Israël en guerre - Jour 647

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Analyse

Dans quelle mesure les Haredim sont-ils susceptibles de renverser le gouvernement ?

Alors que Shas et Yahadout HaTorah brandissent la menace d'élections pour forcer Netanyahu à faire des concessions sur la question de l'enrôlement, un membre de la coalition estime à 20 % les chances que la Knesset soit dissoute

Le président du parti Shas et ministre de l'Intérieur, Aryeh Deri, vote dans un bureau de vote à Jérusalem, lors des élections à la Knesset, le 2 mars 2020 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le président du parti Shas et ministre de l'Intérieur, Aryeh Deri, vote dans un bureau de vote à Jérusalem, lors des élections à la Knesset, le 2 mars 2020 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Mercredi dernier, les chefs spirituels de Degel Hatorah, l’une des deux factions qui composent le parti ultra-orthodoxe YaHadout HaTorah, ont ordonné à leurs députés de présenter un projet de loi visant à dissoudre la Knesset en raison de l’échec de la coalition à adopter une loi qui exempterait officiellement les étudiants des yeshivot des obligations du service militaire.

Le lendemain, les chefs spirituels du parti hassidique Agudat Yisrael, membre de YaHadout HaTorah, leur ont emboîté le pas. Son Conseil des sages de la Torah a apporté son soutien à la tenue de nouvelles élections.

Encouragés par les fissures apparues au sein de la coalition, les partis d’opposition Yesh Atid, Yisrael Beytenu, HaMahane HaMamlahti et Les Démocrates ont annoncé qu’ils présenteraient un projet de loi visant à dissoudre la Knesset dès mercredi.

Toutefois, avec seulement sept sièges au sein du Parlement, le parti YaHadout HaTorah n’a pas la capacité à lui seul de faire tomber le gouvernement. La coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu détient actuellement 68 des 120 sièges parlementaires.

Ainsi, toute tentative en ce sens de la part de Yahadout HaTorah nécessiterait la coopération du parti séfarade Shas, qui a annoncé lundi matin qu’il voterait également en faveur de la dissolution de la Knesset.

Mais quelle est la probabilité que les Haredim finissent par renverser le gouvernement ? Et si tel était le cas, comment se déroulerait le processus de dissolution de la Knesset ?

Négociations sur le projet de loi sur l’enrôlement

Au cœur de la crise actuelle se trouve la frustration des dirigeants ultra-orthodoxes à l’égard de Yuli Edelstein, député élu sous l’étiquette du Likud. En tant que président de la puissante commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Edelstein bloque – depuis longtemps – l’adoption d’un projet de loi soutenu par le gouvernement qui prévoit d’exempter de manière générale les Haredim du service militaire, comme le demandent le Shas et Yahadout HaTorah. Il s’est engagé à ce que toute loi issue de sa commission impose de lourdes sanctions financières aux récalcitrants.

Le député du Likud Yuli Edelstein préside une réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le 23 avril 2025. (Crédit : Noam Moskowitz, Bureau du porte-parole de la Knesset)

Selon certaines informations, le projet de loi révisé par la commission d’Edelstein comprend une série de sanctions sévères – avec notamment la perte des rabais qui sont traditionnellement accordés aux ultra-orthodoxes en matière de taxe foncière et de transports publics, la suppression des avantages fiscaux en direction des femmes actives mariées à des déserteurs, l’exclusion des tirages au sort organisés pour l’attribution d’un logement et la suppression des subventions versées pour la garde des enfants et pour soutenir les études académiques.

Le texte empêcherait également les insoumis – et ce jusqu’à l’âge de 29 ans – d’obtenir un permis de conduire ou de voyager à l’étranger et les exposerait à des risques d’arrestation.

C’est le refus d’Edelstein de revenir sur son positionnement, au cours des dernières négociations avec les Haredim, des discussions qui ont été menées par Netanyahu, qui a amené les dirigeants de Degel HaTorah à soutenir la dissolution de la Knesset. Même si le Premier ministre a affiché une plus grande flexibilité – quoique relative – lors des pourparlers qui ont suivi, ces derniers jours, cela n’a pas suffi à empêcher le Shas de suivre l’exemple de Yahadout HaTorah.

Selon la chaîne d’information N12, Edelstein s’est déclaré prêt à renoncer à maintenir les réductions d’impôts. Il a ajouté qu’il était également prêt à autoriser les récalcitrants ultra-orthodoxes au service à bénéficier d’allégements fiscaux pour l’achat de leur premier appartement.

Néanmoins, des divergences importantes subsistent – le député continuant d’insister pour que des sanctions soient appliquées sans tarder, tandis que les Haredim appellent à ce que toute pénalité envisagée soit reportée d’un an, dans le but manifeste d’alléger les pressions qui pèsent sur les fraudeurs.

Un intérêt à préserver la Knesset

Toutefois, malgré les propos virulents tenus par le parti à l’encontre d’Edelstein (le chef spirituel de la formation a estimé que « son âme est une abomination »), de nombreux experts soulignent que le Shas a intérêt à préserver l’unité de la Knesset – tout du moins pour l’instant.

Le parti est en train de mener une campagne concertée qui vise à obtenir la nomination de rabbins proches de la faction à des postes municipaux dans tout le pays, renforçant ainsi son appareil politique à long-terme.

« Ils ont d’ores et déjà désigné quelques rabbins dans les municipalités et il reste environ 50 postes à pourvoir », explique le rabbin Seth Farber, directeur de l’organisation à but non-lucratif ITIM, qui aide les Israéliens à naviguer à travers la bureaucratie religieuse du pays.

Le général de division David Zini (à gauche), saluant un soldat ultra-orthodoxe enrôlé dans la nouvelle brigade haredi de Tsahal, dite « brigade hasmonéenne », le 5 janvier 2025. (Crédit : Armée israélienne)

Selon Farber, si aucune loi n’interdit de continuer à nommer des rabbins municipaux après la dissolution de la Knesset, dans la pratique, « s’il y a des élections anticipées, il est évident que tout devra s’arrêter que dès que la date des élections sera fixée ».

De plus, l’opposition a promis de faire avancer la problématique de la conscription des ultra-orthodoxes dès son arrivée au pouvoir, limitant ainsi les options des partis haredim et amenant un grand nombre à penser que la crise actuelle représente plutôt une tentative qui vise à faire pression sur Netanyahu pour obtenir des concessions, ce qui éloignerait le spectre d’une véritable campagne dont l’objectif serait d’entraîner le renversement du gouvernement.

« Les Haredim savent qu’il n’y a pas d’autre coalition possible et une fois qu’ils auront constaté que les choses ont bougé dans la direction attendue, ils se rallieront à nouveau au gouvernement », confie au Times of Israel une source issue de la coalition, s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Estimant à environ 20 % les chances que le gouvernement soit renversé, la source note que même si la lecture préliminaire du projet de loi visant à dissoudre la Knesset devait être adoptée mercredi, la coalition tentera de faire traîner le processus législatif aussi longtemps que possible.

« Le 23 juillet est le dernier jour de la séance plénière avant le congé estival. Soit le gouvernement utilise cette journée pour convenir d’une date pour les élections, soit nous sommes en congé. Je ne m’attends à rien avant cela », continue-t-il tout en reconnaissant que « bien sûr, la situation peut devenir très dysfonctionnelle d’ici là ».

Des manifestants ultra-orthodoxes résistent aux forces de police lors d’une manifestation contre la conscription des jeunes haredim près de Bnei Brak, le 5 juin 2025. (Crédit : Erik Marmor/Flash90)

« Netanyahu peut intervenir et pousser Yuli Edelstein à accepter de lever une grande partie des sanctions – et alors peut-être que le Shas apportera-t-il son soutien » à un compromis sur la formulation du projet de loi et qu’il renoncera à ses menaces, reconnaît Yisroel Cohen, un journaliste ultra-orthodoxe proche des partis haredim. « Peut-être que ce sera également le cas de Degel HaTorah. »

« Disons-le ainsi », poursuit Cohen. « Si vous me demandez s’il y aura trois lectures [du projet de loi de dissolution du Parlement], je ne pense pas qu’il sera adopté. Une solution sera trouvée avant ».

Revirement de situation ?

Selon le site d’information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim, le ministre des Affaires de Jérusalem, Meir Porush, aurait œuvré en coulisses, ces derniers jours, pour faire revenir sa faction Agudat Yisrael sur sa décision de soutenir la dissolution de la Knesset.

Porush aurait agi au nom de plusieurs rabbins de haut-rang qui sont opposés à cette décision, avec parmi eux Yissachar Dov Rokeach, le chef de la secte hassidique Belz, qui estime que le gouvernement ne doit pas être renversé alors que le pays est en guerre.

« Une majorité de la population et la plupart des responsables haredim comprennent qu’il est irresponsable de dissoudre la Knesset en ce moment », a fait savoir le site, qui a cité les propos tenus par des sources proches du dossier.

Le ministre des Affaires de Jérusalem, Meïr Porush, lors d’une séance plénière, à la Knesset, le 15 avril 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Que va-t-il se passer maintenant ?

Un projet de loi visant à dissoudre la Knesset est similaire à toutes les autres législations et il doit être adopté en trois lectures (après un vote préliminaire) en séance plénière de la Knesset pour être définitivement approuvé – même si, contrairement aux autres lois, il nécessite une majorité minimale de 61 voix pour être adopté en dernière lecture.

Le docteur Assaf Shapira, directeur du programme de réforme politique de l’Institut israélien pour la démocratie. (Crédit : Oded Antman)

Comme tous les autres projets de loi, s’il est rejeté en séance plénière, les législateurs ne pourront pas le représenter avant un certain temps.

« C’est donc là leur principal dilemme – dans la mesure où s’ils le soumettent au vote et qu’il est rejeté, ils ne pourront en principe pas le présenter à nouveau avant six mois. Je pense donc qu’ils ne le soumettront pas au débat et au vote à moins d’être sûrs d’obtenir la majorité ou d’au moins remporter la lecture préliminaire » explique Assaf Shapira, directeur du programme de réforme politique au sein de l’Institut israélien pour la démocratie, au Times of Israel.

Et même si une telle loi peut être présentée et approuvée « en théorie en un ou deux jours », ajoute-t-il, il est également possible de jouer « la carte politique » en essayant de la bloquer en commission. Toutefois, conclut-il, « si les partis ultra-orthodoxes décident de soutenir cette loi, elle sera probablement adoptée ».

La loi stipule également que les élections doivent avoir lieu dans les cinq mois qui suivent une éventuelle dissolution de la Knesset, le texte portant sur la demande de dissolution précisant la date exacte du scrutin.

Shapira prédit que si la loi devait être rapidement adoptée, un nouveau scrutin serait alors prévu après les grandes fêtes juives, « à la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre. »

Si tel était le cas, cela entraînerait probablement un gel de toutes les lois relatives à l’enrôlement militaire des jeunes ultra-orthodoxes – « ce qui offrirait un répit aux haredim« , fait-il remarquer.

Mais ils pourraient bien ne pas obtenir un gouvernement plus favorable à leur cause.

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