Dans la campagne australienne, un musée de la Shoah redouble d’efforts depuis le 7 octobre
La stratégie du Queensland Holocaust Museum s'adapte à ses visiteurs, qui n'ont pour la plupart jamais rencontré de Juifs, pour délivrer un message de tolérance
MELBOURNE – Dotée d’un très petit nombre de synagogues à Brisbane et d’une maison Habad dans le nord de l’État, loin de tout, la communauté juive du Queensland, en Australie, fait depuis toujours pâle figure comparée aux communautés juives plus importantes et mieux établies à Melbourne, Sydney ou Perth.
Mais en août dernier, l’ambassadeur d’Israël en Australie, Amir Maimon, a fait le long voyage de Canberra vers le nord pour visiter le tout premier musée juif du Queensland – le musée de la Shoah de Brisbane qui venait d’ouvrir ses portes fin juin.
Le Queensland est surtout connu pour sa célèbre Grande Barrière de Corail et ses plages de surf de premier ordre. Sa petite communauté juive ne compte que 5 000 personnes sur une population totale de 5,5 millions.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Les Juifs ne représentent que 0,01 % de la population de l’État, aussi la plupart des habitants du Queensland ne rencontreront-ils jamais de Juif et auront probablement une compréhension limitée de la culture et des traditions juives. C’est précisément à la sensibilisation de l’une des populations les plus en croissance de toute l’Australie que s’attaque le Musée de la Shoah du Queensland.
« Le rôle de ce musée est on ne peut plus pertinent depuis les attaques du 7 octobre contre Israël », affirme Danny Berkovic, membre du conseil d’administration du musée. « Sensibiliser le public australien aux conséquences extrêmes de l’intolérance est extrêmement pertinent au regard du conflit en Israël. »
Le 7 octobre, des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut la frontière de Gaza, dans le sud d’Israël, avant de tuer près de 1 200 personnes, essentiellement des civils, et faire 253 otages, dont plus de 130 sont toujours dans la bande de Gaza.
L’ampleur – et la brutalité avec laquelle des familles entières, femmes, personnes âgées, nourrissons ont été assassinés de sang-froid – a conduit le gouvernement israélien à prendre la résolution d’en finir avec l’organisation terroriste du Hamas et la menace qu’elle fait peser sur des Israéliens innocents. Mais cette opération militaire dans la bande de Gaza, destinée à démanteler le Hamas et à libérer les otages israéliens, s’est accompagnée d’une résurgence de l’antisémitisme partout dans le monde – Australie comprise.
« Dans cet État australien, dont une grande partie de la population n’a peut-être jamais rencontré de Juifs, une intense désinformation circule sur la Shoah », explique Berkovic. « Nous espérons que ce musée contribuera à éclairer les habitants du Queensland sur l’un des chapitres les plus tragiques de l’histoire de l’humanité, et plus globalement, sur la tolérance. »
Berkovic ne doute pas de l’importance stratégique du musée dans le Queensland.
« Plus de 80 % de la population juive d’Australie vit à Sydney et Melbourne. Si nous nous contentons de parler de la Shoah dans ces seules villes, alors nous manquons une occasion de sensibiliser un bien plus grand nombre d’Australiens qui ne se posent pas forcément de questions à propos de l’intolérance raciale », ajoute-t-il.
Appliquer les leçons de la Shoah
Jason Steinberg est le président du Conseil des députés juifs du Queensland. C’est en partie grâce à son action acharnée, ces dix dernières années, que le Queensland Holocaust Museum a vu le jour. Né et élevé dans le Queensland, Steinberg travaille pour une multinationale spécialisée dans l’ingénierie et le conseil, en plus de ses actions de bénévolat au sein de sa petite communauté.
« Si les gens comprennent la Shoah et son impact sur le peuple juif et d’autres communautés, alors ils en tireront les enseignements, au quotidien, en se montrant plus respectueux d’autrui et en favorisant le multiculturalisme », affirme Steinberg.
Le projet a bénéficié d’une forte accélération, en 2019, lorsque l’ex-trésorier d’Australie, le juif Josh Frydenberg, a annoncé son intention de créer des musées consacrés à la Shoah dans chaque État et territoire australien. En plus des 3,5 millions de dollars australiens (2,3 millions de dollars) apportés par le gouvernement fédéral, le Queensland Holocaust Museum a bénéficié de subventions locales, et notamment de plus de 4 millions de dollars australiens (2,6 millions de dollars) du gouvernement de l’État du Queensland et du conseil municipal de Brisbane.
« J’ai de la chance d’avoir pu défendre les intérêts de notre communauté et faire émerger le tout premier musée de la Shoah », concède Steinberg. « Nous avons également eu beaucoup de chance que les lieux nous aient été concédés par l’archidiocèse catholique de Brisbane », ajoute-t-il, soulignant l’emplacement privilégié du musée dans le centre-ville de la capitale.
A l’origine, on estimait que le Queensland n’abritait que quelques dizaines de survivants de la Shoah, mais aujourd’hui, la petite équipe du musée en a dénombré plus de 200 et redouble d’efforts pour rendre hommage à la résilience de la communauté du Queensland. Le musée sera également un lieu d’enseignement, de sensibilisation et de dialogue sur les questions relatives aux droits de l’homme et à la prévention des génocides.
« La communauté des survivants est très honorée que l’histoire de leur famille soit portée à la postérité dans le cadre de ce musée, et c’est aussi très émouvant pour les descendants », précise Steinberg.
Une approche en trois phases
Le musée se compose de trois parties : un musée physique à Brisbane, un musée itinérant qui se rendra un peu partout dans l’État, à commencer par Townsville, et enfin un musée en ligne relatant l’histoire des rescapés de la Shoah du Queensland.
L’impact du musée est susceptible de se faire sentir un peu partout dans ce très vaste État.
Le rabbin Ari Rubin dirige la Maison Habad à Cairns, destination de vacances tropicale située dans l’extrême nord du Queensland. En 2023, il a publié un éditorial dans le principal journal local pour dénoncer l’antisémitisme suite à un incident impliquant un employé d’une entreprise bien connue de contrôle de la circulation, qui avait arpenté Cairns avec un panneau d’affichage électrique sur lequel on pouvait lire : « Les Juifs sont responsables du 11 septembre ».
Dans cette ville de 150 000 habitants, qui compte dans ses rangs 500 Juifs, il y a fort à parier que l’auteur de ce message de haine n’avait jamais rencontré de Juif.
Rubin est particulièrement heureux du travail du musée itinérant dans la sensibilisation des habitants.
« Je tiens à ce que les enfants non-juifs, dans les écoles, sachent deux ou trois choses de la Shoah », dit-il.
Il est conscient que ses propres enfants et d’autres membres de sa communauté ont pu être victimes de harcèlement en raison de leur judéité, et il espère que le travail de ce musée itinérant changera les choses.
« Je connais des enfants en souffrance, harcelés parce que juifs, et qui cachent ce qu’ils sont. J’espère que cela améliorera les choses pour eux », confie-t-il.
Le Queensland, qui accueillera les Jeux olympiques en 2032, devrait voir sa population doubler d’ici 2046, ce qui ne fera que conforter son importance stratégique au sein de l’Australie.
« La population du Queensland se concentre dans les grandes villes et dans un vaste outback. Notre musée en ligne va permettre de sensibiliser à la question de la Shoah des personnes qui ne peuvent pas se rendre au musée de Brisbane ni même à la rencontre de notre musée itinérant », conclut Berkovic. « Personne n’a intérêt à laisser de côté une population qui s’élèvera à plus de 10 millions d’habitants d’ici 2060. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel