Coronavirus : la désinformation russe et chinoise prend racine en Europe
Sur Twitter et Facebook, les articles francophones et germanophones partagés par des médias tels que RT ou Sputnik ont plus d'écho que ceux du "Monde" ou du "Spiegel"

Les informations erronées sur le coronavirus diffusées par des médias russes et chinois font plus d’audience sur les réseaux sociaux en France et en Allemagne que les contenus de certains grands journaux, selon une étude publiée lundi.
Sur Twitter et Facebook, les articles francophones et germanophones partagés par des médias tels que RT ou Sputnik ont plus d’écho que ceux du quotidien Le Monde ou du magazine Der Spiegel, selon ce rapport de l’Oxford Internet Institute.
L’institut a examiné pendant trois semaines les contenus générés par les principaux médias russes et chinois, ainsi que par des médias iraniens et turcs contrôlés par l’État ou étroitement liés aux régimes au pouvoir.
L’étude s’est notamment intéressée à la chaîne de télévision russe RT, à l’agence de presse Sputnik, au réseau de télévision China Global Television Network (CGTN), à Radio Chine Internationale (CRI) et à l’agence de presse Chine nouvelle.
Dans leurs publications en français, allemand ou espagnol, ces médias ont « politisé le coronavirus en critiquant les démocraties occidentales, en faisant l’éloge de leurs pays d’origine et en promouvant des théories du complot sur les origines du virus », selon l’institut.
Le rapport mesure l’engagement des internautes, via le nombre de fois qu’un utilisateur partage ou aime un article sur Facebook, le commente ou le retweete sur Twitter. L’étude porte sur les 20 articles les plus populaires de chaque organe de presse entre le 18 mai et le 5 juin.
Le contenu en français de RT obtient une moyenne d’engagement de 528 sur Facebook et Twitter, et Chine nouvelle un score de 374, contre 105 pour le journal Le Monde.
En allemand, les articles de RT obtiennent un score de 158 sur Facebook et Twitter, contre 90 pour Der Spiegel.
« L’essentiel du contenu de ces médias est basé sur des faits. Mais, surtout si vous regardez les médias russes, ils ont un objectif qui est de discréditer les pays démocratiques », déclare à l’AFP Jonathan Bright, chercheur à Oxford.
« La trame subtile du propos général est que la démocratie est sur le point de s’effondrer, » ajoute-t-il.
Des recherches antérieures de l’institut, publiées en avril, avaient déjà mis en évidence la pénétration de ces médias sur les marchés anglophones, révélant que certains de leurs articles pouvaient atteindre des niveaux d’engagement jusqu’à dix fois supérieur à ceux de la BBC par exemple.
Des niveaux d’engagement similaires ont été observés dans le contenu en langue espagnole, notamment pour le média iranien HispanTV qui, selon le rapport, promeut des « sentiments anti-américains » pour des audiences en Amérique latine.
« Une part importante des contenus consommés sur les réseaux sociaux est directement financée par des gouvernements étrangers, note Jonathan Bright, et il n’est pas très clair pour le lecteur que c’est le cas. »
La semaine dernière, la Chine a menacé de riposter après une décision des Etats-Unis de classer quatre de ses médias – la Télévision centrale de Chine (CCTV), l’agence China News Service, le Quotidien du Peuple et le Global Times – comme « missions diplomatiques étrangères », rejoignant China Global Television Network, Radio Chine Internationale et Chine nouvelle, déjà désignés par Washington comme des acteurs sponsorisés par l’État.