Mohammad Shtayyeh : Ramallah ne prendra pas le contrôle de Gaza sans la Cisjordanie
Selon le Premier ministre de l'AP, qui affirme que les États arabes en ont assez de la question palestinienne, l’Occident devrait saisir l'occasion de mettre fin aux combats
Si Israël renverse le régime du groupe terroriste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza, comme il s’est engagé à le faire, l’Autorité palestinienne (AP) ne reprendra pas le contrôle du territoire sans une solution « globale » impliquant également la Cisjordanie, a déclaré dimanche le Premier ministre de l’AP, Mohammad Shtayyeh.
Il a expliqué que l’AP ne se rendrait pas dans l’enclave côtière palestinienne sur la vague d’une victoire militaire israélienne.
« Que l’Autorité palestinienne aille à Gaza et contrôle les affaires de Gaza sans solution politique pour la Cisjordanie, comme si cette Autorité palestinienne allait monter à bord d’un F-16 ou d’un char israélien ? Je ne l’accepte pas. Notre président [Mahmoud Abbas] ne l’accepte pas. Aucun d’entre nous ne l’acceptera », a déclaré Shtayyeh au journal britannique The Guardian lors d’une interview dans son bureau de Ramallah publiée dimanche.
L’opération militaire israélienne contre le Hamas a été lancée après que le groupe terroriste a perpétré une attaque dévastatrice le 7 octobre, tuant plus de 1 400 personnes, pour la plupart des civils. Dirigés par le Hamas, plus de 2 500 terroristes ont fait irruption à la frontière avec Gaza et se sont déchaînés dans les régions méridionales, envahissant les communautés et massacrant ceux qu’ils trouvaient, dont au moins 260 personnes lors d’un festival de musique. Jusqu’à ce que l’armée israélienne puissent contrer l’attaque, qui s’est déroulée sous le couvert de milliers de roquettes tirées sur Israël, les terroristes ont également enlevé au moins 243 otages de tous âges les emmenant en captivité dans la bande de Gaza.
Israël s’est engagé à éradiquer le Hamas et à le chasser du pouvoir à Gaza, où le groupe islamiste – qui cherche ouvertement à détruire Israël – règne depuis 2007 après avoir pris le pouvoir à l’AP lors d’un coup d’État.
« Je pense que nous avons besoin d’une vision globale et pacifique », a déclaré Shtayyeh, qui occupe le poste de Premier ministre depuis 2019.
« La Cisjordanie a besoin d’une solution, puis de relier Gaza à cette solution dans le cadre d’une solution à deux États. »
The Guardian a cité des sources militaires et civiles israéliennes anonymes affirmant que le plan consiste à installer une autorité de transition après l’éviction du Hamas, éventuellement contrôlée par des États arabes, puis à remettre éventuellement le pouvoir à l’AP.
Israël a commencé son opération par de multiples frappes sur Gaza, affirmant qu’il vise les infrastructures terroristes tout en s’efforçant d’éviter de toucher les civils. Depuis vendredi, des troupes opèrent à l’intérieur de l’enclave côtière en prévision d’une incursion terrestre de grande envergure.
« La question qui se pose à nous – Israéliens, Américains, Européens, tout le monde – est la suivante : comment faire de ce désastre une occasion de paix ? », a soulevé Shtayyeh.
« Je pense que le moment est venu pour le président américain et pour l’Europe de reprendre le leadership et de dire : ‘Nous sommes prêts pour le jour d’après et pour une solution globale et non partielle.' »
Shtayyeh envisage des élections palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie, ainsi qu’à Jérusalem-Est, dans le cadre du processus visant à trouver une solution de paix. L’AP refuse depuis près de vingt ans d’organiser des élections nationales, invoquant le refus d’Israël d’y inclure Jérusalem-Est.
Cependant, Stayyeh a déclaré que tout processus de paix n’inclurait pas le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, car il « n’est pas notre partenaire et il ne nous considère pas comme des partenaires. »
Il s’est plaint de la politique du président américain Joe Biden, affirmant qu’il était entré en fonction sans plan de paix pour le Moyen-Orient et qu’il n’avait pas nommé d’émissaire pour la paix sur cette question.
Selon Shtayyeh, Biden n’a pas tenu les promesses qu’il avait faites, telles que l’opposition à la construction d’implantations israéliennes en Cisjordanie ou la réouverture du consulat américain à Jérusalem.
« Et cela a créé de la colère. »
La Cisjordanie est « en ébullition », a déclaré Shtayyeh, et devient « sérieusement dangereuse », l’AP étant soumise à des pressions de part et d’autre en raison de la colère de « la rue » et du gouvernement israélien.
« Nous sommes pris entre le fer et l’enclume », a-t-il déclaré.
Shtayyeh a reconnu que l’AP voyait son soutien faiblir en Cisjordanie, mais il a insisté sur le fait qu’elle continuerait à adopter une approche non violente vis-à-vis d’Israël, même si cela allait à l’encontre de l’opinion publique.
Abbas, a-t-il déclaré, « pourrait redevenir populaire en une minute » en ordonnant « aux forces de sécurité palestiniennes de tirer sur les Israéliens ».
« Mais c’est un homme réaliste », dit-il.
Le gouvernement de Cisjordanie a été miné par la corruption, a perdu la face auprès des Palestiniens pour avoir coopéré avec Israël, et a vu le soutien international se réduire en raison de son rejet des offres de paix passées et du maintien des allocations versées aux terroristes palestiniens détenus en Israël et aux parents des assaillants décédés, ce qui est considéré comme une incitation au terrorisme.
Biden, qui a pleinement soutenu le droit d’Israël à se défendre et a effectué une visite de solidarité éclair en Israël ce mois-ci, a indiqué qu’il partageait le point de vue de Shtayyeh, en déclarant la semaine dernière qu’Israël ne pouvait pas revenir au statu quo d’avant-guerre après avoir éradiqué le Hamas et qu’il devrait œuvrer à une solution à deux États avec les Palestiniens à la fin de la guerre.
Avec cet objectif en tête, les fonctionnaires américains ont commencé à s’enquérir des scénarii possibles et ont demandé au président de l’AP, Abbas, et à ses collaborateurs si l’AP serait disposée à gouverner à nouveau l’enclave côtière, avait déclaré un fonctionnaire palestinien au Times of Israel la semaine dernière.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, Abbas a déclaré aux représentants de l’administration de Biden que l’AP n’envisagerait de reprendre le contrôle de Gaza que si cela faisait partie d’une initiative de paix plus large avec Israël, a déclaré le responsable palestinien.
Shtayyeh a déclaré que l’AP avait demandé la tenue d’un sommet arabe d’urgence, prévu pour le 10 novembre, et qu’elle espérait qu’il permettrait de dégager une vision commune pour la création d’un État palestinien.
Il a affirmé que les pays arabes voisins se rendent compte qu’il ne peut y avoir de paix régionale sans une solution politique pour les Palestiniens.
« En toute franchise, les Arabes en ont vraiment assez de nous », a déclaré Shtayyeh. « Ils veulent voir une solution à la question palestinienne parce que nous sommes un fardeau pour eux. »
Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, a déclaré samedi que plus de 8 300 personnes avaient été tuées dans la guerre, parmi lesquels de nombreux enfants. Les chiffres publiés par le groupe terroriste ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante et incluent ses propres membres tués à Gaza ainsi que les victimes des centaines de roquettes palestiniennes retombées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre.
Les groupes terroristes dirigés par le Hamas ont continué à bombarder le sud et le centre d’Israël de tirs de roquettes, faisant de nouveaux morts et blessés. Le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et ses alliés ont également procédé à des tirs de roquettes sporadiques dans le nord du pays. Plus de 200 000 personnes en Israël ont été déplacées.
La Cisjordanie a également connu une flambée de violence. Shtayyeh a déclaré au Guardian que depuis le début de la guerre, 110 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne ou des résidents d’implantations israéliens dans le territoire.
Jacob Magid a contribué à cet article.