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Au Maroc, Essaouira célèbre la reconnaissance de la musique gnaoua par l’Unesco

Autrefois cantonnée aux "lilas", nom donné à des veillées de transe aux rituels ésotériques réservés aux initiés, la culture gnaoua trouve désormais un écho dans le monde entier

(FILES) Sur cette photo prise le 14 juin 2014, un membre du groupe Gnaoua (Gnawa) Maalem Mohamed Kouyou se produit à Essaouira au Festival Mondial de Musique de Gnaoua. - La culture gnaoua, une pratique marocaine séculaire ancrée dans la musique, les rituels africains et les traditions soufies, a été ajoutée le 12 décembre 2019 à la liste du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. (Crédit : Fadel SENNA / AFP)
(FILES) Sur cette photo prise le 14 juin 2014, un membre du groupe Gnaoua (Gnawa) Maalem Mohamed Kouyou se produit à Essaouira au Festival Mondial de Musique de Gnaoua. - La culture gnaoua, une pratique marocaine séculaire ancrée dans la musique, les rituels africains et les traditions soufies, a été ajoutée le 12 décembre 2019 à la liste du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. (Crédit : Fadel SENNA / AFP)

Figures acrobatiques, musique lancinante et costumes multicolores : des dizaines d’artistes ont défilé samedi au rythme de leurs tambours et castagnettes d’acier dans les rues d’Essaouira, dans le sud du Maroc, pour célébrer l’inscription de leur musique gnaoua au patrimoine immatériel de l’Unesco.

« Notre but est de faire connaître cette musique au monde entier. C’est une culture riche dont il faut préserver la magie », lance avec un grand sourire Mokhtar Gania, 56 ans, un des maîtres de l’art gnaoua.

Son grand-père et son père Mahmoud Guinea étaient déjà des figures emblématiques de cette musique qui associe rituels africains et culte des saints de l’islam, et qui a été perpétuée au Maroc par les descendants d’anciens esclaves venus d’Afrique subsaharienne.

La reconnaissance officielle de l’Unesco, annoncée jeudi, est « une consécration de l’engagement pionnier d’Essaouira » pour la sauvegarde de cet art, se félicite André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI et président d’une association très active ayant fait de la culture un vecteur de développement de la ville.

Le conseiller du roi du Maroc, André Azoulay est l’un des invités présent à la conférence de Marrakesh (Crédit : capture d’écran Youtube/Fondation Jean Monnet pour l’Europe)

Carrefour de plusieurs civilisations, l’ancienne Mogador est le berceau de la culture traditionnelle gnaoua.

C’est dans cette citadelle bleue et blanche, accrochée à une presqu’île rocheuse au bord de l’Atlantique, qu’est organisé depuis 1997 un festival de musique gnaoua qui attire des flots de fans du monde entier chaque début d’été.

Pour les organisateurs du festival, l’inscription de l’art gnaoua au patrimoine immatériel de l’Unesco est « une formidable reconnaissance ».

Le musicien marocain Hamid El-Kasryau festival Gnaoua à Essaouira, au Maroc, le 22 juin 2019. (Crédit : AFP)

La musique, un « langage universel »

Portés par la force de leurs rythmes, les maâlems (maîtres) de l’art gnaoua ont commencé à enregistrer avec les plus grands noms du jazz dès le début des années 1970.

Mais avant le festival d’Essaouira, « cette culture reconnue par des grands noms de la scène musicale mondiale n’avait pas la place qu’elle méritait dans l’imaginaire populaire marocain », souligne Neila Tazi, productrice de l’événement.

« Il y a un avant et un après festival d’Essaouira » pour les musiciens gnaoua, renchérit André Azoulay, qui souligne la « reconquête » de dignité d’une « communauté longtemps marginalisée », ces artistes ayant longtemps été considérés, au mieux, comme des troubadours.

Autrefois cantonnée aux « lilas », nom donné à des veillées de transe aux rituels ésotériques réservés aux initiés, la culture gnaoua trouve désormais un écho dans le monde entier.

Le rendez-vous musical d’Essaouira, qui propose d’étonnants métissages musicaux avec les musiques latines et africaines, a vu défiler des têtes d’affiche, comme les jazzmen Pat Metheny, Didier Lockwood ou Marcus Miller, venus se produire avec les plus célèbres maîtres de la musique gnaoua.

Un musicien d’un groupe de reggae jamaïcain « Third World » au festival Gnaoua à Essaouira, au Maroc, le 22 juin 2019. (Crédit : AFP)

Dans un atelier de la vieille ville d’Essaouira, elle-même classée au patrimoine mondial de l’Unesco, Malaâm Seddik El Arch, 68 ans, est un témoin privilégié de cette évolution.

Cet artiste luthier se réjouit que « des musiciens de toutes les nationalités viennent ici apprendre (à jouer du) guembri », sorte de luth tambour à trois cordes, composé d’un manche rond enfoncé dans une caisse de résonance en peau de dromadaire.

« Malgré la barrière de la langue, on arrive à s’entendre et à jouer ensemble. La musique est un langage universel », souligne l’artiste, qui se félicite de la « baraka (bénédiction) de l’Unesco ».

Préserver et transmettre

Mokhtar Gania s’apprête lui à sortir un album sous le label Universal Music avant de partir en tournée mondiale avec son groupe, composé de musiciens marocains et ouest-africains. Ce chanteur et joueur de guembri a déjà partagé la scène avec des pointures comme le guitariste mexicain Santana.

A Essaouira, la nouvelle génération est prête à prendre la relève. Abdeslam Benaddi, 25 ans, a créé avec d’autres jeunes musiciens le groupe « Oussoul gnaoua » (les origines du gnaoua). Ensemble, ils ont lancé il y a trois ans le festival « Génération gnaoua » qui réunit des groupes locaux.

Lors de ce rendez-vous, des groupes de jeunes viennent jouer des standards de la musique gnaoua « dans le respect de la tradition » devant un jury de vieux maâlems.

Pour tous, « c’est important de préserver cette culture et la transmettre aux générations montantes », dit le jeune musicien.

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