Budget : des millions pour la commémoration des rabbins et la « pureté familiale »
Parmi les 13,7 milliards de shekels promis, 19 millions iront à un centre dédié à un défunt ministre accusé de viol, et pour encourager les Juifs à vivre dans des villes ethniquement mixtes
Alors que la coalition avance sur le prochain budget de l’État, les législateurs votaient mardi pour approuver 13,7 milliards de shekels que le gouvernement a alloués pour répondre aux demandes de dépenses de ses membres, qui incluent plusieurs allocations controversées.
Le budget, dont une grande partie est destinée aux institutions et aux programmes ultra-orthodoxes, a été approuvé dimanche par le cabinet. Sur instruction de la procureure générale Gali Baharav-Miara, les détails des budgets de la coalition ont été rendus publics le lendemain soir par la commission des Finances de la Knesset.
Une grande partie du budget devrait être placée sous le contrôle du président de la commission des finances Moshe Gafni, du président de la Knesset Amir Ohana et du président de la coalition Ofir Katz. Gafni est un dirigeant du Yahadout HaTorah, tandis que Ohana et Katz sont membres du Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a fait de généreuses promesses à hauteur de milliards de shekels pour s’assurer le soutien de ses partenaires de coalition ultra-orthodoxes et d’extrême-droite.
Ces fonds comprennent 2,5 millions de shekels pour la création d’un centre pour les visiteurs du Tombeau des Patriarches à Hébron, en Cisjordanie, un lieu sensible ; 4,5 millions de shekels pour des cérémonies commémoratives sur la tombe de Baba Sali, un kabbaliste né au Maroc ; et plus de 19 millions de shekels pour la création d’un centre patrimonial dédié à Rehavam « Gandhi » Zeevi, un général de Tsahal et ministre d’extrême droite qui a été assassiné par des terroristes palestiniens en 2001.
Depuis quelques années, la controverse grandit autour de Zeevi, à la suite d’un reportage télévisé d’investigation qui a révélé des accusations de viol et d’intimidation à son encontre, conduisant certaines personnes à demander l’annulation des commémorations officielles de l’État en son honneur.
Le budget prévoit également plus de 10 millions de shekels pour « un panier de mesures destinées à encourager » les Juifs à déménager dans des villes dites mixtes qui comptent à la fois une population juive et une population arabe importantes ; plus de 11 shekels pour la « fertilité » ; et près de 5 millions de shekels pour promouvoir l’héritage de feu le rabbin Chaim Druckman, qui était un éminent chef nationaliste religieux et un défenseur du mouvement d’implantation. Le document décrivant la répartition des fonds ne donne aucun détail sur l’utilisation de l’argent destiné à la « fertilité », le décrivant uniquement comme un « soutien aux offices de prière ». Il ne précise pas non plus comment seront dépensés les quelque 6 millions de shekels destinés au « conseil et à la formation en matière de pureté familiale ».
Le budget de la coalition prévoyait également 4 millions de shekels pour financer des bourses d’études pour les anciens soldats, 4 millions de shekels pour aider à couvrir les frais de logement des soldats isolés et 4 millions de shekels pour construire des lits d’hôpitaux pour les « communautés spéciales ».
Ces fonds seront désormais approuvés dans le cadre du projet de budget global de deux ans, 2023-2024, d’un montant de mille milliards de shekels, que la coalition doit adopter d’ici le 29 mai, sous peine de déclencher une dissolution automatique du parlement et des élections anticipées.
Ces dernières années, les fonds de la coalition ont été distribués par le biais du budget de l’État pour financer des projets préférentiels et des objectifs sectoriels exigés par les partis comme condition de leur soutien à l’adoption du budget. Fin mars, la Knesset a approuvé en première lecture le budget global de l’État pour 2023-2024. 448,8 milliards de shekels y sont alloués cette année et 513,7 milliards de shekels en 2024, contre 452,5 milliards de shekels en 2022.
Les opposants au gouvernement ont dénoncé les prévisions budgétaires, le chef de l’opposition Yair Lapid qualifiant le montant et l’affectation des fonds de la coalition « d’irresponsables et corrompus ».
Avant le vote du cabinet de dimanche, le chef du département des budgets du ministère des Finances, Yogev Gardos, a averti que l’allocation de fonds aux institutions et initiatives ultra-orthodoxes n’encourageait pas les hommes haredi à chercher un emploi et qu’elle nuirait au marché du travail et à l’économie dans son ensemble.
« Même avant la mise en œuvre de la décision du gouvernement et de ses effets négatifs attendus sur l’économie, en l’absence du moindre changement sur le taux d’emploi des hommes ultra-orthodoxes, la perte du PIB cumulé jusqu’à l’année 2060 devrait être de 6,7 trillions de shekels », a averti Gardos dans un rapport.
De surcroît, si les hommes haredi ne sont pas encouragés à travailler, le gouvernement sera obligé d’augmenter les impôts directs de 16 % d’ici à 2065 pour maintenir le même niveau de services qu’il fournit sans accroître le déficit.
La population ultra-orthodoxe d’Israël devrait passer de 13,5 % de la population totale actuellement à 16 % en 2030. Le taux de croissance actuel de 4 % de la population ultra-orthodoxe est le plus rapide de tous les groupes en Israël, selon les données du Bureau central des statistiques (CBS).