Découvrez un kaléidoscope de mosaïques juives et laïques inédites
Jodi Magness, qui a lancé des fouilles en Galilée pour tenter de mettre fin à un vieux débat universitaire, a trouvé d'incroyables mosaïques - et le site continue de surprendre
Depuis 2012, une impressionnante collection de mosaïques représentant des scènes bibliques et historiques issues d’une synagogue de la fin de l’époque romaine située dans l’ancien village d’Huqoq en Galilée, a progressivement été dévoilée.
Décorées avec un souci particulier pour le détail, les mosaïques – jusqu’à maintenant conservées dans des emballages – parlent d’elles-mêmes.
En parallèle à la publication dans BASOR d’un rapport provisoire de 70 pages sur les fouilles de 2014-2017, la Dr Jodi Magness, archéologue en chef de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, a autorisé la publication rare d’images complètes et inédites de ces étonnantes et remarquables mosaïques.
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Les scènes racontent des histoires religieuses bien connues comme celle de Jonas et la baleine, l’arche de Noé et les soldats de Pharaon qui sont emportés par la mer Rouge et avalés par des dizaines de poissons. On retrouve aussi des zodiacs païens au centre du parterre, mais également un portrait de ce qui pourrait bien être la première scène purement non biblique dans une synagogue – toute ornée d’éléphants en armures.
Cette semaine, au cours d’une conversation téléphonique avec le Times of Israël accordée depuis la conférence annuelle des Ecoles américaines de Recherche orientale organisée à Denver, Magness a déclaré qu’elle avait un faible pour la mosaïque de Jonas.
Elle reconnaît cependant bien volontiers que choisir une mosaïque revient un peu à choisir son enfant préféré et que beaucoup de gens se focalisent sur la mosaïque de l’éléphant qui est vraiment « si spectaculaire ».
Se composant d’une armée prête au combat et d’éléphants en tenue militaire, la mosaïque des éléphants représente un tableau intéressant de deux groupes – l’un en armure et l’autre en robes blanches – qui pourraient bien être Alexandre le Grand, ou peut-être une représentation d’une alliance militaire passée entre les Séleucides et le grand prêtre hasmonéen, Jean Hyrcan.
Sur les mosaïques, on peut observer des animaux à l’apparence réaliste, notamment des chevaux, des singes, des ours, des chameaux, des léopards, des serpents, des moutons, des renards et des autruches, mais aussi des dizaines de poissons et autres créatures marines telles que des dauphins ou une pieuvre aux nombreuses tentacules.
On y voit également des créatures mythologiques comme cupidon et les harpies, qui sont utilisées pour représenter le vent dans la mosaïque de Jonas. Dans les histoires, on découvre aussi de nombreux moyens de transport, y compris des chariots à quatre roues, plusieurs navires et l’arche de Noé.
Dans une autre mosaïque, la Tour de Babel est érigée en utilisant une grande variété de mécanismes et de poulies. Pour illustrer les conflits qui ont eu lieu lors de sa construction, des combats éclatent en arrière plan avec des gens de différentes couleurs de peau, vêtus d’habits divers et ayant diverses coupes de cheveux.
Avec la publication de représentations intégrales, certains thèmes deviennent plus évidents que d’autres, comme le pouvoir et le respect immenses accordés à l’eau, mais aussi la connaissance biblique et historique solide dont disposaient les artisans de l’époque.
« La synagogue continue à dévoiler des mosaïques qui sont uniques. Cela nous aide à enrichir notre compréhension du judaïsme de l’époque », a déclaré Magness au Times of Israël.
La synagogue devait être un tourbillon de couleurs, de murs et de colonnes peintes, peut-être dans une sorte de contrepoint cacophonique au sol composé de mosaïque détaillées et colorées. Des restes d’écailles de plâtre indiquent des nuances de rose, de rouge, d’orange et de blanc.
Avec toutes ses couleurs, ses dessins muraux et son sol détaillé, la synagogue devait sans doute être une attraction il y a environ 1 600 ans, a suggéré le Times of Israël. Magness a ri : « Je pense qu’elle aurait été la synagogue la plus kitsch du monde ».
Un kaléidoscope d’incarnations
En 2011, quand Magness a commencé les fouilles dans les décombres du village arabe moderne de Yakuk qui se tenait sur le site jusqu’à ce qu’une explosion intentionnelle le détruise en 1948, elle ne cherchait pas les mosaïques colorées et brillamment exécutées pour lesquelles le site est maintenant réputé.
Elle cherchait plutôt des réponses à un débat vieux de plusieurs décennies parmi les chercheurs concernant la date des anciens lieux de culte juifs.
Comme l’indique le rapport de BASOR, en 1934, le père de l’archéologie israélienne, Eleazar Sukenik, a publié une typologie qui datait les synagogues de « type galiléen » aux 2e et 3e siècles. D’autres lieux de cultes juifs qui disposaient d’absides ont été classés comme étant de « type byzantin » et donc datés aux 5e et 6e siècles. Des décennies plus tard, des archéologues, dont Erwin Goodenough et Michael Avi-Yonah, ont ajouté un « type (de grande maison) transitionnelle », qu’ils ont datées du 4e siècle.
Magness a déclaré que contrairement à l’école de pensée dominante, elle pensait qu’il était problématique d’utiliser le style architectural de la synagogue comme l’élément principal permettant de déterminer la date de sa période de construction et d’activité.
Magness avait l’impression que les archéologues négligeaient des preuves importantes qui allaient à l’encontre de la datation relativement précoce des 2e et 3e siècles que de nombreux universitaires donnaient au type galiléen des lieux de culte juifs, pour la plupart situés à proximité du Lac de Tibériade.
Des édifices comme la célèbre synagogue de Capharnaüm, située à 5 km d’Huqoq, avaient été datés en se fondant sur le style d’architecture romain trouvé dans des temples en Syrie et en Asie mineure.
Pourtant, dans certains cas, a expliqué Magness, des archéologues ignoraient des objets découverts dans les fondations. Ces objets ignorés avançaient la date de construction de l’édifice de plusieurs centaines d’années.
« J’ai passé les 20 dernières années à éplucher les rapports archéologiques, y compris à Capharnaüm, pour avancer l’idée que des archéologues ont mal interprété [des preuves] et daté de manière erronée » les synagogues, en se fondant sur leur architecture, a-t-elle expliqué.
La différence fondamentale est de savoir si ces bâtiments monumentaux ont été construits dans la période de règne romain païen ou pendant l’empire byzantin chrétien. Les implications des dates de construction reflètent le statut des communautés juives sous chaque régime.
« De nombreux universitaires pensent que les Juifs ont souffert d’oppression [pendant l’époque byzantine], mais s’ils pouvaient construire ces énormes synagogues, alors ce n’est clairement pas le cas », a-t-elle expliqué.
Magness a commencé à fouiller le site d’une synagogue encore enfouie pour tirer ses propres conclusions à partir de ses propres preuves. En choisissant de fouiller à Huqoq en 2011, elle a expliqué que son objectif était de pouvoir mettre à jour sa propre synagogue intacte et d’analyser de façon méthodique les objets présents.
« J’avais l’espoir de trouver l’édifice et de le dater en fonction du matériel archéologique », a-t-elle déclaré. Comme c’est expliqué dans le rapport BASOR, Magness a choisi de fouiller Huqoq « pour clarifier la chronologie des synagogues de type galiléen, dont elle pense qu’elles datent du 4e siècle de l’ère commune et après, et donc contemporaines avec les synagogues transitionnelles et de type byzantin ».
Eureka, et ensuite…
Le rapport BASOR détaille les différentes strates de fouilles provisoirement datées, qui s’étendent des murs de la période hellénistique trouvés dans le village jusqu’à la synagogue romaine de l’époque tardive qui, selon les preuves archéologiques, a été construite au début du 5e siècle.
Plusieurs centaines d’années plus tard, un édifice médiéval public (potentiellement une synagogue) tout aussi fascinant du 12e et 13e siècle y a été construit, puis une boulangerie à ciel ouvert remplie de tabun au 18e et 19e siècle. Finalement, le site a abrité le village arabe moderne de Yakuk, qui a été détruit en 1948 puis a été utilisé par Tsahal comme un terrain d’entraînement avant d’être rasé au bulldozer en 1960.
La fouille actuelle est co-dirigée par Shua Kisilevitz de l’Autorité des Antiquités d’Israël et soutenue par le UNC-Chapel Hill, l’Université de Baylor, l’Université Brigham Young, l’Université de Toronto entre autres.
A Huqoq, son équipe a trouvé ce qu’elle était venue chercher : de nombreuses preuves qui datent la synagogue sur le site au début du 5e siècle, ce qui a été confirmé par la datation au carbone 14. La première mosaïque a été mise à jour lors de la deuxième année des fouilles et d’autres nombreuses découvertes ont depuis suivi.
Magness a expliqué que l’on ne savait pas encore pendant combien de temps le lieu de culte de la période romaine tardive a été en fonction, ni pourquoi il avait été abandonné. Après être resté vide pendant un certain temps, il s’est effondré, peut-être dans un tremblement de terre, mais il convient de mener une étude plus détaillée du sujet, a-t-elle expliqué.
Aux alentours du 12e siècle, des habitants de l’époque ont réutilisé des parties des matériaux de l’édifice pour construire une autre structure monumentale qui a été érigée au-dessus des ruines de la synagogue. Les mosaïques ont été couvertes dans l’effondrement de l’édifice, a déclaré Magness, mais les constructeurs ont mis à jour certaines des pièces architecturales de la synagogue.
« Nous sommes presque surs qu’ils avaient au moins vu une partie des mosaïques », a-t-elle noté, mais ils les ont ignorées, puisqu’ils n’avaient aucun intérêt à avoir un sol partiellement détruit dans leur nouvelle structure. « Ils ont réutilisé les parties qui étaient le plus facilement réutilisables. Dans le passé, on recyclait régulièrement, et on faisait attention à ce que l’on utilisait », a-t-elle souligné.
Tout au long de l’année 2014, l’équipe a aussi mis à jour des parties d’un village juif enfoui en périphérie, ce qui a permis d’obtenir des informations supplémentaires sur le style de vie des gens qui vivaient ici, mais aussi sur les structures où ils habitaient.
« L’archéologie implique beaucoup d’interprétation », a déclaré Magness, ajoutant que « toute science est interprétative ».
Magness a déclaré que ses conclusions ne prouvent pas que toutes les synagogues du type galiléen datent d’après la période du 2e-3e siècle qui leur est assignée. En revanche, son étude suggère que les structures ne peuvent pas être datées uniquement sur la base de leur style.
« Mes objectifs étaient de clarifier les dates des synagogues de Galilée et de répondre à l’idée largement partagée que l’implantation juive a diminué sous le règne byzantin chrétien. Je suis satisfaite d’avoir répondu à ces questions jusqu’à présent », a conclu Magness.
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