Comment aborder le conflit Israël/Hamas dans une Allemagne hantée par la culpabilité de la Shoah
A Berlin, où vit la plus grande diaspora palestinienne d'Europe, la municipalité a expliqué que trois messages doivent passer : Israël a le droit de se défendre, la lutte contre le terrorisme doit respecter le droit international, et les Juifs en Allemagne ne sont pas responsables de la politique israélienne
Comment aborder à l’école le conflit au Proche-Orient dans une Allemagne hantée par la culpabilité de la Shoah ? A Berlin, où vit la plus grande diaspora palestinienne d’Europe, la question se pose plus que jamais aux enseignants.
« Le week-end de l’offensive du Hamas contre Israël, nous avons aussitôt échangé entre collègues pour savoir comment en parler en cours », raconte à l’AFP Clara Debour, enseignante au collège Rütli du quartier populaire de Neukölln.
Tout près de l’établissement, dans la Sonnenallee, le réseau pro-palestinien Samidoun a distribué des pâtisseries pour célébrer « la victoire de la résistance », après l’attaque sanglante du groupe terroriste palestinien du Hamas du 7 octobre qui a fait 1 200 morts côté israélien, en majorité des civils. L’organisation a depuis été interdite.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« Une grande partie de nos élèves sont musulmans, beaucoup d’origine arabe et certains d’origine palestinienne », explique la professeur.
Le lundi suivant le 7 octobre, « les élèves passaient par toutes sortes d’émotions: la peur, l’indignation, la colère, la tristesse et pour certains, une sorte de satisfaction », se souvient-elle.
Dans un lycée voisin, « beaucoup partaient du principe que l’attaque était une vengeance méritée », raconte une enseignante qui préfère taire son nom.
Au cours de la discussion dans cet établissement, la professeur « a réussi à leur faire comprendre que les répercussions iraient à l’encontre du bien-être de tous et que la distribution de pâtisseries de Samidoun profiterait à l’extrême droite » allemande.
« Dépassés par les images »
Mais avec l’offensive militaire israélienne sur les infrastructures du Hamas dans la bande de Gaza, la tension s’est accrue.
Jeudi, lors de commémorations du 85e anniversaire du pogrom nazi de la Nuit de Cristal, le chancelier Olaf Scholz a appelé à transmettre « dans les écoles » la « responsabilité historique » de l’Allemagne vis-à-vis des Juifs.
« C’est une nécessité absolue (…) pour tout ceux qui viennent de pays où l’on ne parle pas de la Shoah ou d’une façon totalement différente », a-t-il ajouté.
Récemment, la municipalité de Berlin a distribué des conseils aux établissements scolaires. A la fin d’un cours sur le conflit, trois messages doivent passer : Israël a le droit de se défendre, la lutte contre le terrorisme doit intervenir en respectant le droit international, et les Juifs en Allemagne ne sont pas responsables de la politique israélienne.
Le Sénat propose également aux enseignants des formations sur le conflit et sur la façon des jeunes de s’informer sur les réseaux sociaux.
« Les adolescents sont dépassés par les images qu’ils voient. Beaucoup de leurs parents regardent Al Jazeera qui montre davantage les morts que la télévision allemande », explique Mme Debour. Elle déplore aussi les fake news notamment propagées sur TikTok et s’efforce de les démonter en cours.
Selon elle, de nombreux élèves comprennent la responsabilité historique de l’Allemagne vis-à-vis des Juifs mais s’indignent de la position du gouvernement allemand, trop proche d’Israël selon eux.
« Prendre au sérieux »
« De nombreux élèves se sont sentis traités injustement après l’interdiction de nombreuses manifestations propalestiniennes », raconte Mme Debour.
Au lycée Ernst Abbe, voisin de son école, une bagarre a éclaté entre un professeur et un élève qui avait emporté un drapeau palestinien. A la suite de cette affaire, les écoles berlinoises ont été autorisées à interdire les symboles palestiniens s’ils sont utilisés pour glorifier les actes du Hamas, organisation considérée comme terroriste par Israël, l’UE et les Etats-Unis.
Réfugiée palestinienne arrivée à Berlin à 6 ans, Jouanna Hassoun, intervenante régulière dans les écoles avec Shai Hoffmann, Israélo-Allemand, prône le dialogue avant tout.
« Il est important de prendre au sérieux les histoires et la souffrance des familles palestiniennes pour que les jeunes s’ouvrent. A l’école, ils peuvent réfléchir et peut-être changer de position », dit-elle.
Depuis des années, les établissements à forte proportion d’élèves musulmans s’efforcent d’apaiser les tensions, en invitant par exemple ensemble un rabbin et un imam ou un rescapé de la Shoah.
Au collège Rütli, où beaucoup de jeunes filles portent le voile, autorisé dans les écoles allemandes, Mme Debour propose un cours intitulé « Israël-Palestine », avec à la clé un voyage en Israël, pour l’instant reporté.
« Le pire qui pourrait arriver c’est que chacun reste dans sa bulle médiatique », avertit-elle.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel