Découverte d’un palais antique pillé par l’État islamique, sous le tombeau de Jonas
Des archéologues en Irak ont découvert le palais des rois Sennachérib et Assarhaddon dans les tunnels creusés pas l'État islamique en dessous du sanctuaire
Des archéologues en Irak affirment avoir fait une découverte inattendue sous un site détruit par l’État islamique, lieu qui a été considéré traditionnellement comme le tombeau du prophète biblique Jonas.
Ils ont trouvé, sous un monticule couvrant l’ancienne ville de Nineveh, en dessous d’un sanctuaire détruit par l’État islamique, un palais auparavant inconnu construit au VIIe siècle avant l’ère commune pour le roi assyrien biblique Sennachérib et rénové par son fils Assarhaddon.
Le sanctuaire de Nabi Younus à Mossoul – qui était construit sur le lieu de sépulture réputé d’un prophète connu dans le Coran comme Yunus et dans la Bible comme Jonah – était un site de pèlerinage très fréquenté.
En juillet 2014, quelques semaines après l’invasion de Mossoul et de la plupart des pays sunnites d’Irak, des militants de l’État islamique ont piegé le sanctuaire et l’ont fait exploser, suscitant ainsi l’indignation de la communauté internationale.
À la mi-janvier, les troupes irakiennes à Nineveh ont libéré le site.
« Il est beaucoup plus endommagé que ce que nous imaginions », a déclaré le ministre de la Culture, Salim Khalaf.
Mais l’État islamique a également creusé des tunnels sous le sanctuaire à la recherche d’artefacts à piller.
L’archéologue irakienne Layla Salih a déclaré au Daily Telegraph (Grande-Bretagne) qu’elle avait découvert dans les tunnels une « inscription en marbre cunéiforme du roi Assarhaddon qui date de l’empire assyrien en 672 avant l’ère commune.
Bien que le nom d’Assarhaddon n’apparaisse pas, le roi est décrit dans des termes qui n’étaient utilisés que pour se référer à lui, faisant référence à sa reconstruction de Babylone après la mort de son père.
Les chapitres 18 et 19 du livre biblique des Rois II décrivent la tentative infructueuse de Sennachérib pour conquérir Jérusalem. A son retour au palais, il fut assassiné par deux de ses fils, qui s’enfuirent, laissant à Assarhaddon les rênes du royaume.
« Là, pendant qu’il était prosterné dans le temple de son dieu Nisrokh, Adrammélec et Charécér, ses fils, le frappèrent de leur glaive et s’enfuirent dans le pays d’Ararat. Ce fut son fils Essar-Haddôn qui lui succéda », peut-on lire dans le verset 19:37 dans les Rois II.
Eleanor Robson, chef du British Institute for the Study of Iraq, a déclaré que la destruction du groupe terroriste avait ouvert la voie à une « découverte fantastique ».
« Les objets ne correspondent pas aux descriptions de ce que nous pensions trouver là-bas », a-t-elle dit, selon un article dans The Telegraph. « Il y a énormément d’histoire, pas seulement des pierres d’ornement. C’est l’occasion de cartographier enfin le trésor du premier grand empire du monde, depuis sa période la plus prospère. »
Cependant, l’État islamique a pillé de nombreux objets qui se trouvaient dans le palais. Khalaf estime que plus de 700 objets ont été pillés sur le site pour être vendus sur le marché noir.
À la recherche de trésors perdus
L’Irak se tourne vers Interpol et d’autres agences mondiales pour retrouver les trésors perdus. Conformément à la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies, tout commerce d’objets culturels en provenance d’Irak et de Syrie est illégal.
« Nous pensons qu’ils ont pris de nombreux objets, tels que de la poterie et des pièces plus petits, pour les vendre. Mais ce qu’ils ont laissé sera étudié et ajoutera beaucoup à notre connaissance de la période », a-t-elle dit.
Cependant, elle a également averti que les tunnels n’étaient pas construits de façon professionnelle et risquaient de s’effondrer dans les semaines à venir.
La ville de Mossoul est intimement liée à l’histoire de l’humanité, lorsque la civilisation s’est épanouie dans la légendaire et féconde Mésopotamie, il y a 4 400 ans.
Les historiens cherchent à sauver, réparer ou récupérer un précieux patrimoine après le règne des trois des djihadistes, alors que les forces irakiennes, soutenues par une coalition internationale, ont avancé dans leur lutte pour récupérer Mossoul des mains du groupe islamique.
Lors d’une réunion à Paris la semaine dernière, des responsables irakiens et des dizaines d’experts du monde entier ont convenu de coordonner les efforts pour restaurer le trésor culturel irakien.
Mais ils ont admis que le chemin à parcourir sera dur et long.
« Le principal défi est pour les Irakiens, qui devront faire face à cette tâche par eux-mêmes. Il est important d’autonomiser les gens », a déclaré Stefan Simon, directeur des initiatives mondiales du patrimoine culturel à l’université de Yale.
« C’est une situation déchirante », a-t-il ajouté. « La réhabilitation prendra beaucoup de temps. Ils ont besoin de patience. »
En 2014, au zénith du « califat » autoproclamé de l’État islamique en Syrie et en Irak, plus de 4 000 sites archéologiques irakiens ont été piétinés par les fanatiques sunnites.
Dans la seule région de Mossoul, dans le nord de l’Irak, « au moins 66 sites ont été détruits, certains ont été transformés en parcs de stationnements, des lieux de culte musulmans et chrétiens ont subi des destructions massives et des milliers de manuscrits ont disparu », a déclaré Qais Rashid à la conférence organisée par l’UNESCO.
C’est l’ancienne ville assyrienne de Nimrud, censée être nommé d’après le chasseur biblique Nimrod, qui a le plus souffert.
Le site a été détruit à 90 % par des djihadistes conduisant des bulldozers et des explosifs détonants.
Nineveh, autrefois la plus grande ville au monde, a été détruite à 70 %.
« Idolâtrie »
En ce qui concerne Mossoul, les historiens tremblent en pensant au destin probable du musée de la ville, le deuxième plus grand en Irak et une trésorerie d’artefacts anciens.
Après avoir subi des pillages pendant la guerre d’Irak de 2003, le musée était sur le point de rouvrir en 2014, quand l’État islamique s’est emparé de la ville.
Les djihadistes se sont immédiatement mis à détruire des objets de la période assyrienne et grecque. Ils disaient que ces objets promouvaient « l’idolâtrie ». Les découvertes sinistres de l’armée irakienne dans sa progression vers le bastion djihadiste de Mossoul occidental ont incité certains spécialistes à craindre le pire.
« Daesh a essayé mais n’effacera jamais notre culture, notre identité, notre diversité, notre histoire et les piliers de la civilisation », a déclaré le ministre irakien de l’Education, Mohammad Iqbal Omar, en employant la désignation arabe du groupe État islamique.
France Desmarais, du conseil international des musées (ICOM), un groupe, a déclaré qu’il y avait une longue et tragique histoire du trafic d’objets culturels du nord de l’Irak.
Cependant, « les guerres successives en Irak depuis 2003 ont créé des opportunités supplémentaires » pour le commerce, a déclaré Desmarais.
Des valeurs universelles
Les besoins à long terme de la préservation de l’histoire ancienne de l’Irak sont nombreux, à commencer par la sécurisation et la surveillance des sites, l’établissement d’un inventaire des articles qui sont en sécurité ou manquants, la restauration et la numérisation des manuscrits – une tâche qui en cours depuis dix ans.
Mais la culture incarne les valeurs universelles, « La culture, c’est plus que des monuments et des pierres – la culture définit qui nous sommes », dit Irina Bokova, chef de l’Unesco.
C’est un point de vue partagé par Najeeb Michaeel, un moine dominicain irakien qui a sauvé des centaines de manuscrits du XIIIe au XVIIIe siècle, et les a mis en sécurité dans le Kurdistan juste avant que l’État islamique n’ait commencé sa prise destructrice sur la plaine de Nineveh.
« Nous devons sauver l’homme et la culture », a dit Michaeel. « Vous ne pouvez pas sauver l’arbre sans sauver ses racines. »