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Des Bédouins d’Israël « commencent à peine à vaincre la peur » du vaccin

À Tel Arad, hameau creusé dans les sillons d'une colline rocailleuse, les habitants semblent à des années-lumière de la lutte contre la COVID-19

Une infirmière prépare une dose de vaccin Pfizer-BioNtech contre la COVID-19 dans un dispensaire de la principale ville bédouine du Negev, Rahat, le 17 février 2021. (Crédit :  HAZEM BADER / AFP)
Une infirmière prépare une dose de vaccin Pfizer-BioNtech contre la COVID-19 dans un dispensaire de la principale ville bédouine du Negev, Rahat, le 17 février 2021. (Crédit : HAZEM BADER / AFP)

Dans le village « illégal » de Tel Arad, en plein désert du Néguev, les Bédouins n’ont pas vu un médecin depuis le début de la pandémie.

Depuis décembre, Israël a administré une première dose du vaccin Pfizer à plus de 4,5 millions de ses habitants (50 %), dont trois millions ont reçu les deux doses. Le taux dépasse les 75 % dans certaines grandes villes.

Mais dans les villages bédouins « illégaux » du Néguev, vaste désert dans le sud d’Israël, le taux de vaccination avoisine 2 %, selon les données officielles.

À Tel Arad, hameau creusé dans les sillons d’une colline rocailleuse, traversé par des chèvres en quête de brins d’herbes à brouter, les habitants semblent à des années-lumière de la lutte contre la COVID-19.

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« Ici personne n’est vacciné. On n’a vu personne du ministère de la Santé, seulement des agents de police et du ministère de l’Intérieur venus détruire des maisons », tonne Adnane Al-Abari, employé de maintenance à l’école du village, non relié au réseau électrique et hydraulique.

Tel Arad fait partie d’un chapelet de villages bédouins, non reconnus par l’État hébreu, et donc sans connexion au service public.

« Regardez cette maison, elle sera démolie le mois prochain », dit-il en pointant du doigt une maisonnette jaune canari, frappée par un avis de démolition.

« Ici il y a plus de maisons détruites que de personnes vaccinées par Israël. On ne nous a envoyé personne pour expliquer la crise ou nous aider », lance ce père de cinq enfants, dont Youssef, 12 ans, n’a pas eu cours faute d’ordinateur et d’une connexion internet de qualité.

Une vue du village bédouin non-reconnu de Tel Arad, dans le désert du Neguev, le 14 février 2021. (Crédit : HAZEM BADER / AFP)

Fausses nouvelles

Mais la connexion internet cahoteuse n’a pas empêché les théories du complot de circuler via les messageries WhatsApp, SMS et le bouche-à-oreille, poussant les habitants à ne pas se faire vacciner.

À Tel Arad, certains craignent de voir le vaccin changer à jamais leur génétique, de les rendre stériles, voire de contenir une micropuce permettant aux services de sécurité israéliens de les géolocaliser.

Environ 60 % des 290 000 Bédouins israéliens vivent dans des villages ou des localités reconnus par Israël. Et malgré la présence de cliniques, d’écoles et de services dans ces localités, les taux de première vaccination dépassent rarement 20 %, selon les données officielles.

« Les fausses nouvelles voyagent plus vite que la vraie information », dit le docteur Mazem Abou Siyam à l’AFP : « Il y a vraiment cette crainte des effets à long terme du vaccin, sur six mois, un an et plus, dans le corps, dans l’esprit et dans le génome. »

« Nous sommes une communauté traditionnelle et il est difficile de convaincre les gens de se faire vacciner, d’adopter une nouvelle technologie », ajoute ce coordinateur de la campagne de vaccination dans les territoires bédouins du Néguev, où certains villages sont épargnés par le coronavirus, tandis que d’autres sont en zone rouge.

Une femme accroche son linge dans le village bédouin non reconnu de Tel Arad, dans le désert du Neguev, le 14 février 2021. (Crédit : HAZEM BADER / AFP)

« Le prophète a dit »

Jameh Abou Odeh a remporté une petite victoire. L’avocat de 36 ans, établi à Rahat, principale ville bédouine du Néguev, a parlé du bienfait de la vaccination avec sa famille et convaincu sa mère de passer à l’acte.

Ce jour-là, dans une clinique locale, il épaule sa maman, frêle et timide, venue recevoir sa première dose.

« Tout le monde a peur du vaccin ! C’est un mélange de peur et de confusion sur les effets secondaires », explique-t-il pendant qu’une infirmière plante une seringue dans l’avant-bras de sa mère. « Il ne faut pas oublier aussi qu’ici plusieurs ne savent pas lire. »

« L’ignorance » est la première cause des refus de vaccination, plaide le cheikh bédouin Ibrahim Leamor, 70 ans, un keffieh impeccable tombant sur sa nuque, dans son salon de Ksufah, village au taux de vaccination en deçà de 10 %.

Des chèvres vont paître dans le village bédouin non-reconnu de Tel Arad, dans le désert du Neguev, le 14 février 2021. (Crédit : HAZEM BADER / AFP)

Le cheikh n’hésite pas à user de références coraniques pour convaincre les plus récalcitrants. « Le prophète a dit que chaque maladie avait son remède », et ce remède se nomme aujourd’hui « al-Liqah » en arabe. Le vaccin, en français.

Effet de bouche-à-oreille ? Les Bédouins des villages reconnus visitent en plus grand nombre les cliniques depuis quelques jours, note le docteur Abou Siyam : « Nous commençons à peine à vaincre la peur. J’espère que c’est le début d’un boom. »

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