Ben Gvir opposé à Netanyahu et aux policiers sur les démolitions à Jérusalem-Est
Le ministre d'extrême-droite, ignorant les préoccupations du Premier ministre concernant la pression internationale, a déclaré qu'il en avait assez de la "politique d'apaisement"

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s’est heurté ces derniers jours à la fois au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au chef de la police israélienne, Kobi Shabtaï, au sujet de ses demandes visant à accélérer le processus de démolition de maisons palestiniennes construites illégalement à Jérusalem-Est, ont rapporté mardi les médias israéliens.
Selon plusieurs sources d’informations, dans les deux cas, les conversations ont été animées et « des voix se sont élevées ».
Ben Gvir, chef du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit, a promis d’adopter une position plus agressive à l’encontre des maisons palestiniennes construites sans les permis nécessaires délivrés par Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Il a présenté la démolition de ces structures comme faisant partie des efforts livrés par le pays pour combattre le terrorisme palestinien, même si aucun lien n’a été établi entre les propriétaires des maisons rasées pour absence de permis, ces dernières semaines, et d’éventuelles infractions à la sécurité.
La première prise de bec s’est produite pendant et après la réunion du cabinet de dimanche qui était consacrée à la nécessité, selon Netanyahu, de mettre en place « une action plus large » dans la lutte antiterroriste après que trois Israéliens, dont des frères de 6 et 8 ans, ont été tués dans une attaque à la voiture-bélier à Jérusalem vendredi.
Selon le site d’information Ynet, les esprits se sont échauffés pendant la réunion et lors d’une conversation ultérieure entre Ben Gvir et Netanyahu.
Ben Gvir aurait exigé d’être autorisé à raser un bâtiment inhabité de 14 étages construit sans permis à côté de la barrière de sécurité dans le quartier de Sawarha à Jérusalem-Est. Il aurait demandé aux ingénieurs de l’armée de faire imploser le bâtiment.
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Lorsque Netanyahu lui a demandé de faire preuve de retenue, en faisant remarquer que la démolition de l’immeuble risquait de provoquer une réaction internationale, Ben Gvir aurait crié à Netanyahu qu’il était « las de mener une politique d’apaisement ».
Le site d’information Ynet a cité des sources proches de Netanyahu. « Les Arabes verraient cela comme le bombardement de Dahieh à Beyrouth », en référence aux frappes massives de l’armée de l’Air israélienne qui ont détruit une grande partie du bastion du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah pendant la guerre de 2006.
Netanyahu a alors dit à Ben Gvir qu’il y avait des « raisons diplomatiques » de ne pas démolir le bâtiment.
« Quelles considérations diplomatiques ? Nos enfants ont été assassinés. Le monde comprendra qu’ils ont tué des enfants et qu’un État souverain applique ses lois dans sa capitale », aurait répondu Ben Gvir à Netanyahu, en hurlant.

« Des enfants ont été tués et vous vous inquiétez d’agacer les Arabes », aurait-il ajouté.
« Ils ont tué nos enfants, il n’y a aucune raison pour que nous ne réagissions pas », a déclaré Ben Gvir, affirmant que le bâtiment présentait également une menace pour la sécurité d’Israël car il surplombe la barrière de sécurité et que les Palestiniens y jettent des pierres sur les forces de sécurité.
Ben Gvir s’est ensuite confronté à Shabtaï, lundi, selon plusieurs médias israéliens.
Le ministre de la Sécurité nationale aurait exigé que la police accélère le rythme des démolitions de bâtiments à Jérusalem-Est.

« Ce n’est pas comme cela que les décisions se prennent », aurait rétorqué Shabtaï, selon le quotidien Haaretz.
« Je vous ai présenté un plan de ce qu’il est possible de faire en tenant compte des contraintes opérationnelles. Nous n’avons pas 300 policiers supplémentaires à déployer pour cela. Avez-vous 300 autres officiers à me donner ? », a demandé Shabtaï.
« Nous démolirons les bâtiments de Jérusalem selon les plans opérationnels que nous avons établis », aurait dit Shabtaï.
La chaîne publique israélienne Kan a rapporté des propos similaires.
Kan a fait savoir qu’en dépit des objections de Shabtaï et d’autres officiers supérieurs de la police, Ben Gvir a insisté sur la campagne de démolition, martelant qu’elle se poursuivrait dans les jours à venir.

La police a refusé de commenter des conversations tenues à huis clos et le bureau de Ben Gvir a nié que l’existence même de cet échange.
Une querelle qui a eu lieu après que Netanyahu a ordonné la semaine dernière de suspendre la démolition d’un immeuble, de 12 appartements sur quatre étages, qui abrite une centaine de Palestiniens. L’immeuble a été construit sans permis en 2014 et Ben Gvir avait fait pression pour exécuter une décision de justice visant à le démolir.
Les Palestiniens disent qu’ils sont obligés de construire des structures illégalement car il leur est quasiment impossible de recevoir des permis de construire.
Entre 2016 et 2020, 99,1 % des demandes palestiniennes de permis de construire ont été rejetées, selon les données fournies par l’Administration civile de Tsahal l’année dernière.
En 2021, 177 structures à Jérusalem-Est ont été démolies faute de permis.
Ces démolitions déclenchent souvent des affrontements entre les habitants et les forces de sécurité dans les quartiers sensibles de Jérusalem-Est.

Ben Gvir a également été contraint de renoncer à lancer une vaste opération de répression policière à Jérusalem-Est.
Peu de temps après l’attentat de vendredi, il avait publié une déclaration disant qu’il avait demandé à la police de se préparer à un raid antiterroriste majeur à partir de dimanche, mentionnant spécifiquement une campagne militaire massive de 2002 contre les groupes terroristes de Cisjordanie. Cependant, Ben Gvir n’a pas l’autorité nécessaire pour approuver seul une telle opération et ses propos ont été rejetés par un haut fonctionnaire du gouvernement.
Ce n’est pas la première fois que Ben Gvir se dispute avec la direction de la police ces derniers jours. Le week-end dernier, il s’en est pris à la police de Jérusalem qui n’avait pas fait usage de la force pour disperser des manifestants anti-gouvernement.