Battu, menacé, seul dans Gaza : le calvaire d’un otage de 12 ans raconté par sa mère
La mère d’Eitan Yahalomi, Franco-Israélienne dont le mari Ohad est toujours otage, veut témoigner de l'horreur qu'a vécue son garçon à Gaza
« Quand il pleurait, ils le menaçaient avec une arme », raconte Bat-Sheva Yahalomi, en égrenant les brimades et tortures psychologiques que son fils de 12 ans, Eitan, dit avoir endurées pendant ses 52 jours de captivité à Gaza.
Dans un entretien téléphonique accordé à l’AFP, sa première interview à un média international depuis la libération de son fils, cette Franco-Israélienne dont le mari Ohad est toujours otage, veut témoigner de l’horreur qu’a vécue son garçon à Gaza.
Eitan a été enlevé le 7 octobre avec sa mère et ses deux sœurs de 10 et 2 ans, dans leur maison du kibboutz Nir Oz, dans le sud d’Israël, mais Mme Yahalomi et ses filles ont réussi à s’échapper, à la faveur d’une chute de la moto de leur ravisseur.
Le garçon, lui, s’est retrouvé dans la bande de Gaza comme plus de 250 personnes capturées ce jour-là.
« Il a reçu des coups quand il est arrivé, puis ils l’ont mis seul dans une cellule avec des barreaux et il est resté seul 16 jours sous la garde d’hommes armés du Hamas », raconte sa mère.
À sa sortie 52 jours plus tard, dans le cadre d’un accord de trêve qui a permis la libération de plus de cent personnes, en majorité des femmes et des enfants, en échange de 240 palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, Eitan a raconté son expérience à sa mère.
Environ 250 personnes ont été enlevées lors de l’attaque du Hamas qui a fait plus de 1 160 morts du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes. Selon les autorités israéliennes, il reste 130 otages du 7 octobre à Gaza, dont au moins 34 sont morts. En représailles, Israël a lancé une vaste offensive militaire sur la bande de Gaza, qui aurait fait 32 552 morts selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas – un chiffre invérifiable qui ne fait pas la différence entre civils et terroristes. Les destructions sont énormes et le nord du territoire se trouverait menacé par la famine.
« Il m’a tout raconté », dit Mme Yahalomi, encore bouleversée par le témoignage glaçant de son fils. « Il dormait par terre et était affamé tout le temps, il recevait une pita et un concombre par jour », se souvient-elle des confidences de son fils.
« Ils l’ont forcé à regarder des films qu’ils disaient avoir tournés le 7 octobre, et quand il pleurait, ils le menaçaient avec une arme », dit-elle, sans vouloir entrer dans le détail des images « atroces » auxquelles son fils dit avoir été exposé.
Placé sous surveillance constante d’hommes, isolé, il ignorait tout du sort de sa famille. Ses ravisseurs lui ont raconté des histoires contradictoires, plongeant l’enfant dans une « terrible incertitude ».
Au bout de 16 jours, ajoute Mme Yahalomi, il a été emmené dans un hôpital et enfermé dans une petite pièce avec dix autres otages dont cinq enfants, ce dont a témoigné, après sa libération, une femme ayant été détenue avec lui.
Selon l’armée israélienne, ce groupe d’otages a été retenu à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
« Il s’est douché deux fois en 52 jours et n’a pas dormi une seule fois sur un lit ou un matelas », raconte sa mère.
À l’hôpital, il a pu enfin partager ses peurs avec les autres otages, mais sans rien apprendre du sort de ses proches.
Interrogé par l’AFP sur le témoignage de Mme Yahalomi, Bassem Naïm, un des membres de la direction du groupe terroriste Hamas, a estimé qu’il procédait d’une « campagne de propagande israélienne » destinée à détourner l’attention du « génocide » en cours – selon lui – à Gaza. « Nous déplorons (l’attention que les médias portent à des cas) individuels (comme celui-là), alors que les droits du peuple palestinien, en particulier celui des femmes et des enfants, sont en train d’être violés collectivement », a-t-il jugé.
Depuis sa libération, Eitan Yahalomi parle tout le temps de sa captivité, dort avec sa mère et n’a pas réussi à reprendre une vie normale, selon sa mère. « Il fait tout le temps des cauchemars, il est fort mais il ne va pas bien… Eitan est encore dans le 7 octobre », confie Mme Yahalomi.
L’enfant a célébré la semaine dernière sa bar-mitzva (cérémonie de passage à l’âge adulte à 13 ans dans le judaïsme), en famille mais « sans festivités » et surtout sans son père.
« Les enfants me posent des questions sur leur père, mais je n’ai aucune réponse », dit Mme Yahalomi, qui espère toujours le retour de son mari. Elle l’a vu la dernière fois le 7 octobre, blessé, devant leur maison.