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« C’est 1938 », dit un professeur juif bloqué à l’entrée du campus new yorkais de Columbia

Un responsable de l'université déclare à Shai Davidai qu'il lui a été interdit d'accéder au secteur où s'est installé le camp anti-israélien "pour la sécurité de la communauté" ; les membres Juifs du Congrès demandent de protéger les étudiants juifs

Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Le professeur israélien Shai Davidai aux abords de l'université de Columbia, le 22 avril 2024. (Crédit : Luke Tress/JTA)
Le professeur israélien Shai Davidai aux abords de l'université de Columbia, le 22 avril 2024. (Crédit : Luke Tress/JTA)

New York Jewish Week via JTA — Un professeur israélien a été bloqué à l’entrée du principal campus de l’université de Columbia à New York, lundi – et les membres juifs du Congrès ont demandé que l’administration de cette université de l’Ivy League passe enfin à l’acte alors que les manifestations pro-palestiniennes contre Israël continuent de secouer cet établissement d’enseignement supérieur de Manhattan.

Shai Davidai, un professeur adjoint israélien à l’école de commerce de Columbia, avait annoncé, sur les réseaux sociaux, son intention de se rendre sur le principal campus de l’université, lundi matin, à l’occasion d’un « sit-in pacifique » – au même endroit où les protestataires pro-palestiniens se sont installés, après avoir dressé un campement sur l’une des pelouses du campus, la semaine dernière.

Mais l’université a désactivé la carte permettant à Davidai d’accéder à Columbia, l’empêchant d’entrer sur le campus principal qui, actuellement, n’est ouvert qu’aux détenteurs de ce précieux sésame. Davidai enseigne au sein de l’école de commerce, qui ne se trouve pas sur le même campus et où il peut encore aller à sa guise.

Le responsable des opérations de l’université, Cas Holloway, a rencontré Davidai à l’entrée pour lui dire qu’il lui était interdit de pénétrer dans ce périmètre.

Environ une heure plus tôt, Davidai avait publié sur internet la copie d’un message qui lui avait été envoyé par Holloway, qui lui disait qu’il aurait le droit d’organiser une contre-manifestation dans une zone autre que celle du campement, un sit-in qui se déroulerait sous la protection des équipes de sécurité. Rejetant cette offre en estimant qu’elle était « dans la continuation directe de six mois de gaslighting et d’humiliation à l’égard de la communauté juive », Davidai a rejeté cette offre, écrivant sur Twitter « F— YOU CAS.”

« C’est 1938 », a-t-il écrit dans un autre post, évoquant l’éviction des personnels juifs des universités de l’Allemagne nazie dans les années qui avaient précédé la Shoah.

Aux portes de l’université, Davidai, devenu un soutien des étudiants juifs sur le campus depuis l’attaque commise par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre, a pris la parole devant les personnes qui s’étaient rassemblées à l’entrée de l’université.

« Je n’ai pas seulement le droit civil, en tant que Juif, d’être sur le campus ; j’en ai le droit en tant que professeur employé par l’université », a expliqué Davidai alors que ses soutiens criaient « Honte » et que les étudiants l’observaient de l’autre côté de la clôture, à l’intérieur de l’université. « Etre Juif en public est devenu une déclaration politique », a-t-il ajouté.

« Ce n’est pas un privilège, c’est un droit et ce droit m’est aujourd’hui refusé », a-t-il ajouté.

Les partisans pro-israéliens semblaient être majoritairement des adultes d’un certain âge et non des étudiants. Davidai a noté que de nombreux étudiants juifs avaient quitté le campus, inquiets pour leur sécurité. D’autres sont également retournés chez eux à l’occasion de Pessah.

Dans un courriel envoyé lundi matin, Holloway avait dit à Davidai que « pour garantir la sécurité de la communauté de Columbia », il ne serait pas autorisé à entrer dans la zone du campement, selon une copie du message qui a été citée par le magazine conservateur National Review.

« En raison du risque manifeste encouru par les étudiants, en matière de sécurité et pour garantir également la sécurité des autres membres de notre communauté, nous vous exhortons avec force à demander à tous les étudiants et à tous les collègues qui peuvent avoir prévu de se joindre à vous de changer également leurs plans », avait ajouté Holloway dans son mail. « A l’évidence, la sécurité de notre communauté est devenue la priorité absolue à l’heure actuelle. En tant que membre du personnel, vous avez le devoir de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour aider à assurer la sécurité de nos étudiants et celle de notre campus ».

L’exclusion de Davidai du principal campus a été décidée alors qu’il a été interdit à tous les étrangers à l’établissement, aux invités des étudiants et même à certains d’entre eux d’aller sur le principal campus en raison des mouvements de protestation pro-palestiniens.

Joseph Howley, professeur de lettres classiques, un Juif qui a soutenu les étudiants participant aux manifestations pro-palestiniennes, confie à la Jewish Telegraphic Agency qu’il comprend pourquoi l’université veut empêcher son collègue d’accéder au campus pour le moment.

« S’ils ont des informations portant sur des individus posant spécifiquement une menace sécuritaire, il me semble raisonnable qu’ils veuillent les exclure, même si ce n’est que temporaire, pour apaiser les choses. Ils ont déjà appliqué cette logique concernant des étudiants qui sont actuellement suspendus – ce que je n’approuve pas mais il y a une logique là-dedans », explique-t-il. « Si un membre du personnel qui a eu des antécédents en matière de harcèlement des étudiants déclare qu’il va fomenter des troubles sur le campus, cela ne m’étonne pas que les administrateurs aient cherché à s’entretenir avec lui. Et en dernier recours, je ne suis pas surpris que sa carte de Columbia ait été suspendue ».

Davidai a indiqué qu’il n’avait pas harcelé d’étudiants et qu’il ne s’en était pris spécifiquement à personne, choisissant de concentrer tous ses efforts pour lutter contre des groupes ayant commis des violations du règlement en vigueur à l’université ou ayant exprimé leur soutien aux activités terroristes. Il a ajouté qu’il avait prévu de se rendre sur la pelouse du campus pour y lire les noms des otages actuellement détenus par le Hamas à Gaza.

Howley a précisé que les manifestations comprendraient deux Seders de Pessah, lundi soir – un qui serait organisé sur le principal campus, dans le camp pro-palestinien, et un autre à l’extérieur, réservé aux étudiants qui ont l’interdiction d’entrer en raison de leur participation à ces mouvements.

Ces rassemblements au sein de la prestigieuse université ont attiré l’attention dans tout le pays – notamment celle de la Maison-Blanche – après une vidéo qui a montré les manifestants, ce week-end, tenir des propos antisémites et réclamant de nouvelles attaques sur le sol israélien, des attaques similaires à celle du 7 octobre. Ce jour-là, les hommes armés du groupe terroriste du Hamas avaient tué près de 1 200 personnes et ils avaient enlevé 253 personnes, prises en otage à Gaza, déclenchant la guerre actuelle qui est menée par Israël au sein de l’enclave côtière.

Les manifestants appellent l’université à désinvestir des entreprises israéliennes, à rompre ses liens avec les institutions académiques de l’État juif et à émettre un communiqué soutenant un cessez-le-feu permanent à Gaza et condamnant la campagne militaire israélienne.

Un panneau déclarant l’université de Columbia « Université populaire de la Palestine » affiché devant des tentes érigées dans un campement anti-israélien établi par des manifestants pro-palestiniens sur le campus de l’université à New York, le 22 avril 2024. (Crédit : AP Photo/Stefan Jeremiah)

Les étudiants avaient monté un campement au centre du campus, la semaine dernière, alors même que la présidente de Columbia, Minouche Shafik, prenait la parole devant une commission d’enquête du Congrès sur la problématique de l’antisémitisme. L’université avait appelé la police de New York pour disperser cette manifestation qui n’avait pas été autorisée, inculpant plus d’une centaine d’étudiants pour effraction, ce qui avait encore accru des tensions déjà vives. Les protestataires avaient alors élargi leurs revendications, demandant l’interdiction de la présence de la police sur le campus et une amnistie pour les étudiants arrêtés ou suspendus suite au mouvement.

Depuis, les rassemblements ont continué à l’université avec la participation de certains groupes extérieurs et notamment celle de l’organisation pro-palestinienne Within Our Lifetime, dont le leader a ouvertement apporté son soutien au Hamas, qui est entré sur le campus et qui a pris la parole devant les étudiants.

L’idée du campement s’est propagée dans d’autres universités, ces derniers jours, reprise par les étudiants de la New School à Manhattan, de l’Université de New York, de Yale et de l’université du Michigan.

Alarmés par la rhétorique employée dans ces établissements d’enseignement supérieur, des membres juifs du Congrès, Daniel Goldman, Kathy Manning, Jared Moskowitz et Josh Gottheimer ont organisé une conférence de presse aux abords du Kraft Center for Jewish Student Life, qui se situe à un bloc d’immeubles du campus. Ils ont annoncé, dimanche, qu’il fourniraient une escorte aux étudiants juifs se rendant dans le périmètre pendant Pessah.

Les représentants ont appelé l’université à passer à l’action pour freiner la vague d’antisémitisme qui s’est abattue sur le campus, la sommant d’assurer la protection des étudiants juifs.

« La rhétorique employée en est arrivée au point où les étudiants juifs ne se sentent plus en sécurité », a expliqué Goldman, un Démocrate représentant le 10e District au Congrès, un secteur qui comprend Lower Manhattan et une partie de Brooklyn.

« L’université – et toutes les autres – ont l’obligation de garantir la sûreté et la sécurité de leurs étudiants, indépendamment de leurs origines », a affirmé Goldman après s’être rendu sur le campus en compagnie des étudiants juifs.

Manning, représentante Démocrate du 6e District de Caroline du nord qui est aussi co-présidente du groupe de travail qui se consacre à la lutte contre l’antisémitisme à la Chambre, un groupe bi-partisan, a estimé que certains rassemblements se distinguaient par « des actes de harcèlement et d’intimidation ciblés », ajoutant que « l’université doit faire davantage pour garantir la sécurité des étudiants juifs ».

Pour sa part, Moskowitz, Démocrate siégeant pour le 23e District de Floride au Congrès, a juré que des initiatives seraient entreprises.

« Sur une base bi-partisane, nous, au Congrès, nous allons faire quelque chose », a-t-il promis.

Le représentant Dan Goldman s’exprime aux abords de l’université de Columbia aux côtés des représentants Josh Gottheimer, Kathy Manning et Jared Moskowitz, le 22 avril 2024. (Crédit : Luke Tress/JTA)

De son côté, la Maison Blanche a fait part de sa préoccupation alors que les vidéos des manifestations devenaient virales sur internet, dans la journée de dimanche.

« Si tous les Américains ont le droit de manifester de manière pacifique, les appels à la violence et à l’intimidation physique à l’encontre des étudiants et de la communauté juive sont antisémites, inacceptables et dangereux », a-t-elle noté dans un communiqué.

Les cris des protestataires, qui scandaient « Révolution de l’Intifada » à l’extérieur du campus, étaient audibles au moment où les membres du Congrès faisaient leurs déclarations. Les manifestants pro-palestiniens, qui étaient plusieurs dizaines, brandissaient des panneaux à l’effigie de terroristes palestiniens et notamment de Zakaria Zubeidi, incarcéré en Israël pour des attaques commises à l’encontre de civils israéliens et de Mahmoud al-Arida, membre du Jihad islamique palestinien condamné à la prison à vie. Les deux hommes avaient figuré parmi les six détenus qui s’étaient échappés d’une prison au mois de septembre 2021 et qui avaient été capturés par les forces israéliennes dans les deux semaines qui avaient suivi leur évasion.

Un petit groupe de contre-manifestants s’était rassemblé aux abords du rassemblement, avec à la main des panneaux montrant les visages des otages retenus en captivité à Gaza.

Un manifestant brandit une photo du terroriste condamné Zakaria Zubeidi devant l’université de Columbia, le 22 avril 2024. (Crédit : Luke Tress/JTA)

Les responsables de la police ont annoncé, lors d’une conférence de presse, que le campus de l’université était une propriété privée et que les agents ne pouvaient pas y entrer sans y avoir été invités au préalable par les administrateurs et en l’absence d’un danger immédiat. Ils ont ajouté que les responsables de l’établissement d’enseignement supérieur avaient appelé les forces de l’ordre à rester à l’extérieur du campus, notant que la police du district de New York coordonnait la sécurité de la sortie des étudiants avec l’université. Au moment de cette déclaration, des dizaines d’agents d’une unité anti-émeute étaient alors déployés sur un trottoir, en face du campus.

Les députés, l’université et la police déclarent chercher à préserver le droit à la liberté d’expression et à la liberté de rassemblement tout en protégeant la sécurité des étudiants et des employés juifs et israéliens qui ont estimé, pour leur part, que certaines manifestations avaient donné lieu à des incidents antisémites et à des menaces proférées à leur encontre.

Une vidéo qui a été partagée sur internet montre un protestataire brandissant un panneau où est écrit « les prochaines cibles d’Al-Qassam » – l’aile armée du Hamas – à côté d’un groupe d’étudiants juifs.

Les manifestants, à l’extérieur du campus, entonnent également des slogans favorables au Hamas, montrent des vidéos. Sur une séquence qui a été postée sur la Toile par le mouvement ‘Habad, des pro-palestiniens, qui se tiennent au sommet du cadran emblématique installé au centre du campus, appellent à détruire Tel Aviv.

Les étudiants juifs indiquent qu’ils ont été parfois dans l’incapacité d’accéder à certaines parties du campus en raison des rassemblements. Une vidéo a montré des manifestants portant des armes et avançant ensemble pour interdire l’entrée des étudiants juifs sur la pelouse. Jessica Schwalb raconte qu’elle et un groupe de camarades sont allés sur la pelouse, dans la soirée de dimanche, et qu’ils ont été rapidement encerclés par des protestataires. L’un de ses amis portait une étoile de David mais le groupe était juste venu pour se détendre, précise-t-elle.

« On ne peut aller nulle part sans se faire arrêter ou sans se faire suivre », déplore Schwalb, qui étudie les droits de l’Homme. « Ils ressentent le besoin de garder un œil sur nous ; ils nous appellent ‘sionistes’ en permanence et ce que nous subissons est vraiment discriminatoire ».

Elle ajoute que « cette rhétorique est terrifiante et rester à l’intérieur de Columbia n’est plus aussi sûr, pour nous, que c’était le cas auparavant ».

Un rabbin orthodoxe de Columbia a vivement recommandé aux étudiants de partir du campus, dimanche. La branche Hillel du campus s’est opposée à cette recommandation tout en partageant les inquiétudes exprimées. De son côté, le mouvement ‘Habad du campus a fait part de ses préoccupations profondes, notant que les Seders de Pessah seraient toutefois organisés, comme prévu.

Shafik, de son côté, a noté dans un courriel qui a été envoyé lundi à toute la communauté universitaire que les cours se feraient à distance « pour apaiser les rancœurs et pour nous donner la chance de réfléchir aux initiatives qui devront être prises ».

« Je suis profondément attristée de voir ce qui se passe sur le campus. Nos liens, en tant que communauté, ont été gravement mis à l’épreuve et il faudra beaucoup d’effort et beaucoup de temps pour réparer les choses », a continué Shafik.

Elle a réclamé des débats sur la guerre à Gaza, ajoutant que « il est impossible de laisser un groupe dicter ses conditions et tenter de perturber des moments déterminants, comme la remise des diplômes, pour faire prévaloir son point de vue ».

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

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