Avant l’écriture, des gravures antiques marquaient le passage des saisons en Terre Sainte
La tête d’un oiseau gravée il y a 16 500 ans sur une plaque de calcaire d’Ein Qashish pourrait être l’un des objets rituels les plus anciens jamais trouvés au Levant
Une collection de galets de calcaire gravés a été retrouvée sur les rives de la rivière Kishon dans la vallée de Jezréel, dans le nord d’Israël. Elle pourrait porter des marques utilisées pour noter le passage des saisons qui précèdent l’invention de l’écriture de 20 000 ans.
L’une des pierres gravées découverte sur le site, marquée par la tête d’un oiseau, pourrait être des objets rituels les plus anciens jamais retrouvés en Terre Sainte. (Un cheval de 30 000 ans gravé sur une plaque de calcaire retrouvée dans la grotte Hayonim en Galilée précède les découvertes d’Ein Qashish et fait partie des plus anciennes représentations connues de l’animal.)
Les gravures datent de 23 000 à 16 500 ans, et ont été faites sur des galets de calcaire qui tiennent confortablement dans la paume de la main.
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Ils sont de « rares preuves de symboles graphiques appliqués par des chasseurs cueilleurs du Pléistocène tardif au Levant », ont écrit les auteurs de l’étude publiée le 24 août dans PLoS One, et ils sont un signe de la complexité sociale des habitants du site.
Les trois pierres sculptées ont été découvertes en 2012 – 2013 pendant des fouilles menées à Ein Qashish par l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA) dans le cadre des travaux d’extension de l’autoroute 70 dans la vallée de Jezréel, au nord de la ville moderne de Yokneam.
La datation radiométrique carbone de fragments de charbon retrouvés dans la même couche sédimentaire que les pierres ont donné une date à 23 000 ans et d’autres à environ 15 000 – 17 000 ans. D’autres petits outils en pierre de la même couche ont aidé à indiquer la date de la plaquette à tête d’oiseau, dans la période tardive, l’épipaléolithique, l’époque précédant l’aube de l’agriculture.
Une pierre a une conception particulière, que les chercheurs appellent « ladder plaquette ». Une autre porte une série de chevrons et de formes géométriques. La plus frappante est cependant celle qui présente une tête d’oiseau indéniable, identifié par des ornithologues comme un ibis chauve.
Cette pierre, ont écrit les auteurs de l’article, est marquée sur un côté par « la tête d’un oiseau vue de profil, avec une ligne légèrement incurvée et profondément incisée juste au-dessus. Cet oiseau est caractérisé par un large bec courbé et trois ‘plumes’ en forme de lignes courbes, grossièrement parallèles, attachées à la nuque de l’oiseau. Un grand œil rond apparaît au milieu de la tête en forme de goutte tournée vers le haut. »
Historiquement, l’ibis chauve était présent dans toute l’Europe centrale, l’Afrique du Nord et le Moyen Orient, mais la destruction de son habitat et la chasse ont quasiment fait disparaître l’espèce. Aujourd’hui, l’ibis chauve est une espèce extrêmement menacée, et la plupart des individus vivent aujourd’hui au Maroc.
Le dos de la plaquette ressemble à l’une des autres pierres, avec plusieurs lignes formant « un motif composé de plusieurs signes en forme de chevron profondément incisés dont deux forment un losange divisé en deux triangles au milieu de la composition. »
Citant l’utilisation d’images d’oiseaux dans d’autres œuvres d’art préhistoriques, notamment l’énigmatique « Homme oiseau » de la grotte de Lascaux, dans le sud de la France, les auteurs émettent l’hypothèse que l’oiseau gravé puisse avoir « une interprétation liée à la spiritualité […] particulièrement quand on considère le contexte de la découverte. »
L’emplacement d’Ein Qashish, près de la rivière Kishon, dans la vallée de Jezréel, en fait un camp de base idéal pour des communautés de chasseurs-cueilleurs au cours des siècles. Les archéologues supposent que la présence d’un habitat communautaire sur le site au cours des époques « implique des problèmes de régulation sociale liés à la reproduction, au partage des ressources et à l’amélioration et/ou au renouvellement d’alliances, des activités qui étaient probablement accompagnées de rituels. »
« Ainsi, l’interprétation de la plaquette de l’oiseau comme objet employé dans un rituel, ou décrivant des accessoires liés au rituel, ainsi que les interprétations en termes de perceptions/croyances cosmologiques ou comme emblème d’un groupe de chasseurs particuliers sont toutes viables », est-il écrit dans l’article.
Alla Yeroshevich, archéologue de l’Autorité israélienne des Antiquités et auteur principal de l’étude, a couvert ses paris sur la description de la plaquette comme un objet rituel parce qu’elle est « [trop] petite pour l’interpréter avec certitude comme un outil exposé dans un rituel public. »
Quand les groupes nomades étaient rassemblés à Ein Qashish, a-t-elle déclaré, « plusieurs problèmes [devaient] être résolus, dont les accouplements/mariages, les alliances, les échanges d’informations, etc. Chacune de ces activités pouvaient en fait être accompagnées de rituels. »
« Si nous supposons que cela se passait pendant l’automne ou au printemps, quand l’ibis chauve était visible dans le ciel, les rituels auraient pu être liés à cet oiseau, a-t-elle déclaré. Il est très possible que les groupes qui se rassemblaient avaient leurs propres emblèmes pour être identifiés pendant ces évènements. » Un groupe aurait pu choisir l’ibis pour le représenter.
Les auteurs de l’article ont également supposé que l’ibis aurait pu être utilisé comme « un signal pour un changement de saison » lié aux migrations de l’oiseau. Les marques sur le dos de la pierre pouvaient être des symboles correspondant au printemps ou à l’automne, quand l’ibis chauve passait par le Levant.
La plaquette, ont écrit les auteurs, auraient pu servir de « système de mémoire artificielle » rudimentaire, qui aurait pu garder la trace de « moments et d’emplacements pour des activités particulières, des évènements d’agrégation, par exemple pour des chasses spécialisées, des histoires de mariages, des rituels, des échanges de ressources. »
Les personnes qui ont créé cet objet étaient membres d’une société à la pointe de la révolution agricole, en transition entre le nomadisme et ma sédentarisation. Comparé aux populations humaines contemporaines en Europe, où le besoin de tracer les changements de saisons pour la survie était plus impératif, il y avait moins de pression environnementale pour agir ainsi dans le Levant, où les saisons sont moins marquées.
Néanmoins, ont écrit les auteurs, les gravures ont pu servir d’ « enregistrements ou de notes liés à la disponibilité des ressources et au moment des évènements d’agrégation », soit, en terme profane, de calendrier primitif.
« C’est l’utilisation de symboles que d’autres peuvent comprendre, a déclaré Yeroshevich. C’est comme quand vous écrivez [le chiffre] 1, c’est que quelque chose dont quelqu’un d’autre dans le monde comprend le sens. »
La rareté de ce genre d’objets dans les données historiques du Levant peut dériver d’une nécessité moindre pour une telle technologie pour survivre dans une région avec des changements de saisons moins drastiques, a déclaré Yeroshevich.
Parallèlement, « il est possible qu’ils aient utilisé des graphiques mais sur un matériau dégradable, comme le bois ou l’ocre, et que par conséquent nous ne trouvons pas », a-t-elle déclaré au Times of Israël pendant un entretien téléphonique.
Le fait que des symboles similaires à ceux retrouvés à Ein Qashish aient été découverts sur des sites préhistoriques contemporains en Europe et en Asie orientale, a-t-elle ajouté, indique l’existence d’une « source plus ancienne » en Afrique.
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