Des dizaines de milliers de personnes rassemblées pour soutenir la refonte judiciaire
Alors que Netanyahu a annoncé une suspension, les partisans exigent que la réforme du système judiciaire aille de l'avant et affirment que les élections leur ont été "volées"
Des dizaines de milliers de partisans du gouvernement ont manifesté lundi à Jérusalem en faveur de la réforme du système judiciaire et contre son interruption, peu avant que le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’annonce qu’elle était suspendue.
Il s’agit de la plus grande manifestation de ce type depuis que le gouvernement a lancé son processus législatif de grande envergure en janvier. Au cours des derniers mois, de nombreuses manifestations de masse anti-réforme ont eu lieu, tandis que les rassemblements pro-réforme étaient rares jusqu’à ce qu’il devienne clair, lundi, que la législation de refonte judiciaire allait être suspendue.
Netanyahu a déclaré qu’il mettait « en pause » le projet de réforme du système judiciaire afin d’ouvrir le dialogue avec l’opposition, en vue d’aboutir à une réforme consensuelle.
Lors du rassemblement en faveur de la réforme au parc Sacher de Jérusalem, les manifestants scandaient « nous savons exactement pour qui nous avons voté » ou encore « notre voix n’est pas moins importante que celle d’un pilote », en référence aux nombreux avertissements des pilotes de réserve de l’armée de l’Air qui ont déclaré qu’ils ne serviraient pas si la démocratie israélienne était mise à mal, ce qui, selon eux, serait le cas si le projet de réforme était mis en place en l’état.
Certains tenaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « citoyen de seconde zone » et « ils nous volent les élections ». Beaucoup scandaient « le peuple veut une réforme judiciaire », tandis que d’autres s’écriaient « où étiez-vous pour Gush Katif ? », rappelant le bloc d’implantations à Gaza avant le désengagement de 2005.
La police s’est efforcée de séparer les manifestants favorables à la réforme et les manifestants opposés à la réforme, qui s’étaient également rassemblés à l’extérieur de la Knesset, afin d’éviter toute violence entre les deux camps. Quelque 100 000 manifestants anti-réforme s’étaient rassemblés près de la Knesset dans l’après-midi, mais à l’heure du rassemblement de la droite, la plupart d’entre eux s’étaient dispersés.
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Malgré les efforts de la police, des images ont montré des militants des deux camps se bagarrant.
Alors que les manifestants favorables au remaniement judiciaire arrivaient au parc Sacher de Jérusalem, des manifestants hostiles au remaniement ont également défilé, certains s’y asseyant pour s’assurer un espace.
Parmi eux, certains jeunes hommes criaient sur les manifestants anti-réforme. « Vous êtes des putes, de quelle égalité des droits parlez-vous, putes gauchistes ! »
« On va vous baiser », pouvait-on les entendre hurler.
D’autres ont cherché à dialoguer, à débattre des points de la réforme.
« Vous devez vous rappeler que la diversité est la réponse à tout », a expliqué un partisan du changement judiciaire à un manifestant opposé à la réforme, en plaidant en faveur des efforts de la coalition pour diversifier la Haute Cour (les critiques disent que la Cour a sa juste part de voix diverses et conservatrices, et que la réforme ne permettra pas une plus grande diversité, mais une politisation).
« Nous continuons à élire des juges de droite, mais nous obtenons des décisions de gauche », a-t-il ajouté, faisant écho à un refrain courant à droite.
עימותים אלימים בין מפגינים בירושלים | תיעוד pic.twitter.com/eY4HaMhUYs
— החדשות – N12 (@N12News) March 27, 2023
La Familia, un groupe de supporters de football ultra-nationalistes qui soutiennent le Beitar Jerusalem, a participé à la manifestation devant la Knesset.
Lors du rassemblement, les ministres du gouvernement se sont engagés pour assurer aux manifestants que les réformes se poursuivraient, malgré la décision de Netanyahu de suspendre le processus.
Le président de la Knesset, Amir Ohana (Likud), s’est exprimé lors de la manifestation et a demandé aux citoyens de limiter les discours enflammés et d’éviter d’avoir recours à la violence.
« Nous sommes dans une période sensible, orageuse et délicate », a déclaré Ohana. « Il n’y a pas d’ennemis. Seulement une nation qui est divisée mais qui espère des jours meilleurs. Ensemble, rendons cela possible. »
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a déclaré à ce même rassemblement que, plus tôt dans la journée, il avait brièvement décidé de démissionner en raison de la décision de suspendre la réforme, mais qu’il s’était ensuite ravisé – après avoir assisté aux manifestations anti-réforme.
« »Je suis sorti, j’ai vu la manifestation des anarchistes et j’ai compris que si je démissionnais, cela leur donnerait une victoire. Ils ne gagneront pas », a-t-il déclaré.
En échange de son soutien au report du processus, le parti Otzma Yehudit de Ben Gvir a déclaré que le Premier ministre avait approuvé la formation d’une « garde nationale » civile directement subordonnée au ministre, ce qui a suscité l’inquiétude de l’opposition, qui craint que le ministre ne l’utilise pour abuser de son pouvoir.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré à un grand rassemblement de manifestants de droite devant la Knesset qu’ils représentaient la majorité du pays qui souhaitait une réforme du système judiciaire.
« Monsieur le Premier ministre, annoncez que nous allons légiférer sur cette réforme cette semaine », a-t-il déclaré.
Le ministre des Communications, Shlomo Karhi (Likud), a déclaré aux manifestants qu’ils donnaient à la coalition « un élan pour continuer à promouvoir ce que vous avez choisi ».
« Je vous dis que nous ne nous arrêterons pas. Avec l’aide de Dieu, la réforme sera adoptée. Même si elle est retardée, ne perdez pas espoir », a-t-il déclaré.
Bien qu’il n’ait pas pris la parole lors du rassemblement, le ministre de la Culture et des Sports, Miki Zohar, a écrit sur Twitter que les dizaines de milliers de manifestants favorables à la réforme « nous donnent de la force en cette période difficile et compliquée ».
« Il est de notre devoir de poursuivre notre juste combat pour la nécessaire réforme du système judiciaire. Malgré la pause temporaire, nous n’abandonnerons pas la réforme, et nous ferons même tout ce qui est possible pour parvenir à des accords et unir les divisions au sein de la nation d’Israël », a-t-il écrit sur Twitter.
Le rassemblement en faveur de la réforme a eu lieu alors que des manifestations contre la législation ont eu lieu dans tout le pays lundi, un jour après que des manifestations de masse ont éclaté spontanément dimanche soir après que Netanyahu eut annoncé le renvoi du ministre de la Défense Yoav Gallant pour avoir publiquement appelé à geler le processus.
Dans son discours annonçant la suspension momentanée de la réforme, Netanyahu n’a pas mentionné l’éviction de Gallant, et il n’était pas clair lundi soir s’il avait l’intention de revenir sur sa décision.
La déclaration du Premier ministre a été saluée par le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, et par le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz.
Gantz a déclaré qu’il était prêt à entamer des négociations à la résidence présidentielle « avec un cœur ouvert, non pas pour vaincre, mais pour se mettre d’accord ». Lapid, quant à lui, s’est montré plus prudent, soulignant qu’il voulait s’assurer que le processus législatif soit réellement stoppé avant de participer aux négociations.
« Nous devons nous asseoir ensemble et rédiger la constitution israélienne sur la base des valeurs de la Déclaration d’Indépendance. Nous devons laisser le président déterminer un mécanisme pour le dialogue et lui faire confiance pour être un médiateur équitable », a-t-il déclaré.
La Fédération nationale du syndicat des travailleurs (Histadrout) a également annulé la grève générale précédemment annoncée, mais a promis qu’elle reprendrait immédiatement si un compromis n’était pas trouvé.
Depuis près de trois mois, des manifestations de masse hebdomadaires ont lieu contre le projet de loi, et une vague croissante d’objections a été soulevée par des personnalités publiques de premier plan, dont le président, des juristes, des chefs d’entreprise et bien d’autres encore.
Les opposants affirment que ce projet politisera la Cour, supprimera des contrôles essentiels du pouvoir gouvernemental et portera gravement atteinte au caractère démocratique d’Israël. Les partisans assurent qu’il permettra de contrôler un système judiciaire qui, selon eux, a dépassé ses limites.
Carrie Keller-Lynn a contribué à cet article.