Comment l’accord avec Abou Dhabi a pu voir le jour
Des initiatives du Mossad à l'intense ballet diplomatique américain : Yossi Cohen a effectué plusieurs visites aux Emirats arabes unis pour négocier l'accord historique

Le directeur de l’agence de renseignement du Mossad a effectué plusieurs visites aux Emirats arabes unis pour négocier l’accord historique visant à normaliser les liens entre les Emirats arabes unis et Israël. C’était l’homme clef de Jérusalem pour arranger l’accord, ont rapporté jeudi des médias.
L’accord a été facilité par la coopération entre les deux pays dans la lutte contre le coronavirus, selon des informations de jeudi de la Douzième chaîne et du New York Times.
Un autre article publié sur le site d’information Walla affirmait que cette réussite diplomatique a eu lieu il y a deux mois. L’intention affichée d’Israël d’annexer des parties de la Cisjordanie a joué un rôle clef pour accélérer l’accord.
L’année dernière, Yossi Cohen, le chef du Mossad, a fait plusieurs déplacements secrets aux Emirats arabes unis. Le Mossad s’est arrangé pour expédier des cargaisons secrets d’équipements médicaux depuis Israël vers les Emirats arabes unis après le début de l’épidémie, a rapporté le Times.
Cohen a souvent rencontré des représentants des Emirats arabes unis, de l’Arabie saoudite, du Qatar, de la Jordanie et de l’Egypte dans un effort étalé sur plusieurs années pour bâtir des relations avec les pays du Golfe, a déclaré le Times.
La Douzième chaîne a précisé que la création de relations avec les Etats arabes est considérée comme étant du ressort du Mossad.
Plus tôt cette année, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait annoncé son intention d’annexer la Vallée du Jourdain – environ 30 % de la Cisjordanie – et toutes les implantations le 1er juillet, avec le soutien de l’Administration du président américain Donald Trump. Cela a provoqué la colère et la préoccupation des Emirats arabes unis qui ont fustigé la décision à la fois publiquement et en privé, a rapporté le site d’information Walla.
Pourtant, l’article expliquait que cela s’est transformé en opportunité après que Yousef al-Otaiba, l’ambassadeur émirati aux Etats-Unis, a proposé à la fin juin l’idée de normaliser les relations en échange d’un arrêt des projets d’annexion. La proposition a été faite au représentant spécial de Trump pour les négociations internationales, Avi Berkowitz.
Jared Kushner, le beau-fils et conseiller de Trump, aurait aimé l’idée et a demandé à Berkowitz de travailler dessus. Le 27 juin, Berkowitz s’est rendu en Israël et il a rencontré trois fois Netanyahu en autant de jours.

Berkowitz aurait demandé de faire des concessions de terre aux Palestiniens en échange de l’annexion, ce qui a provoqué la colère de Netanyahu. L’enthousiasme américain aurait ensuite été refroidi par le fait que le ministre de la Défense Benny Gantz et le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi, tous les deux de Kakhol lavan, ont dit à Berkowitz qu’ils s’opposaient à l’annexion à ce moment-là et qu’ils préféraient se focaliser sur la crise du coronavirus.
Walla a cité un haut responsable de la Maison Blanche comme ayant déclaré que lors de l’une de ses rencontres avec le Premier ministre, Berkowitz a présenté l’idée d’une normalisation avec les Emirats arabes unis en échange d’un retrait du projet d’annexion. Netanyahu a répondu qu’il était ouvert à l’idée si elle était sérieuse.
Depuis lors, des officiels américains ont mené des négociations intensives avec des officiels israéliens et émiratis sur le sujet. Cela a conduit à l’appel téléphonique de jeudi entre Trump, Netanyahu et le dirigeant de facto des Emirats arabes unis Mohammed ben Zayed Al Nahyan.
« Nous parlons de cela depuis plus d’un an, mais la question de l’annexion a créé l’atmosphère dans laquelle un accord devenait plus atteignable », a déclaré un officiel de la Maison Blanche.
En ce qui concerne les efforts de Cohen, un communiqué du Bureau du Premier ministre jeudi soir notait que Netanyahu l’avait appelé et « l’avait remercié pour l’aide du Mossad au fil des années afin de développer des liens avec les nations du Golfe, ce qui a permis de faire aboutir l’accord de paix ».
Vendredi matin, la Douzième chaîne d’information a rapporté que plusieurs anciens hauts responsables israéliens avaient appelé Cohen la veille afin de le féliciter pour son travail.
« Je ne pensais pas qu’il y aurait autant d’émotion », aurait dit jeudi Cohen cité par la chaîne. « C’est un peu comme un écolier ».
« Hier a été une journée très excitante pour le Mossad, a-t-il dit. Notre travail au Mossad n’est pas seulement d’empêcher la guerre ou d’arrêter des attaques terroristes contre Israël, mais aussi d’identifier les opportunités pour la paix à travers la région et de tout donner pour la promouvoir. C’est ce que nous avons fait, et il y a un sentiment d’énorme satisfaction pour tous les employés du Mossad qui ont travaillé dur sur cet effort important et contribué à son développement. Je suis fier d’eux ».
Vendredi, Netanyahu a également remercié l’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis Ron Dermer, en soulignant qu’il avait aidé à la concrétisation de l’accord. « Il a travaillé tranquillement en coulisses avec une grande détermination et compétence avec son homologue emirati et l’équipe de la Maison Blanche pour réaliser cela », a tweeté Netanyahu, en faisant référence à al-Otaiba.
Jérusalem et Abou Dhabi, qui partagent un ennemi commun en l’Iran, avait déjà établi de bonnes relations en matière de sécurité et de renseignement. Officiellement secrètes, ces relations étaient un secret de polichinelle.
L’opposition commune à l’Iran a été un facteur décisif dans la décision de normaliser les relations, et des accords sécuritaires entre les deux Etats continueront et seront renforcées à l’avenir, a déclaré la Douzième chaîne.

Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyan, sourit lors d’une rencontre avec le président Donald Trump à la Maison Blanche à Washington. (AP Photo / Andrew Harnik, File)
En juin, Netanyahu a annoncé qu’Israël et les Emirats arabes unis coopéraient dans le combat contre l’épidémie. Le mois dernier, des entreprises d’Israël et des Emirats arabes unis ont signé un accord pour associer leurs forces afin de rechercher et de développer des technologies de lutte contre le coronavirus.
Group 42, une entreprise du secteur technologique basée à Abou Dhabi, a signé un mémorandum d’accord avec Rafael Advanced Defense Systems et Israel Aerospace Industries, selon l’agence de presse de l’état WAM.
Ces derniers mois, deux vols directs depuis les Emirats arabes unis ont atterri à l’aéroport international Ben Gurion avec de l’aide à destination de l’Autorité palestinienne, dans ce qui a été vu comme un signe supplémentaire de normalisation avec Israël. L’AP a refusé l’aide pour cette raison.

En mai, un officiel dans l’un des hôpitaux de pointe d’Israël a déclaré que plusieurs états du Golfe, notamment les Emirats arabes unis et le Bahreïn, étaient activement engagés dans la coopération avec le système de santé israélien.
La cargaison contenant 100 000 tests de coronavirus livrés en Israël en mars par le Mossad provenait des Emirats arabes unis, a rapporté le site d’information Ynet.
Netanyahu, Trump, et son beau-fils et conseiller Jared Kushner ont tous dit jeudi qu’ils s’attendaient à ce que plus d’Etats arabes suivent la voie ouverte par les Emirats arabes unis et normalisent leurs liens avec Israël.