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« C’est dans notre sang »: à la reconquête de la danse orientale en Egypte

Incontournable dans les films de l'âge d'or du cinéma égyptien, cette danse aux origines très anciennes a été progressivement confinée aux boîtes de nuit et soirées de mariage

Les danseuses égyptiennes Amie Sultan, Safaa Said, et Menna Emmam, enseignantes à plein temps à l'Institut de danse orientale de Taksim, participent à une répétition au Caire, le 12 avril 2025.  (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)
Les danseuses égyptiennes Amie Sultan, Safaa Said, et Menna Emmam, enseignantes à plein temps à l'Institut de danse orientale de Taksim, participent à une répétition au Caire, le 12 avril 2025. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

En Egypte, une nouvelle génération de danseuses s’emploie à redorer l’image de la danse orientale, un art qui connaît un engouement dans les pays occidentaux mais souffre de stigmatisation depuis des décennies dans la patrie qui l’a rendu célèbre.

Incontournable dans les films de l’âge d’or du cinéma égyptien, incarnée par des stars légendaires comme Tahiya Carioca ou Naïma Akef, cette danse aux origines très anciennes a été progressivement confinée aux boîtes de nuit et soirées de mariage.

« Aucune femme ne peut être danseuse du ventre de nos jours et être respectée », déplore Safy Akef, 33 ans, enseignante et petite nièce de Naïma Akef.

Malgré son envie et sa lignée prestigieuse, Safy Akef n’est jamais montée sur les planches: « Une fois le spectacle terminé, le public ne te respecte pas, il te réduit à un objet », lâche-t-elle à l’AFP.

Selon elle, le genre a été peu à peu cantonné à des danseuses le plus souvent étrangères se produisant en tenues légères et provocantes, ce qui a nourri la réprobation morale d’une société de plus en plus conservatrice – et l’a dissuadée de se produire sur scène.

« On me demande souvent où l’on peut voir une danse orientale qui respecte vraiment l’art », confie à l’AFP Safaa Saeed, 32 ans, professeure dans une école de danse du Caire. « J’ai du mal à répondre », dit celle qui, petite, était fascinée par la grâce de Naïma Akef.

La danseuse égyptienne Menna Emam, 30 ans, instructrice à plein temps à l’Institut de danse orientale Taksim, accorde une interview à l’AFP au Caire, le 12 avril 2025. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Aujourd’hui, elle participe au mouvement porté par la chorégraphe Amie Sultan qui veut redéfinir la danse orientale comme un patrimoine national digne des théâtres, des festivals culturels et d’une reconnaissance de l’Unesco.

« L’âme de ce que nous sommes »

Ballerine classique reconvertie en danseuse orientale, Amie Sultan préfère parler de « danse baladi », issu du mot arabe « balad », signifiant « patrie ».

« Le baladi reflète l’âme de ce que nous sommes », résume-t-elle. Pourtant, selon elle, le genre s’est éloigné de ses racines pour se réduire à « un divertissement superficiel ». Une fracture née à la fois, d’après elle, d’un resserrement puritain en Egypte et d’un legs colonial.

Dans l’ouvrage « Imperialisme et Heshk Beshk », l’auteure égyptienne Shatha Yehia retrace les origines millénaires de cet art en rappelant que le terme « danse du ventre » est une invention du XIXe siècle, forgé par les colonisateurs français.

La danseuse égyptienne Amie Sultan donne une conférence dans son studio au Caire, le 15 avril 2025. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Descriptive, l’appellation a nourri un biais exotique et connoté en Egypte, comme ailleurs dans le monde.

« Heshk Beshk » – onomatopée de la langue égyptienne évoquant les ondulations des hanches  – « n’est pas juste une étiquette collée à la danseuse », selon son analyse: « C’est la version vernaculaire égyptienne de la femme fatale, une femme destructrice qui use de son corps et de son pouvoir féminin pour obtenir ce qu’elle veut. Ce n’est pas seulement une image de vulgarité ou d’immoralité, c’est synonyme de vice et de débauche ».

Ce regard « heshk beshk » s’est à la fois construit sous l’influence de l’impérialisme occidental et du conservatisme de la société locale. Naïma Akef était une icône de la scène égyptienne, sa petite nièce préfère former des élèves dans l’ombre.

Sur scène

Pour inverser la tendance, Amie Sultan a lancé en 2022 l’Institut Taqseem — du nom des solos improvisés de la musique arabe.

La danseuse égyptienne Amie Sultan (C) se produit lors d’une séance d’entraînement et accorde une interview à l’AFP au Caire, le 12 avril 2025. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Depuis, des dizaines de femmes ont reçu une formation complète à l’Institut: technique, théorie, histoire et  musicalité. Sept anciennes élèves sont devenues enseignantes à temps plein.

Les élèves explorent l’évolution de la danse égyptienne, des pionnières pré-cinéma comme Bamba Kashshar et Badia Masabni aux icônes du grand écran que furent Tahiya Carioca ou Samia Gamal.

Amie Sultan intervient aussi dans les universités, avec des conférences destinées à démystifier le genre auprès de nouvelles audiences. En 2023, elle présente « El-Naddaha », un performance mêlant thèmes soufis et mouvements égyptiens, traditionnels et contemporains.

Les danseuses œuvrent à préserver l’histoire d’un art vivant peu documenté en langue arabe. Mais cela reste un défi.

« Nous voudrions un lieu à nous, pour nos représentations », confie Safy Saeed. L’ancienne ballerine milite aussi pour inscrire la danse baladi au patrimoine immatériel de l’Unesco. Une procédure longue et complexe car elle implique un soutien actif des autorités culturelles égyptiennes.

A l’Institut Taqseem, alors que résonne une mélodie d’Oum Kalthoum, les danseuses, pieds nus, ondulent au rythme des percussions de la tabla.

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