Blinken, qui préconise le retour de l’AP à Gaza, se rendra en Israël vendredi
La position du secrétaire d'État marque la première fois que l'idée d'une gouvernance palestinienne est exprimée publiquement par l'administration Biden, évoquée en privé avec ses partenaires régionaux depuis le 7 octobre
Lors d’une audition mardi au Congrès, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a affirmé que l’Autorité palestinienne (AP) devrait reprendre le contrôle de la bande de Gaza au groupe terroriste du Hamas, et que de tierces parties internationales pourraient peut-être jouer un rôle lors d’une période intérimaire.
Les commentaires de M. Blinken lors de son témoignage devant la commission sénatoriale des Finances constituent la première déclaration publique de l’administration Biden en faveur du retour de l’AP dans la bande de Gaza, après avoir évoqué l’idée en privé avec des partenaires régionaux depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
Quelques heures après cette audience, le porte-parole du secrétaire d’Etat a annoncé que ce dernier se rendrait en Israël vendredi dans le cadre d’une deuxième tournée au Proche-Orient depuis le début de la guerre déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre.
Il y « rencontrera des responsables du gouvernement israélien et il fera d’autres étapes dans la région », a indiqué à des journalistes le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller, sans préciser lesquelles.
M. Blinken avait déjà effectué une tournée marathon dans la région mi-octobre, se rendant par deux fois en Israël et dans cinq pays arabes. Il s’était entretenu pendant près de huit heures avec le cabinet de guerre de Netanyahu. Il cherchait à constituer une coalition contre le Hamas tout en coordonnant avec les alliés l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza et la libération des otages.
Ce voyage semble avoir eu un succès limité, car les pays arabes n’ont pas vu d’un bon œil le soutien continu des États-Unis à la campagne militaire israélienne en cours dans la bande de Gaza. La diplomatie américaine a toutefois joué un rôle essentiel en amenant Israël et l’Égypte à autoriser l’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave il y a dix jours.
Les Etats-Unis sont le premier soutien à Israël, lui fournissant notamment une importante aide militaire.
« A un moment donné, ce qui aurait le plus de sens ce serait qu’une Autorité palestinienne efficace et revigorée ait la responsabilité de la gouvernance et, à terme, de la sécurité de Gaza », a déclaré M. Blinken lors d’une audition interrompue à plusieurs reprises par des manifestants d’extrême-gauche appelant à un cessez le feu et à « sauver les enfants de Gaza ».
Le Hamas a chassé l’Autorité palestinienne de Gaza en 2007 à l’issue de combats sanglants, un an après avoir remporté la majorité des voix lors des élections législatives palestiniennes.
« La question de savoir s’il est possible d’y parvenir en une seule étape est une question importante que nous devons examiner. Et si ce n’est pas le cas, il existe d’autres arrangements temporaires qui peuvent impliquer un certain nombre d’autres pays de la région », a déclaré M. Blinken. « Cela pourrait impliquer des agences internationales qui aideraient à assurer à la fois la sécurité et la gouvernance. »
Hamas terrorists were looking to slaughter Jews, they perpetrated their worst atrocities in communities actively working to advance Israeli-Palestinian peace. Listen to @SecBlinken pic.twitter.com/huHTLRiNTb
— Eli Kowaz – איליי קואז (@elikowaz) October 31, 2023
Le plus haut diplomate américain a déclaré qu’il ne pouvait y avoir de « retour au statu quo avec le Hamas à la tête de Gaza ».
« Nous ne pouvons pas non plus avoir – et les Israéliens commencent eux-mêmes avec cette proposition – Israël dirigeant ou contrôlant Gaza », a-t-il déclaré.
Le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza semble très difficile à mettre en œuvre, compte tenu de la faiblesse historique de l’AP. L’organe directeur en Cisjordanie a été miné par la corruption, a perdu la face auprès des Palestiniens pour avoir coopéré avec Israël et a vu le soutien international à son égard se réduire à peau de chagrin en raison des rejets successifs des offres de paix et de la poursuite du versement de subventions aux prisonniers palestiniens incarcérés pour faits liés à la sécurité d’Israël.
Le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu insiste sur le fait qu’il n’y a pas actuellement de discussions formelles concernant sa stratégie du « jour d’après » et qu’il se concentre uniquement sur l’anéantissement du Hamas. « Tout ce qui concerne les décisions de remettre la bande de Gaza à l’Autorité palestinienne ou à toute autre partie est un mensonge », a déclaré le bureau du Premier ministre dans un communiqué publié le 20 octobre.
Les détracteurs de Netanyahu l’accusent d’avoir renforcé le Hamas au cours des 15 dernières années dans l’optique de diviser les factions palestiniennes et d’affaiblir l’Autorité palestinienne, plus modérée, qui reconnaît Israël et soutient une solution à deux États.
Plus récemment, le ministère du Renseignement, dirigé par le Likud, a rédigé un document d’orientation affirmant que le retour de l’AP à Gaza équivaudrait à une victoire du mouvement nationaliste palestinien qui représenterait un danger pour Israël.
Ramallah, pour sa part, a affirmé qu’il n’avait aucun intérêt à retourner à Gaza, sauf dans le cadre d’une initiative diplomatique qui réunirait l’enclave avec la Cisjordanie et relancerait le processus de paix avec Israël, ce qui serait soutenu par l’administration Biden mais n’aurait que peu de soutien dans l’actuel gouvernement israélien.
Tout en s’efforçant de renforcer la position internationale de l’AP, dont les ressources financières sont limitées, Washington s’est opposé à la décision annoncée dimanche par le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, d’interrompre le transfert des recettes fiscales palestiniennes à l’AP, au motif que Ramallah a cautionné le massacre du 7 octobre.
L’AP n’ayant pas le statut d’État, Israël est chargé de collecter les droits de douane et autres recettes fiscales en son nom. Il les transfère à Ramallah sur une base mensuelle. Les montants transférés représentent près de 65 % du budget annuel palestinien, qui s’élève à environ 18 milliards de shekels.
Commentant la décision de Smotrich lors de l’audition de mardi, Blinken a déclaré que les États-Unis avaient demandé à Israël de débloquer les fonds palestiniens.
Le message a également été transmis en privé, Washington exigeant une explication et affirmant que cette décision pourrait déstabiliser davantage la Cisjordanie, qui est secouée par la montée de la violence de résidents d’implantations extrémistes depuis les massacres du 7 octobre.
« L’Autorité palestinienne fait tout ce qu’elle peut pour maintenir la sécurité et la stabilité en Cisjordanie. Elle manque cruellement de ressources. C’est un autre aspect du problème », a déclaré Blinken. Ces dernières semaines, les États-Unis ont fortement insisté auprès de l’Autorité palestinienne pour que ses forces de sécurité poursuivent leurs efforts de lutte contre le terrorisme dans le territoire.
Pour justifier sa décision de geler les fonds de Ramallah, Smotrich a déclaré que l’Autorité palestinienne n’avait pas condamné l’attentat du 7 octobre. L’Autorité palestinienne n’a pas dénoncé le Hamas, mais a exprimé son opposition au fait de prendre pour cible tous les civils.