David Strathairn est Jan Karski dans l’émission de TV « Remember This »
Le célèbre acteur y raconte l’histoire de ce héros catholique qui s’est introduit dans le ghetto de Varsovie afin de témoigner à la face du monde des atrocités nazies
JTA – En tant que catholique romain à Varsovie pendant la Seconde Guerre mondiale, Jan Karski aurait facilement pu ignorer les horreurs qui se déroulaient derrière les murs du ghetto juif.
Tout au contraire, en sa qualité de membre de la résistance polonaise, il a revêtu une étoile jaune et s’est infiltré dans le ghetto de Varsovie pour rendre compte de ce qui arrivait aux Juifs.
La présence de Karski, dans le ghetto comme ailleurs, a permis à l’Occident de disposer des premiers témoignages sur la Shoah.
Cela lui a même valu de rencontrer le président américain Franklin D. Roosevelt, en 1943, pour expliquer ce qu’il avait vu.
Les informations qu’il lui a données n’ont pas amené Roosevelt à intervenir avec davantage de force.
Karski est décédé en 2000, à l’âge de 86 ans, et il a reçu à titre posthume la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction des États-Unis.
En dépit de son rôle unique dans l’histoire, son nom est assez peu connu dans le pays dont il a fait son foyer.
Les producteurs du one-man show qui lui a été consacré, le 13 mars dernier, espèrent que leur mise en scène de « Remember This: The Lesson of Jan Karski » sur PBS aidera à faire changer les choses.
Karski est interprété par David Strathairn, acteur de tout premier plan qui s’est fait une spécialité de camper des personnages historiques.
« Remember This: The Lesson of Jan Karski », de Clark Young et Derek Goldman, s’est joué pour la toute première fois en 2019 à l’Université de Georgetown, où Karski a enseigné jusqu’à sa retraite en 1984.
Au plus fort de la pandémie de coronavirus en 2020, la pièce a été transformée en un film en noir et blanc, réalisé par Goldman et Jeff Hutchens, tourné en six jours sur une scène de Brooklyn.
La reprise de PBS donne à cette pièce un écho et un public inédits, et sa première diffusion, lundi soir, a été suivie du documentaire « Remembering Jan Karski ».
Ce documentaire est produit par « Exploring Hate » de WNET Group, qui diffuse des reportages sur l’origine du regain de la haine en Amérique et ailleurs dans le monde.
« Nous partageons avec les artistes l’espoir qu’à force d’en parler d’une manière marquante, une prise de conscience est possible, mais l’enjeu est énorme et le risque de ne prêcher que pour des convertis, bien réel », explique à la Jewish Telegraphic Agency Goldman.
« C’est pourquoi j’espère que PBS et cette série ‘Exploring Hate’ permettront de mieux sensibiliser à l’action de Karski. »
Strathairn interprète le rôle de Karski depuis la première mise en scène de la pièce, en 2014, pour la célébration du centenaire de Karski.
Strathairn est connu pour avoir incarné nombre de personnages historiques, comme Edward R. Murrow, le journaliste américain qui a diffusé depuis l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, dans « Good Night, and Good Luck » en 2005, ou Roosevelt, dans « Darkest Hour », en 2017, sur l’attitude de l’Angleterre dans l’avant-guerre.
« L’accueil du public a été au-delà de nos espérances, jusqu’aux proches de Karski, qui disent de David qu’il en a livré une interprétation très profonde », a déclaré Goldman à la JTA.
« Ils ont dit que c’était comme s’il était vivant. »
Goldman, qui enseigne à Georgetown, n’a jamais rencontré Karski. L’idee de la pièce lui est venue des centaines d’anciens collègues et étudiants, en plus des mémoires et des interviews de Karski.
« Je pense que ce qui rend l’histoire de Karski si intéressante, c’est qu’elle parle d’alliance. On y parle de l’importance de témoigner, au-delà des différences. De notre propre responsabilité individuelle face au monde. De notre tendance naturelle à nous voiler la face », a déclaré Goldman.
C’est pour toutes ces raisons que Goldman estime que « Remember This » est une pièce d’actualité, même si l’essentiel de ce qui s’y dit s’est déroulé il y a 80 ans.
Ce mois d’avril marque en effet le 80e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, la plus longue résistance contre les nazis qui a eu lieu à l’endroit même où Karski s’était rendu quelques mois plus tôt.
Bien des années ont passé depuis que Karski a tiré la sonnette d’alarme pour la première fois, ce qui n’empêche pas que certains nient encore la réalité de la Shoah.
Goldman sait qu’il est peu probable que ces personnes s’intéressent à cette émission, mais il est bien décidé à faire en sorte d’atteindre ceux qui ont besoin d’entendre le message de Karski.
« Je suis totalement dans l’immédiateté et l’instant présent », a souligné Goldman.
« Je pense que l’une des choses que le théâtre fait bien, et ce depuis des milliers d’années, est de nous réunir dans un même lieu pour voir et témoigner de ce qui se passe dans le monde, alors que nous pourrions tout simplement le nier ou l’ignorer. C’est une question à l’évidence au coeur de ce travail. »