la négative – il ne s’était marié que pour distraire son quotidien.

A ce moment-là, Al Hussein a décidé de le quitter. Elle s’est sentie forte, elle s’est sentie libre. Elle n’a pas toutefois réalisé que divorcer de son époux détruirait sa réputation.

Blâmer celle qui part

Alors qu’Al Hussein, qui a maintenant 21 ans, raconte son histoire, elle est assise dans la hutte de sa famille à Taanayel. Son père explique qu’elle ne peut quitter cette pièce étouffante, faite de murs en toile, que lorsqu’elle se rend au travail. Le cas échéant, comme elle n’est plus vierge, les gens pourraient penser qu’elle va discuter avec des hommes.

« Mes frères et soeurs ont demandé : ‘Pourquoi est-ce que tu reviens ? Parce que tu es une mauvaise épouse, c’est pour ça’, » dit-elle. « Mon père m’a fait des reproches en me disant que j’aurais dû résoudre le problème et rester avec lui ».

Zeina, la Syrienne qui a épousé un quinquagénaire, rencontre le même problème.

Deux ans après son mariage, elle est tombée enceinte. La famille de son époux s’est affolée parce qu’elle ne voulait pas qu’un enfant syrien hérite de ses terres, explique-t-elle. Son mari a donc dit à son père qu’elle l’avait trompé et que l’enfant qu’elle portait n’était pas le sien.

Ils m’ont frappée avec une ceinture quand j’étais enceinte

« Ils m’ont frappée avec une ceinture quand j’étais enceinte », dit-elle en montrant des cicatrices sur ses bras et dans son dos.

Zeina a donné naissance à une petite fille l’année dernière et son époux – qui refuse de divorcer légalement d’elle – ne l’a pas encore rencontrée. Avec l’aide d’une ONG locale, Zaina a procédé à un test ADN et établi que le bébé était bien celui de son mari.

Alors que personne ne vient en aide à cette jeune mère célibataire de 17 ans, elle se bat pour nourrir sa fille. Elle est récemment passée devant un tribunal, disant qu’elle avait besoin que son époux paie au moins les couches.

« Après être allée devant la justice, des amis de mon mari ont menacé ma mère », dit Zeina. « Ils ont dit que si j’y retournais encore une seule fois, c’est ma famille entière qui en pâtirait ».

Et puis il y a Salwa. Quand elle a dit à son mari qu’elle voulait divorcer, il a pris leurs quatre enfants, il a déménagé et permet à peine à la jeune femme de les voir.

Suicides et dissimulations

Le certificat de décès d’Halima précise qu’elle est tombée dans les escaliers. Mais selon une ONG qui travaille avec des réfugiés syriens dans tout le Liban, et notamment au camp d’Halima, l’adolescente de 13 ans s’est donnée la mort.

Tout a commencé une nuit du mois d’octobre, lorsqu’elle a fui son mari violent pour se rendre dans un camp de réfugiés situé près de Beyrouth. Elle est retournée dans sa famille et a demandé si elle pouvait l’aider à obtenir le divorce. Non, a été la réponse : sa place était aux côtés de son mari. Et cette nuit-là, Halima a fait une overdose médicamenteuse.

Le personnel de l’ONG, qui a demandé à ne pas être nommée en raison du caractère sensible de son travail, remarque combien le suicide est devenu banal chez ces trois jeunes mariées – et combien les familles mentent à ce sujet.

« Elles ne peuvent pas admettre que la décision qu’elles ont prise a mené à ce résultat », dit un ancien porte-parole de l’ONG. « Ce qui arrive souvent, c’est que les jeunes filles disparaissent complètement. Nous savons que c’est une conséquence du mariage mais nous n’avons aucune nouvelle, aucune information sur elles. Et la famille dit pour sa part ne rien savoir ».

Même si le mariage précoce existe depuis des siècles, peu d’études montrent son impact psychologique. Ce n’est pas parce que ces jeunes mariées ne seraient pas profondément déprimées et seules – c’est parce qu’on n’en parle pas.

« Si on vous force à accepter un mariage dont vous ne voulez pas, et qu’une fois que vous êtes dans ce mariage, vous êtes forcée d’avoir des relations sexuelles quand vous ne voulez pas en avoir, vous pouvez ne pas vouloir exprimer ce que vous ressentez », explique Carr. « Parce que, à votre connaissance, personne ne se préoccupe de ce que vous pensez ».

Hasan Arfeh, un journaliste syrien, note la même tendance en Syrie.

Lorsque l’information a filtré qu’une toute jeune mariée d’Idlib, dans une région rurale de Syrie, s’était pendue au mois de février 2017, Arefh a lancé une enquête. Il a découvert que quatre autres filles s’étaient suicidées dans ce secteur après avoir été mariées de force.

Il a également réalisé la raison pour laquelle le suicide est si peu rapporté chez les jeunes mariées syriennes : c’est l’ostracisme qui l’entoure.

« Les parents savent que leur fille s’est suicidée mais dans les petites communautés de Syrie, ils le cachent », explique Arfeh. « Ils se sentent déshonorés face à leur communauté. Ils ne confient pas la dépouille à un médecin-légiste, clamant que c’est un corps de fille et qu’ils ont le droit de ne pas le montrer ».

Les parents savent que leur fille s’est suicidée mais dans les petites communautés de Syrie, ils le cachent

Layal, dont le nom a également été changé, était mariée depuis six mois lorsqu’elle a tenté de mettre fin à ses jours. La jeune syrienne de 16 ans s’est jetée dans un fleuve de Baalbak, au Liban, sachant qu’elle ne savait pas nager. Mais sa soeur l’a sauvée.

« J’ai pensé : ‘Je veux mourir. C’est mieux que de vivre cette existence misérable' », dit-elle.

J’ai pensé : ‘Je veux mourir. C’est mieux que de vivre cette existence misérable’

Son père avait fui vers le Liban avec ses 17 enfants et il ne pouvait pas répondre à leurs besoins à tous. Elle a donc épousé un homme de 31 ans qui était stable financièrement – mais violent.

Layal raconte qu’un jour, il avait utilisé un balai pour la frapper à la tête. Il l’avait tapé si fort qu’il lui était arrivé de s’évanouir, se réveillant sur le sol plusieurs heures plus tard, saignant de la tête. C’est à ce moment-là qu’elle a choisi de tenter de mettre un terme à son existence.

Peu d’espoir

Layal, parfois, ne se souvenait plus de là où elle vivait ou de son âge. Son époux, dont elle a divorcé depuis, l’a frappée à la tête de si nombreuses fois qu’elle souffre dorénavant de pertes de la mémoire à court terme, dit sa mère.

En octobre, Layal a eu l’opportunité – rare – de rencontrer un psychologue.

Un matin, Amira Deeb, assistante sociale au sein du Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL) — une ONG fondée par l’UNICEF – s’est rendue dans le camp de Layal, à la recherche de réfugiés en quête de soutien émotionnel.

Layal a immédiatement demandé des conseils. Mais sa mère a dit non – elle craignait que sa fille quitte le camp sans un homme à ses côtés.

La majorité des organisations d’aide se focalisent sur la nourriture, le refuge et les vêtements – et non sur le soutien psychologique. Même celles qui tentent de s’y consacrer ont du mal à avoir accès à ces très jeunes mariées.

L’UNICEF a dix partenaires dans tout le Liban qui ciblent les femmes et les jeunes filles risquant des violences sexuelles. En 2017, ces partenaires ont aidé à trouver plus de 60 000 femmes et adolescentes, dit Latrous. Mais Deeb affirme que cela ne signifie pas que les victimes parviennent à s’ouvrir comme on pourrait le souhaiter.

« Oui, nous avons ce programme, nous offrons une sensibilisation, des activités, des psychologues et même une aide au niveau légal, mais rien n’est efficace », explique Deeb. « Si on tente de sortir ces filles de là où elles vivent, leurs époux ou leurs frères ou leurs pères ou leurs mères créent de gros problèmes. Il est impossible d’aider ces jeunes filles ».

Photo d’illustration : un enfant syrien joue dans un camp de réfugiés non-officiel dans la ville libanaise de Bar Elias dans la vallée de Bekaa le 13 mai 2016 (Crédit : AFP PHOTO / JOSEPH EID)

Le Liban n’a pas d’âge minimum fixé pour le mariage. Ce sont les partis religieux du pays qui en décident.

De plus, le Liban ne criminalise pas le viol conjugal. En fait, un mari ne peut avoir des problèmes que si son épouse est physiquement blessée pendant le viol et que son état nécessite 10 jours de rétablissement. Dans ce cas, il peut écoper d’une amende de 6,66 à 33 dollars, ou un maximum de six mois de prison.

Pour le moment, les ONG comme RDFL continuent à aller dans les camps et tentent de faire ce qu’elles peuvent – offrir aux filles qui en obtiennent la permission de la part de leur époux ou de leur père la chance de pouvoir simplement parler.

« Quand on va sur le terrain, je vois quelque chose dans les yeux de ces filles », soupire Deeb. « Elles ne le diront pas mais quand je les regarde dans les yeux, je les vois qui me disent : ‘Je vous en supplie, pouvez-nous nous aider et nous faire quitter cette vie pour toujours ?’. »

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