Dix ans dans les limbes : les évacués du Gush Katif toujours dans des caravanes
Pour beaucoup de familles, l’argent des réparations s’est tout simplement évaporé dans l’attente des délivrances de permis fonciers, aggravant encore plus le traumatisme du désengagement
Nitzan est un quartier de trous. A chaque rue, il y a au moins un terrain abandonné, de plus en plus de mauvaises herbes sur une dalle de béton qui abritait autrefois une maison. Des tas de débris de démolition sont entassés au hasard autour des terrains vagues. La cour d’une maison est remplie de jouets et de fleurs. A côté, des clôtures penchent paresseusement dans tous les sens et le sol sablonneux est intact.
Mais à la différence des villes qui affrontent un délabrement urbain, chacun de ces terrains vides cache une histoire qui se termine bien : celle d’une famille du Gush Katif, d’évacués finalement déplacés dans des logements permanents.
Cet été, les anciens résidents du Gush Katif marquent les dix ans du désengagement. Mais la bureaucratie a maintenu des centaines de familles coincées dans les maisons mobiles temporaires, aggravant encore le traumatisme émotionnel du désengagement.
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« Je suis le seul chef communautaire au monde dont le succès est mesuré par sa capacité à démanteler sa communauté », dit Aviel Eliaz, maire de Nitzan B, la section de Nitzan qui loge des évacués de Gush Katif depuis la dernière décennie. « Je brise la communauté, au lieu de la construire. Chaque famille qui abandonne sa propre maison est un moment de satisfaction. »
Dans le chaos qui a suivi le désengagement, le gouvernement a tenté de trouver des solutions permanentes aux 10 000 anciens résidents de la zone évacuée.
Certaines villes du Gush, comme Neve Dekalim, étaient mieux organisées et avaient plus de connexions en raison de leur taille et de leur ancienneté. Elles purent s’installer en quelques années dans un logement permanent. Mais pas tous les résidents n’ont été aussi chanceux. Une des options était d’obtenir une remorque de double largeur, appelée caravilla, offerte aux familles à loyer réduit ou gratuitement en fonction de leur situation. L’option de la caravilla devait durer deux ans, tandis que les familles construisaient des maisons permanentes achetées à un taux réduit.
Après six mois de désengagement, le gouvernement avait construit des caravanes pour 550 familles à Nitzan B, à côté de la petite ville de Nitzan, à mi-chemin entre Ashkelon et Ashdod. Beaucoup de quartiers étaient organisés selon les futures constructions, afin que les voisins à venir puissent vivre ensemble.
Dix ans plus tard, près de la moitié des familles se trouvaient encore à Nitzan.
Selon l’Administration du processus de désengagement, connue par ses initiales hébraïques Tnufa, il y a encore un total de 350 familles d’évacués qui vivent dans des logements temporaires, sur les 1 800 familles évacuées du Gush Katif. La plupart résident à Nitzan.
Environ 150 de ces 350 familles sont actuellement dans le processus de construction, ce qui signifie qu’elles devraient habiter un logement permanent dans la prochaine année à 18 mois à venir. Une centaine de familles essayent encore de trouver un terrain pour construire leurs maisons permanentes.

Et la dernière centaine de familles devront trouver des solutions alternatives, telles qu’un logement public. L’espoir est que Nitzan B finira par être rasée pour construire un parc industriel, mais rien n’est certain.
« Nitzan [B] n’est pas une ville », a déclaré Eliaz. « Il y a dix ans, c’était un site temporaire pour deux ans. Il y a huit ans, c’est devenu un camp de réfugiés. Il n’y a pas d’afflux d’argent ici. Tout est totalement détruit, mais inutile de réparer, parce que c’est temporaire. Maintenant, nous sommes dans cette situation de détention, où le gouvernement ne nous recrache pas et ne nous avale pas. »
Une somme forfaitaire
La raison pour laquelle les familles s’étiolent dans un logement temporaire depuis une décennie est un mélange complexe de bureaucratie et de traumatismes.
Le lendemain du désengagement, les familles ont reçu une somme forfaitaire. Les montants variaient d’environ 500 000 shekels à 2 millions de shekels, selon si oui ou non la famille possédait une terre, la taille de leur maison et le nombre d’années où ils avaient vécu au Gush Katif. Les jeunes familles et les locataires ont reçu moins de compensation. La compensation devait être spécifiquement réservée pour construire une nouvelle maison.

« C’est comme prendre un bébé ou un enfant de deux ans, et lui donner des bonbons en disant, ‘chéri, ne les mange pas aujourd’hui, mange-les demain’ », dit Eliaz. « Vous ne pouvez pas prendre quelqu’un qui gagnait 4 000, 5 000 ou 6,000 shekels toute sa vie, lui donner tout à coup un million de shekels et lui dire ne pas l’utiliser jusqu’à ce qu’il construise, simplement de le garder. Et au fait, il n’y a pas de terre pour vous parce que nous n’avons pas émis les permis et nous ne savons pas combien de temps cela prendra. »
Eliaz souligne que ceux qui venaient des zones où tout était mieux organisé, telles que les anciens résidents de Neve Dekalim dont les permis étaient prêts en quelques années, avaient encore de l’argent de côté pour construire. Mais plus la bureaucratie d’attribution des terres traînait, plus les familles étaient à court d’argent.
« Le gouvernement a commis un crime quand il a donné l’argent aux gens, comme ça », dit Eliaz. « Ils ont commis un deuxième crime en ne donnant pas aux gens des conseillers économiques ou de conseil d’orientation. Et ils ont ajouté un troisième crime quand la terre n’était pas prête. »

Selon un haut fonctionnaire de Tnufa, le processus d’attribution des terres pour de nouvelles villes est onéreux, et c’est pourquoi il a fallu si longtemps.
Cela nécessite l’approbation d’une litanie de ministères, assurant que le terrain pour de nouvelles implantations ne porte pas atteinte à des zones de conservation protégées ou à des sites anciens. Beaucoup de maisons permanentes pour les personnes évacuées du Gush Katif sont dans les villes créées pour eux, plutôt que dans des villes existantes.
Mais le fonctionnaire a été franc en admettant l’échec du gouvernement.
« Le gouvernement a décidé de faire sortir les habitants [du Gush Katif]. Ils avaient une loi spéciale pour l’évacuation, mais ils n’avaient pas de plan de réadaptation », dit-il. « Tout a été fait pour des raisons politiques. Ils n’ont vraiment pas pensé au lendemain. »
Le responsable a ajouté que c’était la première fois qu’une évacuation de cette ampleur avait lieu en Israël, donc personne ne savait trop à quoi s’attendre. Pourtant, le manque de prévoyance avant le désengagement signifiait que le chaos était inévitable.
« Ce n’est pas comme s’il y avait un tremblement de terre, que vous devez reconstruire toutes ces villes avec la coopération des résidents, » ajoute le responsable. « L’idée d’être psychologiquement apte à coopérer avec le gouvernement prend des années. En plus de toute la bureaucratie, c’est un très long processus sur le plan social et psychologique. »
Et plus le temps passait, plus l’argent des dommages s’épuisait. Les évacués du Gush Katif ont été en proie à des taux de chômage élevés juste après le désengagement, en raison d’un traumatisme émotionnel ainsi que de la difficulté de relancer leur carrière.
« La vie passe », a déclaré Eliaz.
« Certaines personnes ont utilisé cet argent pour vivre parce qu’ils ne pouvaient pas travailler après le désengagement. Certains ont investi cet argent dans des initiatives commerciales qui ont échoué. Le gouvernement a aussi encouragé les gens à ouvrir des entreprises. Par exemple, ils ont pris un chauffeur du Gush Katif et l’ont encouragé à ouvrir un magasin de chaussures. Puis, quand cela a échoué, le type était fini. »
« Un train sans roues »
Vered Tartiks, 45 ans, vivait à Peat Sadeh du Gush Katif pendant 14 ans et travaillait comme enseignante du préscolaire et secrétaire de la ville.
Sa famille cultivait neuf dunams de légumes, poivrons, concombres, ou de tout ce qui se vendait. Elle a des souvenirs heureux de cette époque. « C’était vraiment amusant au Gush, c’était très axé sur la collectivité, » dit-elle. « Les gens prenaient soin les uns des autres. »
Les Tartiks et leurs six enfants vivent maintenant dans une caravilla à Nitzan avec la communauté déplacée de Rafiah Yam, une autre ville du Gush Katif. La sœur de son mari appartient à Rafiah Yam et ils ont décidé, après le désengagement, de rejoindre cette communauté.
Les Tartiks vivent dans une section de Nitzan B construite pour les résidents de Rafiah Yam, en attendant la construction du quartier de Rafiah Yam de Beer Ganim – une ville à 15 minutes qui pourra accueillir, dans des quartiers séparés, les résidents de neuf communautés du Gush Katif. Dix des familles de Rafiah Yam vivent toujours dans des maisons temporaires à Nitzan, tandis que dix autres ont déménagé dans leurs foyers permanents à Beer Ganim.
Les Tartiks ont décidé de quitter Peat Sadeh avant la date effective du désengagement, une décision qui choque encore leurs anciens voisins.
De nombreux résidents du Gush Katif ont refusé de mettre en place des plans de rechange avant la date du désengagement, estimant que quiconque le faisait était un traître. Ce manque de coopération a également contribué au chaos dans les années qui suivirent.

Deux ans durant après le désengagement, le mari de Tartiks a lutté pour trouver du travail. Ils vivaient des 2 millions de shekels de dommages et intérêts reçus. Finalement, le couple a décidé d’ouvrir un atelier de réparation de vélos et une petite quincaillerie dans les environs de Yad Binyamin, une ville de quelque 3 000 âmes où ils ont des proches.
« Cela a commencé comme un magasin de vélos, mais c’est devenu un peu un magasin de tout, un peu comme un petit Ace [équivalent de Bricorama en France] avec des outils et des ampoules et toutes sortes de choses, » dit-elle. « La plupart de l’argent des dommages que nous avons reçu a été consacré au magasin. »
Le magasin marchait bien, jusqu’à ce que le centre commercial de Yad Binyamin décide de déménager. Le magasin que les Tartiks ont reçu dans le nouveau centre commercial était au deuxième étage, et le propriétaire ne voulait pas de bicyclettes à l’intérieur. Alors ils ont décidé de rester dans le vieux centre commercial. Mais finalement, les gens ont cessé de venir à l’ancien centre commercial, et ils ont fait faillite.
« Nos dettes se sont multipliées très rapidement », raconte Tartiks.
« Nous avons essayé d’obtenir de l’aide, mais il a fallu du temps… J’étais brisée. La banque a saisi notre voiture et gelé notre compte en raison des dettes. » Les dettes de la famille ont commencé à 160 000 shekels, mais ont depuis grimpé à plus de 600 000 shekels, en comptant les amendes et les frais.
« Mon mari gagne 6 000 shekels par mois [comme jardinier] mais tout va aux dettes », dit-elle.
« J’arrive à la fin du mois et nous n’avons pas assez d’argent pour la nourriture. Les gens doivent comprendre que si vous avez obtenu des dommages – et nous les avons obtenus – ce n’était pas un montant exorbitant. Nous repartons de zéro. Je n’ai pas la capacité d’aider mes enfants. L’un d’eux travaille tout le temps, travaille si dur afin d’économiser pour l’université. Je ne pensais pas que nous serions dans une position où je ne peux pas l’aider à payer pour l’université. »
« Quand mes enfants étaient à l’école, j’étais juste au lit toute la journée », dit-elle. « Quand je dors, je ne suis pas inquiète au sujet de notre situation. Donc, je voudrais juste dormir tout le temps. »
Le père de Tartiks est décédé l’année d’après le désengagement, et puis elle a eu deux autres enfants. «Entre mon père qui était mourant et les naissances, je n’ai pas vraiment digéré ce qui est arrivé pendant l’évacuation, » dit-elle. « Les cinq dernières années, tout s’est effondré. C’est comme si rien ne se passe comme je voudrais. »
Le pire, dit Tartiks, est l’incertitude de la vie dans les limbes pendant une décennie, avec aucune idée de la date d’un logement permanent.
La caravilla était une bonne situation temporaire, mais elle a tourné au désastre. La construction bancale a tenu pendant quelques années, mais maintenant il y a des fuites partout en hiver, créant de la moisissure le long du plafond. Avec les minces parois, la famille gèle en hiver et cuit en été, et suite au manque d’isolation, la facture d’électricité peut atteindre parfois 2 000 shekels.

Tartiks essaye de s’en sortir. Elle confectionne aussi des bijoux, mais peine à les vendre car elle n’a aucun moyen de se rendre à des foires artisanales. Elle montre fièrement son jardin, sa thérapie.
Tartiks, qui a fait 7 années de réflexologie, a utilisé une caravane pour créer une salle de soin pour traiter des patients en privé. Mais tout le monde à Nitzan est en difficulté, et peu de gens peuvent se permettre ses services. Elle ne pense pas à une expansion ou à se faire de la publicité, parce qu’elle n’a pas l’énergie pour obtenir un permis de créer une entreprise, alors qu’ils sont censés quitter le lieu dans le mois.
« Je me sens coincée », dit-elle. « Je ne peux pas bouger. C’est comme si les roues étaient coincées. Et je suis coincée depuis dix ans. Je veux sortir d’ici. »
Elle dit que le moment qui l’a brisée est lorsque la banque a saisi sa voiture en 2010. Sans voiture, elle vit dans l’isolement à Nitzan, ce qui a encore diminué ses perspectives d’emploi.
Elle est aussi en colère.
« Il a fallu cinq jours pour évacuer le Gush [Katif]. Cet endroit [Nitzan B] a été construit en six mois. S’ils voulaient nous faire entrer dans des maisons permanentes, ils le pourraient. Pourquoi ont-ils besoin de faire traîner le processus sur une décennie ? On se croirait dans un train sans roues. Quand ils voulaient nous sortir de là, ils l’ont fait en une seconde, mais cela prend des siècles. »
« C’est comme le moment où vous tombez, et vous ne pouvez pas vous relever. »
Le sens émotionnel du mot « maison »
Golan Shahar, professeur de psychologie clinique à l’Université Ben-Gurion du Néguev, a étudié les traumatismes chez les personnes évacuées du Gush Katif. Selon ses recherches, au moins 40 % des personnes évacuées répondent aux normes cliniques du stress post-traumatique.
Beaucoup de recherches ont été faites sur le traumatisme de la réinstallation des réfugiés au cours de guerres ou de catastrophes naturelles, mais dans le cas du Gush, il fallait compter l’élément supplémentaire de l’attaque directe sur le système des valeurs et l’idéologie des évacués.
« Indépendamment de toute conviction politique, et je suis en faveur du désengagement, [ces gens] ont été déracinés, physiquement déracinés », déclare Shahar.
« Cela a des conséquences physiques et spirituelles considérables. Rester dans des caravillas pendant 10 ans a vraiment creusé le fossé entre leurs vies antérieures et postérieures au désengagement. »
« Ces maisons étaient situées dans une communauté soudée. Ils étaient relativement prospères ; ce n’est pas comme s’ils étaient matérialistes, mais ils étaient en sécurité financière. Maintenant, leur idéologie et leur vie idéologique sont ternis », dit-il.
Mais le pire de la solution des caravillas est qu’elle a empêché les gens de gérer ce traumatisme, explique Shahar. « Les caravillas sont un aspect saillant de la souffrance », a-t-il dit.
« Nous avons une représentation mentale de ce que signifie une maison. C’est intimement lié à la sécurité, la sûreté, le confort. Un arrangement temporaire menace l’ensemble de ces images, car il met essentiellement dans une situation où l’on se sent en insécurité ».
La fin de la route
Tnufa, qui est maintenant sous l’égide d’Uri Ariel (HaBayit HaYehudi), le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, doit fermer en fin 2015.
« Ce que nous n’avons pas été en mesure de faire jusqu’à présent, nous ne pourrons plus le faire », déclare un haut responsable de Tnufa. Cela signifie qu’il n’y aura pas d’adresse unique d’aide aux résidents qui n’habitent toujours pas dans des logements permanents, et ils devront contacter individuellement chaque ministère.
Tnufa essaie dans un ultime effort d’obtenir aux familles des logements permanents appelés « mishpachtit« .
Le gouvernement doit construire des maisons sur des terres appartenant à des personnes évacuées qui ont un terrain, mais pas d’argent pour construire. Les familles loueront ensuite ou achèteront la propriété du gouvernement quand elles deviendront financièrement stables.
Mais cette situation s’applique uniquement à quelques-unes des 350 familles toujours sans solutions permanentes. La famille Tartiks, par exemple, ne peut bénéficier de cet avantage parce qu’en tant qu’agriculteurs du Gush Katif, ils ont un arrangement différent des non-agriculteurs, qui les rend inéligibles.
Beaucoup de familles ont reçu des lettres de menaces exigeant que les familles quittent ou risquent de payer huit ans de loyer rétroactif.
D’autres, comme les Tartiks, ont été forcés de signer des contrats disant qu’ils évacueront leurs caravillas dans un an à 18 mois. Tartiks possède des terres mais elle n’a pas encore commencé à construire puisque la famille n’a pas d’argent, ainsi, elle ignore ce qui se passera l’année prochaine.
Le responsable a déclaré que Tnufa tente de négocier avec le ministère des Finances afin que les familles ne payent pas huit ans de loyer rétroactif, mais ne fait aucune promesse.
« Il est impossible d’avoir une loi pour l’évacuation sans loi pour la construction, » dit le responsable au Times of Israel. « [Le gouvernement] était fondamentalement prêt à mener une guerre pour faire sortir les gens de là-bas, mais il n’est pas prêt à le faire pour leur construire des maisons. »
« Soudain, la lumière »
Les quartiers jonchés d’ordures des caravillas de Nitzan sont bien loin du chantier de construction de Beer Ganim. La nouvelle ville, à 15 minutes de Nitzan, est composée de neuf communautés du Gush Katif, et beaucoup de familles de Nitzan B, y compris Eliaz, finiront par vivre ici.
Seules 170 familles ont fini de construire leurs maisons. La première phase de construction de la ville comprend des maisons pour 700 familles, dont beaucoup sont en cours de construction. La deuxième phase de construction pourra accueillir 400 à 500 familles.

Ces maisons en construction ne sont pas petites. De grandes maisons de deux étages avec d’immenses fenêtres et une architecture moderne parsèment le paysage. Les bulldozers sont à l’œuvre dans presque toutes les directions. Il n’y a pas de trottoirs, mais des lampadaires. Il n’y a pas de transport public. La plupart des routes ne sont pas pavées. La nouvelle école va seulement jusqu’au CM1. Il n’y a aucun bâtiment public comme des centres sportifs ou des terrains de foot et pas assez de synagogues.
« Je me sens un peu comme si nous étions des pionniers, juste d’une manière très différente », dit Devora Israeli, mère de quatre enfants qui a emménagé dans sa nouvelle maison il y a trois mois, après presque une décennie dans une caravilla à Nitzan.
« Cet endroit sera un chantier de construction pendant encore dix ans », dit-elle.
L’été dernier, le Times of Israel a rendu visite à Israeli au milieu de l’opération Bordure protectrice.
Les caravillas ne disposent pas d’aires protégées, de sorte que chaque fois qu’il y avait une sirène, ils devaient courir dans des abris temporaires en béton fabriqués faits de tuyaux. « Quand il y a une sirène, nous courrons vers ces canalisations d’eaux usées comme des rats », avait-elle dit à l’époque. Chaque parent affrontait le même choix encore et encore : quel enfant choisir en premier ?

Mais maintenant Israeli est dans une tout autre situation. La famille a déménagé dans sa nouvelle maison il y a trois mois et elle pousse un énorme soupir de soulagement.
Contrairement à l’exiguïté de la caravilla, tout est spacieux, ouvert et plein de lumière. Il y a une zone protégée à l’intérieur de la maison. Le salon est élégamment décoré en blanc. La vaste terrasse donne sur une vue de trois bulldozers dans le quartier proche, tous actifs.
« C’est comme si vous êtiez dans un tunnel et que tout à coup il s’ouvre et qu’il y a de la lumière », dit Israeli.
« Cela était trop, vivre dans les caravillas. Nous voulions notre vie privée. Votre voisin éternuait, et vous l’entendiez et disiez ‘A vos souhaits’. Ici, je peux respirer. Quelqu’un qui n’a pas vécu cela ne peut expliquer ce que ça fait de quitter les caravillas. Soudain, la vie continue dans ce lieu décontracté. »
Pour la première fois depuis l’évacuation, Israeli dit qu’elle aura la force émotionnelle d’assister aux cérémonies officielles marquant l’anniversaire du désengagement. Elle a posé des questions sur le bénévolat au musée Gush Katif.
« Maintenant que nous sommes ici, je peux comprendre ce que nous avons traversé [dans le désengagement], seulement maintenant je suis capable de le digérer et je peux commencer à en parler. »
Israeli et son mari ont reçu environ 100 000 shekels de dommages et intérêts parce qu’ils étaient un jeune couple vivant dans un immeuble locatif. Israeli était enceinte de son premier enfant pendant le désengagement. Ils ont reçu un rabais sur la terre, comme toutes les personnes évacuées du Goush Katif, mais rien de plus.
Il a fallu près de huit ans pour émettre les permis pour leurs terres. Il a fallu huit mois pour planifier la maison, et un an pour la construire. Mais maintenant, la famille marquera l’anniversaire du désengagement, pour la première fois, dans sa propre maison.
« Tout à coup, vous sentez que vous appartenez à un endroit », dit Israeli. « Vos racines commencent à grandir. Nous étions comme des arbres arrachés du sol. »

Il faudra longtemps avant que la nouvelle ville d’Israeli ressemble à un voisinage régulier et non à un site de construction, mais elle est très heureuse du changement. Ce qui est frustrant, c’est qu’il a fallu si longtemps.
« Pendant les dix années, Israël parlait sans arrêt de calendriers et de délais », dit Eliaz.
« Vous devez signer avant telle et telle date sur votre terrain. Vous devez payer avant tel ou tel jour. Si vous ne le faites pas à cette date, le contrat est annulé. Vous devez construire avant tel ou tel jour. Votre subvention n’est disponible que jusqu’à tel ou tel jour, après vous ne l’obtiendrez pas. Il y avait tellement d’échéances. Certaines étaient terribles, certaines étaient moins terribles, mais ils nous parlaient toujours en termes de délais et de dates-limites. Au retrait, ils nous ont dit que nous obtiendrons des terrains en deux ans. L’Etat d’Israël ne respecte pas sa propre date-limite. »
« Dix ans après, il y a encore tant de familles sans solution. »
Luke Tress a contribué à cet article.
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