Israël en guerre - Jour 404

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Reportage

Brisant un peu les tabous, des implantations revoient leurs liens avec les LGBT

Lors du premier rassemblement de ce genre dans une communauté religieuse de part et d'autre de la Ligne verte, Efrat affirme que l'homosexualité n'est pas un choix

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Des changements spectaculaires concernant la question de l'homosexualité commencent à se produire dans le milieux sioniste religieux des implantations. (Autorisation)
Des changements spectaculaires concernant la question de l'homosexualité commencent à se produire dans le milieux sioniste religieux des implantations. (Autorisation)

Au début du livre biblique des Nombres, Moïse est approché par un groupe d’Israélites qui n’avaient pas pu participer à l’offrande sacrificielle de la Pâque avec le reste de la nation. Déplorant leur statut « impur » après avoir été en contact avec un cadavre, ils demandent à leur chef : « Pourquoi devrions-nous être exclus ? » Moïse consulte Dieu, qui décide qu’ils sont autorisés à faire l’offrande un autre jour, qui est connu sous le nom de Pessah Sheni, ou la seconde Pâque.

Alors qu’elle n’est pas célébrée dans la tradition juive, un groupe de militants religieux LGBT a transformé Pessah Sheni en leur fête informelle, l’utilisant comme un tremplin pour lancer des discussions sur l’inclusion de « l’autre » dans les espaces religieux.

Les militants ont organisé des événements dans des communautés observantes à travers le pays avec le même titre, donnant à ceux qui sont convaincus que la religion et l’homosexualité sont en conflit l’un avec l’autre l’occasion de rencontrer ceux qui défient le prétendu paradoxe.

Conscients des eaux troubles dans lesquelles ils se trouvent, les organisateurs de Pessah Sheni ont pris soin de concevoir leurs événements comme un dialogue avec les intervenants religieux LGBT plutôt que comme une acceptation de ces derniers.

Vue de l’implantation juive d’Efrat en Cisjordanie (Hadas Parush/Flash 90)

Étant donné la nature relativement radicale de ces petits rassemblements, il n’est peut-être pas surprenant qu’ils n’aient pas reçu de soutien institutionnel dans le camp sioniste religieux ; les participants ont défini leur soutien comme étant fondé sur le « besoin de comprendre ».

Mais précisément au-delà de la Ligne verte – où l’on pourrait supposer qu’il serait plus difficile de trouver un public pour de telles discussions – certains des changements les plus spectaculaires sur cette question dans le camp sioniste religieux commencent à se produire.

Dimanche dernier, une centaine de résidents d’Efrat, la tête couverte, ont afflué dans le centre communautaire de la jeunesse pour un événement organisé par la municipalité, intitulé « Les jeunes LGBT dans la société religieuse ».

Selon les organisateurs, c’était le tout premier événement dans une communauté religieuse – de part et d’autre de la Ligne verte – qui allait au-delà de l’encouragement au dialogue et prenait position sur la question à l’ordre du jour – que l’homosexualité n’est pas une question de choix qui peut être « traitée ».

C’est la position sans ambiguïté affirmée par le rabbin et le psychologue qui ont pris la parole lors de l’événement, conçu pour les parents et les éducateurs du bloc d’implantations de Gush Etzion.

Les deux conférences du Rabbin Rafi Ostroff et du Dr. Tuvia Peri ont été marquées par des histoires personnelles de coming out de deux enseignants religieux ; mais l’événement a débuté par une allocution du maire d’Efrat, Oded Revivi, qui a donné le ton pour le reste de la soirée.

Revivi a parlé du taux élevé de suicide chez les adolescents aux prises avec leur sexualité. Selon une enquête menée en 2016 par la psychologue clinicienne Hannah Bar-Yosef, 20 % des jeunes LGBT israéliens ont tenté de se suicider – près de six fois plus que le taux global – ce qui, selon les experts, fait plus que doubler dans les communautés religieuses.

« Ce sont nos enfants et nous ne pouvons pas les ignorer », a déclaré le maire d’Efrat au public.

Le maire d’Efrat, Oded Revivi, prend la parole lors d’un événement communautaire sur les jeunes LGBT, le 3 juin 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

Retenant ses larmes, Revivi a lu à haute voix trois lettres qu’il a reçues de membres de la communauté LGBT exprimant leur soutien à l’événement, dont l’un des écrivains a dit qu’il espérait « empêcher la perte continue d’amis ».

À l’exception des histoires personnelles partagées par les deux militants LGBT religieux, c’est sous cet angle que la question a été abordée pendant le reste de la soirée.

« C’était beaucoup plus facile il y a 10 ou 15 ans lorsqu’il n’y avait pas d’homosexuels dans les communautés religieuses », a dit Ostroff en riant avec sarcasme devant un auditoire qui riait timidement.

Le rabbin a reconnu que le sujet a été ignoré pendant longtemps dans des endroits comme Efrat, où l’attitude majoritaire du leadership rabbinique et éducatif a été que la maîtrise de l’attirance pour le même sexe est simplement une question de volonté.

Pour sa part, Peri a utilisé une présentation PowerPoint étayée de recherches médicales pour réfuter ces hypothèses.

Le psychologue portant la kippa a montré un graphique illustrant le spectre des attirances sexuelles chez les hommes et les femmes et a expliqué que ceux qui étaient convaincus d’avoir réussi à « guérir » un patient de leur attirance pour le même sexe avaient simplement « eu affaire à quelqu’un qui était bisexuel ».

Cela ne veut pas dire qu’Ostroff ou Peri ont présenté une image positive de la réalité. « La vie des personnes [de la communauté LGBT] est difficile et amère », a souligné M. Ostroff, en mettant l’accent sur les problèmes de santé mentale qui surviennent ainsi que sur la difficulté d’être accepté dans les milieux religieux.

Cérémonie de mariage d’un couple homosexuel sous une houpa pendant la Gay Pride de Jérusalem, le 21 juillet 2016. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

« Par conséquent, si quelqu’un est attiré par des membres du sexe opposé, nous devons en profiter autant que possible », a affirmé le rabbin, et il faut l’encourager à poursuivre une relation hétérosexuelle.

Néanmoins, Ostroff a rejeté la prémisse selon laquelle les personnes LGBT n’ont pas leur place dans les communautés religieuses.

Il a montré des images d’un mariage religieux gay, en soulignant la « joie pure » ressentie par les personnes présentes.

À la fin de la soirée, un jeune homme de l’auditoire s’est levé et s’est identifié comme l’un des mariés de la vidéo.

« Ce que vous faites ici, c’est sauver des vies, et ce n’est pas seulement un slogan », a déclaré Eran Ashkenazi, originaire d’Efrat.

« Il est probable que s’il y avait eu une soirée comme celle-ci quand j’étais au lycée… l’expérience difficile que j’ai vécue aurait pu être évitée. » Sa déclaration a été applaudie par toutes les personnes présentes dans la salle.

Le jeune homme de 26 ans n’était pas la seule personne LGBT dans la salle. Il a été rejoint par une poignée d’autres jeunes résidents du Gush qui sont sortis du placard ces dernières années.

Parmi eux, Noam Haase, 19 ans, originaire de l’implantation voisine d’Alon Shvut, a qualifié l’événement de « moment historique ».

« Je suis vraiment heureux de voir le directeur de ma yeshiva, ainsi qu’un autre professeur, dans le public… Enfin, la société religieuse ouvre les yeux et se rend compte que le sujet ne peut être ignoré ou réprimé », a-t-il déclaré.

Noam Haase, résident d’Alon Shvut, à la Gay Pride de Jérusalem en 2017 (Autorisation).

Lorsqu’on lui a demandé s’il était gêné par l’accent mis sur la santé mentale et la « vie difficile » des membres de la communauté LGBT, Jonathan Maman, qui était l’un des éducateurs LGBT religieux qui s’adressait au public, a répondu que cela semblait plutôt « naturel ».

Jonathan Maman a souligné que lors d’événements organisés par Havruta, une organisation pour les hommes homosexuels religieux, la plupart des participants dans la salle avaient une histoire de tentative de suicide à partager.

Haase a dit qu’il considérait l’importance du sujet lors de l’événement comme une déclaration sur la vie de ceux qui suppriment leur véritable identité sexuelle. « La vie dans le placard est ce qui peut être très ‘difficile et amer’. En sortir, c’est exactement le contraire. C’est très libérateur… Je pense que c’est ce que la soirée a essayé de démontrer. »

« La Tel Aviv du Gush »

Pour beaucoup, ce n’est pas un hasard si l’événement de dimanche s’est déroulé dans le Gush Etzion, et en particulier à Efrat.

« Je pense que le Gush est assez ouvert d’esprit par rapport à d’autres communautés religieuses, aussi bien dans les implantations qu’en dehors de celles-ci », a déclaré Andrew Braverman.

Les sept adolescents LGBT qui se sont entretenus avec le « Times of Israel » ont tous souligné combien la forte présence américaine dans le bloc d’implantations a créé un environnement qui accepte relativement mieux ceux qui sortent du placard

Le jeune homme de 19 ans, qui étudie à la Yeshivat Machanayim à Migdal Oz, juste au sud d’Efrat, a déclaré que ses rabbins lui ont donné la permission spéciale de quitter la classe tôt le jeudi soir pour aller aux réunions LGBT à la Jerusalem Open House.

« Il y a quelque chose dans le Gush qui fait que les gens sont tellement heureux de leur vie et de leur identité religieuse qu’ils sont plus ouverts aux différences », a déclaré une mère d’Efrat dont le fils est récemment sorti du placard.

Les sept adolescents LGBT qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont tous souligné combien la forte présence américaine dans le bloc d’implantations a créé un environnement qui accepte relativement mieux ceux qui sortent du placard.

« En tant que personne qui n’est pas du Gush, j’ai toujours considéré cet endroit comme étant plus ouvert. Un endroit où j’aimerais vivre quand je serai grand, par opposition à Shomron, qui semble beaucoup plus conservateur », a déclaré Yosef, 18 ans, en faisant référence aux implantations dans le nord de la Cisjordanie.

L’implantation israélienne de Neve Daniel, avril 2014 (Domaine public Wikimedia Commons)

Jessica (pseudonyme), une résidente d’Efrat âgée de 22 ans, a résumé ce qu’elle considérait comme une différence entre les attitudes américaine et israélienne dans la vie.

« Les Américains viennent d’une culture où la devise est plutôt ‘Chacun fait sa vie’, par opposition aux Israéliens qui s’intéressent davantage aux affaires de l’autre », a-t-elle expliqué.

« Les immigrants américains viennent d’un monde dans lequel il y a plus d’une façon d’être religieux, et cela se traduit par la façon dont ils traitent les homosexuels », a ajouté Yosef, qui étudiera à la Yeshivat Machanayim l’année prochaine.

Évoquant la proportion de résidents américains – plus de 30 % – Haase a qualifié Efrat de « Tel Aviv du Gush ». Des chiffres similaires, quoique un peu moins importants, peuvent être trouvés dans la douzaine de communautés situées sur les collines du Bloc Etzion.

Sara Hirschhorn, conférencière à Oxford, s’est penchée sur le phénomène unique des immigrants américains dans son livre de 2017 « City on a Hilltop », dans lequel elle estime qu’ils représentent environ 15 % des 400 000 Juifs vivant en Cisjordanie.

Hirschhorn a remarqué qu’un grand nombre d’immigrants juifs américains d’origine libérale aux États-Unis avaient été actifs dans des mouvements sociaux progressistes avant leur immigration en Israël.

« Bien qu’ils donnent la priorité à Israël parmi leurs valeurs, ils partagent aussi plus largement d’autres valeurs qui sont associées à un type de politique plus pluraliste », a-t-elle indiqué.

Haase a précisé que le nombre élevé d’Américains ne facilite pas la décision de faire son « coming-out » dans le Gush, « mais une fois qu’on sort du placard, on a plus de chances d’être accepté ».

Mais un autre genre de Tel Aviv…

Malgré cette ouverture d’esprit relative, les adolescents aux prises avec leur sexualité dans le bloc d’implantations n’ont pas de moyens à leur disposition à proximité.

Ce qu’ils ont, c’est la Jérusalem Open House, qui se trouve à environ 30 minutes en voiture.

L’organisation offre des groupes de soutien pour les jeunes et les adultes LGBT, qu’ils soient religieux ou non.

Les représentants de Jerusalem Open House à la Gay Pride de 2016 de Jérusalem, le 21 juillet 2016 (Crédit : Adi Eddie)

La majorité des adolescents qui ont parlé avec le Times of Israel ont dit que la Open House était l’endroit où ils ont trouvé l’aide dont ils avaient besoin pour accepter leur identité sexuelle et où ils ont pu rencontrer d’autres personnes aux prises avec les mêmes difficultés.

Mais pour beaucoup, ce processus se déroule dans sa propre bulle, séparé de la vie de l’autre côté de la Ligne verte.

Haase et Jessica ont tous deux raconté avoir assisté à des activités hebdomadaires à l’Open House pendant des mois à l’insu de leurs parents.

« Chaque fois que j’y allais, je leur disais que je voyais des amis », explique Jessica.

Haase se souvient avoir « vécu deux vies… J’avais l’impression d’être déchiré, mais je suppose que le fait d’empêcher que quelqu’un le découvre à la maison m’a permis de continuer à vivre ».

Jessica a fait valoir que cette situation à la maison a plus à voir avec le système éducatif et les dirigeants rabbiniques du Gush qui « ont tout fait pour limiter l’ouverture d’esprit de la communauté ».

La jeune fille de 22 ans a pris conscience de sa sexualité au collège, mais la question n’a jamais été abordée par une éducatrice jusqu’à ce qu’elle arrive en première au lycée.

L’enseignante a dit à sa classe que les personnes aux prises avec « ces problèmes » devraient venir la rencontrer pour lui demander de l’aide.

Craignant que sa sexualité ne remette en cause le fait d’élever une famille dans la communauté très unie qu’elle avait appris à aimer, Jessica a finalement accepté de rencontrer l’enseignante.

Au cours de leurs séances, on lui a demandé de fermer les yeux et d’imaginer des rencontres sexuelles avec des hommes dans une tentative de l’éducatrice pour vérifier si elle ressentait quelque chose.

« En ce qui me concerne, j’étais vraiment curieuse de voir comment elle pensait pouvoir me changer. »

De son côté, Jonathan Maman a raconté des histoires plus douloureuses sur la façon dont le responsable de sa yeshiva dans le Gush a menacé de le virer lorsqu’il l’a informé de son intention de sortir du placard.

Trois ans plus tard, Jonathan vit maintenant à Alon Shvut, mais explique que sa décision de rester dans la communauté a ennuyé de nombreux dirigeants rabbiniques, qui considèrent chacun de ses gestes comme « une provocation ».

Acceptation au sein de la communauté LGBT au sens large

Même après avoir franchi cette première et redoutable étape, qui consiste à sortir du placard, de nombreux adolescents des implantations se heurtent toujours à un autre obstacle : être acceptés au sein de la communauté LGBT dans son ensemble.

« Vous êtes une minorité qui se bat pour ses droits ; d’un autre côté, vous habitez dans un endroit disputé par une autre minorité qui se bat aussi pour ses droits », a déclaré Moshe Grosman, natif de Shiloh, se souvenant de l’attitude qu’il rencontrait parfois lorsqu’il rencontrait d’autres personnes LGBT de l’autre côté de la Ligne verte.

« Mais honnêtement, je suis plus désireux de me battre pour montrer pourquoi il est possible d’être gai et religieux », a-t-il dit, expliquant que son identité de résident d’implantation est moins grave à ses yeux.

Bentzi Gopstein, président de Lehava, et des militants de droite protestent lors du défilé annuel de la Gay Pride à Jérusalem, le 21 juillet 2016. (Yonatan Sindel/Flash90)

« Il est plus difficile d’être accepté quand on dit qu’on vient des implantations », a dit Uri Shraga, tout en notant que la question avait plus à voir avec la religion qu’avec sa ville de résidence.

Le résident de Neve Daniel, 21 ans, a décrit son processus de coming-out comme ayant été « particulièrement complexe » en raison de son activisme passé au sein de l’organisation d’extrême droite Lehava.

Bien qu’il ait rejoint le mouvement lorsqu’il s’opposait exclusivement à l’assimilation des Juifs, Shraga a déclaré que Lehava s’est encore radicalisé au fil des ans et proteste maintenant contre les commerces qui sont ouverts le jour du Shabbat ainsi qu’au défilé de la Gay Pride de Jérusalem.

« Ça c’est bien passé au début après mon coming-out. Mais ensuite, j’ai commencé à me balader avec ma kippa arc-en-ciel et c’était trop pour eux », raconte Shraga en souriant.

« Je ne dirais pas qu’ils m’ont montré la porte, mais j’étais déjà sur le point de partir, car je ne me sentais pas à l’aise là-bas », a-t-il ajouté.

Pourtant, les milieux LGBT ne convenaient pas non plus à Shraga.

Il a rappelé « la folie de la phobie religieuse » dont il a été témoin l’année dernière à l’Open House de Jérusalem, où les organisateurs du défilé de la Gay Pride ont fait face à d’immenses réactions pour avoir choisi la « religion » comme thème du défilé.

Hésitant face à la religion

L’hostilité religieuse a-t-elle éloigné de nombreux jeunes adolescents de la foi après leur coming-out ? Les résidents de Gush Etzion qui ont discuté avec le Times of Israel n’en étaient pas convaincus.

Tout en reconnaissant que ceux qui sortent du placard quittent également la religion, ils ont indiqué que les deux décisions n’étaient pas liées.

« Je ne pense pas qu’être religieux et gay soit contradictoire. J’ai juste choisi de ne pas être religieux, quoi qu’il en soit », a déclaré Haase, alors que Jessica acquiesçait d’un signe de tête.

Des centaines de personnes au cours de la Gay Pride à Jérusalem le 18 septembre 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Mais pour Braverman, les deux identités sont plus reliées.

L’étudiant de 19 ans de la yeshiva a admis que son identité sexuelle a rendu plus difficile le fait de faire partie d’une communauté religieuse. Il se rappelait avoir demandé à ses rabbins pourquoi il n’y avait rien à étudier en ce qui concerne les lois religieuses qui régissent les relations homosexuelles, contrairement aux relations hétérosexuelles.

« En gros, on m’a répondu : ‘Ils n’en ont jamais vraiment discuté à l’époque du Talmud' ».

Braverman a reconnu qu’en l’absence de directives sur la façon de rester à la fois gai et religieux, il n’était pas certain de savoir comment il pourrait éviter de perdre cette dernière identité au fil du temps.

Pour Eran Ashkenazi, cependant, la foi en Dieu est restée constante tout au long de sa longue lutte pour l’acceptation de soi.

« Pendant toutes ces années où je me sentais seul, Dieu était le seul qui était là pour moi. L’idée de quitter la religion n’a donc jamais vraiment été quelque chose à laquelle j’ai pensé », a expliqué le natif d’Efrat.

Grindr et le Gush

Ce qui est devenu de plus en plus clair, d’après chaque conversation avec les adolescents LGBT dans le bloc d’implantations du Gush Etzion, c’est que pour chaque personne qui est sortie du placard, il y en avait un nombre beaucoup plus important qui y sont restés.

Le Times of Israel s’est adressé à 12 jeunes résidents du Gush utilisant Grindr, une application populaire basée sur la géolocalisation, fréquemment utilisée par les hommes gays pour des rencontres sexuelles occasionnelles.

Alors que beaucoup hésitaient à parler – en apprenant qu’ils s’adressaient à un journaliste – le caractère anonyme des conversations a permis à la plupart d’entre eux de s’ouvrir.

Un jeune de 18 ans d’Efrat utilisant le pseudo « Looking for now » a déclaré qu’il était l’un des rares résidents à utiliser l’application.

« Les gens ont très peur de tomber sur quelqu’un qu’ils connaissent ici, et le Gush est assez petit pour qu’un tel scénario soit vraiment probable », a-t-il expliqué.

« Ça n’a pas d’importance que l’autre gars soit aussi au fond du placard que toi. Le fait de réaliser que quelqu’un d’autre que tu connais sait à ton sujet signifie que ta vie nocturne et ta vie de jour sont un peu plus près de s’affronter », a déclaré le jeune homme de 18 ans.

Il a indiqué qu’il se rend généralement au sud de Kiryat Arba, où « il y a plus de choix et plus de gens laïcs prêts à rencontrer quelqu’un pour une relation sexuelle occasionnelle ».

Logo de Grindr (Capture d’écran)

L’élève du secondaire a dit qu’il y avait un autre élève de sa classe qui avait fait son coming-out et une dizaine d’autres qui étaient restés dans le placard.

Lorsqu’on lui a demandé comment il pouvait le savoir avec une telle certitude, l’utilisateur anonyme a répondu : « Je le sais, c’est tout. »

Quant à la raison pour laquelle il n’a pas fait son coming-out, il a donné la réponse la plus fréquemment entendue pendant les deux nuits que ce journaliste a passé à parcourir l’application dans le bloc d’implantation cette semaine : « Je suis bisexuel ».

A Alon Shvut, un étudiant de yeshiva âgé de 22 ans a dit qu’il avait découvert que son binôme d’étude était homosexuel par le biais de l’application.

« Je lui avais demandé d’envoyer une photo de son visage d’abord. Quand il l’a fait, j’ai vu qui c’était et je l’ai bloqué. Je ne pense pas qu’il sait que je sais », a-t-il confié.

Le jeune homme de 22 ans a ajouté que la majorité des personnes qu’il voit sur l’application sont des soldats de Tsahal qui servent dans les environs, d’autres étudiants de yeshiva qui ne sont pas originaires du Gush, et des Palestiniens.

« J’ai été contacté par deux Arabes de Bethléem qui voulaient me rencontrer. Au-delà du fait que je ne le ferais jamais, où pourrions-nous nous rencontrer ? Sur le bord de la route ? »

Pour Haase, la faible utilisation de Grindr dans le bloc d’implantations est sans rapport avec le nombre de gars dans le placard. « Qu’ils soient ou non dans le placard, les gens du Gush ne sont pas intéressés par ce que représente Grindr », explique-t-il.

Faire baisser le prix du coming out

Ce qui est clair, cependant, c’est la distance que les résidents LGBT du Gush doivent parcourir pour trouver l’aide dont ils ont besoin.

Constatant le manque, Jonathan Maman a organisé un groupe de soutien pour les jeunes LGBT dans le Gush, que la municipalité a accepté de prendre sous son aile suite au succès de l’événement de dimanche soir dernier.

Jusqu’à présent, le groupe compte 10 membres âgés de 18 à 22 ans, mais Maman dit que les adolescents plus jeunes seront autorisés à se joindre au groupe en attendant la permission de la municipalité.

Jonathan Maman, qui a 28 ans, sera l’un des conseillers d’orientation du groupe, en collaboration avec un travailleur social et un psychologue de la municipalité.

Jonathan Maman (Autorisation)

« Aussi inestimable que soit la journée portes ouvertes, pourquoi un jeune adolescent qui est né et a grandi au-delà de la Ligne verte et qui se débat avec son identité sexuelle devrait-il quitter sa communauté et se rendre dans un endroit dirigé par des libéraux laïcs pour recevoir le soutien dont il a besoin ? » a demandé Maman.

Alors qu’elle va bientôt quitter Efrat pour aller à l’université, Jessica a dit qu’elle fait ce qu’elle peut pour soutenir l’initiative, ce qui « m’aurait certainement été utile quand j’étais au lycée ».

« J’ai un peu fréquenté l’Open House, mais cela ne correspondait pas au style de personnes que je recherchais et je me sentais un peu trop décalée. En fait, c’est exactement ce que j’aurais voulu », a ajouté la jeune fille de 22 ans.

Comme pour l’événement de dimanche, le groupe de soutien est une autre initiative d’Efrat, dont Maman dit qu’elle sera essentielle pour « faire baisser le prix » que les jeunes du bloc Gush Etzion doivent payer lorsqu’ils sortent du placard.

« J’espère que cela sera aussi une sorte d’alternative pour ceux qui pensent que leur seule option est de se rendre à Tel Aviv », a déclaré l’éducateur religieux.

Admettant qu’il reste un long combat contre l’opposition rabbinique et l’apathie parentale, il a souligné que les 100 parents de l’événement de dimanche avaient « voté avec leurs pieds » quant à la direction dans laquelle ils aimeraient que leur communauté se dirige.

« Ce n’est pas un chemin tout tracé, mais nous y arrivons », a-t-il conclu.

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