Israël en guerre - Jour 344

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Ces Israéliens qui demandent le statut de réfugié au Portugal pour échapper à la guerre

Avec un conflit Israël-Hamas qui entre dans son onzième mois, des habitants d'Israël tentent de se mettre à l'abri - physiquement et économiquement - en demandant l'asile temporaire à l'UE

Photo du paysage urbain de Porto, en juin 2024. (Romain Chauvet)
Photo du paysage urbain de Porto, en juin 2024. (Romain Chauvet)

PORTO, Portugal – Depuis le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre dernier, Nofar Bar, avocat israélien spécialiste de l’immigration installé à Porto, croule sous les demandes d’Israéliens désireux d’obtenir le statut de réfugié .

« C’est presque quotidien », assure Bar, qui travaille avec le cabinet d’avocats portugais Cotarelli e Rodrigues pour aider les Israéliens à s’installer à l’étranger.

Le Portugal offre de nombreuses solutions à ceux qui souhaitent immigrer, mais Bar s’est aperçu que nombre d’Israéliens demandaient le statut de réfugiés via le processus de demande d’asile évoquée par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Pour cette Israélienne âgée de 28 ans qui tient à garder l’anonymat, demander le statut de réfugié lui a paru naturel lorsque le conflit a éclaté, à sa grande surprise.

« J’étais en vacances en Europe quand la guerre a éclaté, et je ne voulais pas retourner en Israël », explique-t-elle au Times of Israel. « Je voulais aller à Berlin, mais les délais de demande de visa étaient trop longs. Mon visa touristique était sur le point d’expirer quand un ami m’a parlé de cette solution : je n’ai pas hésité une seule seconde. »

Depuis le mois d’octobre dernier, elle doit renouveler son statut auprès des autorités portugaises tous les deux mois. « C’est beaucoup de paperasse, mais c’est relativement simple », confie-t-elle.

Alex Bayer, à gauche, et Nofar Bar, au centre, avocats pour le cabinet d’avocats Cotarelli e Rodrigues, au Portugal. (Romain Chauvet)

En sa qualité d’avocate, Bar explique en quoi ce système est simple : « Lorsque vous arrivez au Portugal, vous pouvez déclarer que vous souhaitez demander le statut de réfugié : vous pouvez le faire à l’aéroport ou, plus tard, dans un des bureaux de l’AIMA [Agence pour l’intégration, la migration et l’asile]. Vous dites que vous venez d’Israël et que vous souhaitez demander l’asile. On vous remet un formulaire à renseigner et qui permettra de recueillir vos données biométriques. »

Les candidats à l’asile sont convoqués pour un entretien dans un délai de six à neuf mois, après quoi une décision est prise sur leur demande. Entre-temps, ils reçoivent des aides des autorités portugaises.

« En gros, on leur octroie immédiatement des droits. Certains peuvent travailler immédiatement, inscrire leurs enfants à l’école, avoir accès aux soins de santé et, s’ils en ont besoin, ils peuvent recevoir une aide alimentaire et même un logement grâce à l’action du gouvernement », explique Alex Bayer, lui aussi avocat spécialisé dans l’immigration chez Cotarelli e Rodrigues.

Une solution temporaire à des problèmes permanents

Il n’y a pas de chiffre officiel disponible sur les demandes d’asile israéliennes au Portugal et les demandes répétées de commentaires adressées auprès des autorités portugaises sont restées sans réponse. Pour autant, c’est un sujet très populaire sur les blogs et groupes Facebook israéliens.

« Si vous n’avez pas d’autre solution – comme la nationalité portugaise ou d’un autre pays européen -, que vous n’avez plus de revenus en Israël, que vous avez été évacué et que vous êtes en quête d’une solution, alors c’est une option », poursuit Bar. « Pour certains jeunes, c’est la possibilité de venir vivre en Europe. »

Photo du paysage urbain de Lisbonne, en juin 2024. (Romain Chauvet)

C’est le cas de cette jeune Israélienne qui, du haut de ses 27 ans, y voit une chance de commencer une nouvelle vie.

« J’avais l’impression qu’avec la guerre, je n’avais plus d’avenir en Israël », explique cette demandeuse du statut de réfugié, qui, comme les autres personnes interrogées pour cet article, préfère garder l’anonymat.

« J’avais perdu mon emploi et je ne savais pas quoi faire », dit-elle. « Alors, quand j’ai entendu parler de cette possibilité, j’ai sauté sur l’occasion : j’y vois le début d’une nouvelle vie, car je n’ai rien à perdre. »

Selon cette émigrée pleine d’espoir, c’est le bouche à oreille qui marche. Elle a plusieurs amis qui ont décidé de faire comme elle.

Lorsqu’on lui demande si elle encourage les autres à faire de même, elle répond : « Si vous n’avez rien à perdre en Israël, alors je le recommande à 100 %. »

Photo du paysage urbain de Porto, en juin 2024. (Romain Chauvet)

On ignore, à ce stade, si d’autres pays européens offrent les mêmes facilités d’entrée – chacun dispose en effet de sa liste de pays jugés dangereux.

Au sein de la Commission européenne, la Direction des Migrations et des Affaires intérieures explique dans un courriel que « l’UE reste un refuge pour ceux qui sont forcés de quitter leur maison en raison de persécutions, de guerres, de conflits ou de catastrophes naturelles », ajoutant que « les États membres … statuent sur les demandes d’asile qui leur sont adressées sur la base d’un examen au cas par cas. »

Bar souligne qu’aussi attrayant qu’il puisse paraître, l’asile est, au mieux, une solution temporaire.

« Ce n’est pas le visa idéal. En fait, ce n’est pas vraiment un visa, c’est une demande de visa et il a ses limites. Il ne permet pas d’envisager un véritable avenir. Il faut passer à un autre type de visa à caractère permanent si l’on a l’intention de rester », poursuit Bar, qui décourage les candidats intéressés par cette voie, même si elle est utile à ceux qui l’empruntent.

« Ce n’est pas à cela que sert l’asile. Si vous avez d’autres solutions, privilégiez-les », conclut-elle.

Montée de l’extrême-droite et incidents antisémites

Les résultats des élections législatives portugaises de mars dernier pourraient ainsi changer la donne. L’extrême droite a remporté une victoire historique dans ce pays jusque-là épargné par la poussée nationaliste enregistrée ailleurs en Europe.

Avec à sa tête André Ventura, le parti populiste Chega – ce qui signifie « Assez » en portugais, a multiplié par plus de deux ses suffrages, avec 18 % des voix obtenues en mars contre 7,2 % lors des précédentes élections législatives en 2022.

Le parti a mis en avant la lutte contre la corruption et l’immigration, ce qui n’est peut-être pas de bon augure pour certains.

« S’il y a de la haine envers les étrangers, les Juifs vont en souffrir, et ce, même s’ils n’en sont pas la cible », analyse Bar. « Je ne pense pas que ce parti politique sera favorable aux Israéliens. »

La synagogue Kadoorie Mekor Haim à Porto, au Portugal, vandalisée à coups de graffitis liés à la guerre entre Israël et le Hamas, le 11 octobre 2023. (CIP via la JTA)

Comme d’autres pays européens, le Portugal connait un regain des incidents antisémites depuis le 7 octobre dernier, date à laquelle des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont envahi le sud d’Israël pour y massacrer 1 200 personnes et kidnapper 251 dans la bande de Gaza, ce qui a déclenché la guerre – qui se poursuit – entre Israël et le Hamas.

Des cas de vandalisme de la synagogue de Porto et du Centre culturel juif de Lisbonne ont été signalés, et l’ambassadeur d’Israël au Portugal, Dor Shapira, a récemment fait savoir qu’il « recevait à l’ambassade des messages d’Israéliens et d’étudiants juifs effrayés, un peu partout au Portugal ».

Aujourd’hui troisième parti politique du Portugal, Chega va assurément jouer un rôle important dans la mesure où le nouveau gouvernement ne dispose pas d’une majorité parlementaire. Il pourrait avoir de l’influence sur les politiques migratoires du pays.

« Jusqu’à présent, l’immigration est un phénomène bien accepté au Portugal. Mais avec la droite, on va voir », conclut Bayer.

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